" A chaque jour suffit sa peine" Nessbeal

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Erza laissa la jeune fille s'en aller, sous le regard inquiet de quelques membres de la meute. Evan l'accompagnait jusqu'à la voiture qui allait l'escorter jusque chez elle. Ils marchaient comme s'ils avaient toujours fait cela, côte à côtes, se parlant, paisiblement. Elle avait une étrange sensation, une familiarité incongrue au côtés de ce type qu'elle ne connaissait pas et qui la rendait confortable.

-Isaac est mon bêta, il t'escortera jusqu'à chez toi, puis sur ton lieu de travail. Nous ne voulons pas interférer avec ta vie, mais Whyte sait où tu travailles, et il n'aura pas hésité à partager l'information ...

-Pourquoi ne pas simplement s'en prendre à toi, demanda Aéna.

-Il l'a déjà fait, ses cicatrices le lui rappellent amèrement chaque jour. Tu es une Luna, une âme soeur... Te briser c'est briser la meute...

-Je ne suis personne, le corrigea-t-elle. Ni pour toi, ni pour ta meute.

Elle le pensait vraiment : elle n'était qu'une livreuse qui avait fait une mauvaise rencontre, une étudiante qui peinait à assumer l'équilibre précaire entre son job étudiant qui lui prenait toute son énergie et ses études. Mais elle n'avait pas le choix : elle devait financer ses études. Elle devait préparer ses économies pour son master, pour le kot qu'elle devrait louer pour l'année suivante parce que son père lui avait dit : en septembre je veux les clés sur la table. Et il était sérieux. Elle le savait sérieux. Il n'avait jamais été si sérieux sinon le jour où il l'avait giflée parce qu'elle avait refusé la demande en mariage de ce salopard qui lui servait de cousin...

-Nous avons la vie pour apprendre à nous connaître, Aéna, lui sourit-il en prenant sa main pour l'embrasser. J'attendrai l'éternité ton autorisation pour te courtiser.

Ils étaient debout au milieu d'un corridor, elle sentait que son visage s'était enflammé. Ses yeux luisant de quelque chose qu'il ne parvenait pas à définir, entre tristesse et tentation, elle dit :

- Et si je ne te disais jamais oui ?

Que ferait-il? Etait-il comme son ex? Ce salopard d'Emer qui l'avait poussée, l'avait malmenée par sa brusquerie ? Ou alors comme son cousin qui après qu'elle refuse sa demande en mariage avait dit à son père qu'elle forniquait, et que le plaisir de la chair était tout ce qui expliquait qu'elle refuse un mariage pieux... Sa médisance, sa virilité malmenée par le fait qu'elle se refuse à lui, avaient mené à la violence de son père.

Une violence qui ne s'était plus exprimée depuis des années, depuis le divorce, depuis la perte de la garde de ses enfants... Mais elle était restée avec lui. Parce que Aéna l'aimait son père. Il était imparfait, mais elle l'aimait.

Elle avait refusé de croire que le divorce l'avait changé. Qu'il s'était assombri. Qu'il n'était que mépris.... Et pourtant...

Alors si son père avait malmené cette enfant qu'elle était, qu'est-ce qui empêchait cet inconnu, ce tendre Evan qui jusque là n'était qu'apaisement pour son cœur, de lui faire la même chose? De la malmener? De la haïr si fort que la violence prendrait le pas sur le reste de ce qu'il pourrait ressentir ?

- Alors je te protégerai sans que tu ne me vois, sourit-il en reprenant sa marche vers la sortie.

Elle fixa un instant le dos de cet individu qui lui parlait de protection et d'âme sœurs... Est-ce qu'elle avait envie de laisser reposer sur une épaules de Evan, d'une meute de loups garou en conflit avec une autre meute ? Des lycanthropes qui l'appelaient Luna et semblaient prêts à tout pour elle ? Là, debout au milieu de ce couloir, Aéna se demandait si elle avait envie de se reposer... De ne plus pédaler pour sa vie... De juste arrêter de se donner à fond et de respirer...

C'est un léger sourire aux lèvres qu'elle grimpa dans la voiture que conduisait Isaac, sous le regard tendre et paisible de  Evan qui lui souhaitait bon courage pour son shift, et surtout lui demandait d'être prudente.

- Qu'est-ce qui vous fait sourire, demanda Isaac au volant.

- Personne ne m'a demandée d'être prudente en deux ans sur le vélo, dit-elle, son regard parcourant la ville qui défilait à sa fenêtre.


Au Nom de ma Liberté...Dove le storie prendono vita. Scoprilo ora