Chapitre 13

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Le quatrième jour, je n'échappe pas à l'inévitable : l'après-midi ski. En apprenant que nous partions tous à la montagne, mes parents ont insisté pour m'acheter une tenue de circonstance, sauf que je ne compte pas enfiler ces longs bâtons de l'enfer à mes pieds. Hors de question ! Je revêts néanmoins ces habits. Mon air hostile défie quiconque de me forcer la main, de me suggérer de descendre la moindre piste. En revanche, je suis comblé par tous les sourires autour de moi. Aya, la taciturne, se montre toute guillerette ce matin. Je finis par sautiller d'excitation avec eux.

Une mission de la plus haute importance m'incombe. Afin de réduire nos coûts, nous avons choisi de préparer nos repas, évitant au maximum les prix élevés des restaurants. Or, pendant que nos deux aînés prenaient leur douche et vaquaient à leurs occupations, nous nous sommes concertés et il est apparu vital de manger une raclette, des crozets ou une tartiflette, peu importe, avant de rentrer dans le sud.   

Malik m'a donc confié la tâche urgente de convaincre Sébastien ou Tristan pour que nous déjeunions à un restaurant ce midi. Il nous a même dégoté un établissement à la carte parfaite. Chacun d'entre nous y a déjà sélectionné son plat. Je salive par avance à la fondue que nous envisageons de partager, et surtout je rêve de ce fondant au chocolat avec son coulis au caramel beurre salé. 

Les orbes songeurs, je patiente, tel un chasseur, pour que l'un d'eux s'écarte. À deux, ils sont plus forts, m'a prévenu Aya. Puis, Sébastien décide de sortir les poubelles tout en bas de l'immeuble. Fantastique ! Ben me fait signe d'y aller et je dévale les escaliers, atterrissant dans la petite cuisine. Tristan arque un sourcil, interloqué, mais il ne m'interroge pas, sûrement habitué à nos manies loufoques. 

Je m'approche de lui petit pas par petit pas, une mine innocente et angélique, les doigts entremêlés sagement, pendant qu'il se sert un verre d'eau pour prendre ses compléments. Ces gestes automatiques qu'il effectue tous les matins me font tiquer ; j'en aurais presque oublié qu'une contrainte supplémentaire s'impose, autre que l'économie. C'est un sportif. Il ne sera pas ravi à la mention de la fondue. Bon ! Tu peux le faire, Lou ! 

— Tristan, est-ce que je peux te demander quelque chose ?

Chaque syllabe traîne sur ma langue, en particulier son prénom. Il paraît s'étouffer avec son eau et la pose promptement afin d'éliminer tout risque, se tournant vers moi. Tristan discerne sans mal la malice derrière mon sourire. Je me glisse à côté de lui, près du plan de travail et encercle son bras du mien, ce qui l'alerte pour de bon.

— Que voulez-vous, sales gosses ?

J'inspire profondément et c'est parti :

— Tristan, listen carefully ! Après la boîte de nuit, la promenade toute la journée au marché de Noël et hier au lac, nous méritons un bon gros repas qui explosera notre estomac ! Nous nous sommes bien tenus, en plus de ça. Nous ne vous avons causé aucun ennui ! 

— Ah bon ? Seb et moi, nous vous avons récupéré saouls dès le premier soir et...

Je balaie sa remarque d'un revers de main.

— Loin de moi l'idée de critiquer votre cuisine. Vous avez réussi à transformer de simples sandwichs en chefs d'oeuvre culinaires ! Quoi ? Je ne mens pas, c'est vrai ! En bref, j'adore ce que vous nous préparez. Okay ? Mais...une fondue ? Ou une tartiflette ? C'est bon les fondues et les tartiflettes, n'est-ce pas ? 

Un ange passe entre nous. Je compose à toute vitesse de meilleurs arguments, prêt à renchérir sur ses refus. Tristan a plissé les yeux, en pleine réflexion, et il lâche tout à coup :

— Tu me demandes la permission de manger au restaurant.

Ce n'est pas une question, mais j'opine du chef avec vigueur, par réflexe. Tristan soupire en secouant la tête. 

Sunshine ProtectorWhere stories live. Discover now