Mauvais rôle

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Damien ne travaillait dans cette prison que depuis deux petits jours et il y avait déjà de l'action. Il allait finir par croire que c'est lui qui attirait les problèmes. Le policier sortit de la petite pièce improvisée en salle d'interrogatoire par ces collègues. Puis il respira profondément pendant quelques nécessaires secondes et les muscles de son visage se détendirent progressivement. Qu'il haïssait jouer les mauvais flics... Cependant, il pouvait remercier sa mère, s'il était aussi bon dans ce rôle, c'est parce qu'il l'avait accompagné pendant deux ans à cet atelier théâtre qu'elle adorait. L'aura qui émanait de lui pendant ses prestations faisait craquer rapidement la plupart de ces victimes, les deux colosses n'avaient pas fait exception. Hugo avoua que ce spectacle l'avait ébranlé, il croyait s'être trompé sur le compte de Damien. En un instant, ce dernier était devenu un homme colérique et perfide, s'émerveillant de la peur qu'il insufflait par ses paroles et son comportement. Désormais, Damien se battait pour désamorcer tout ça, il ne voulait pas perdre un ami potentiel pour si peu. Finalement, la discussion se recentra sur leur sujet initial, à savoir l'évasion démantelée des deux armoires à glace. 

- Il faudra bien surveillé ce Thomas, il risque d'être pris pour cible malgré lui. Damien s'inquiétait véritablement pour cet homme, sa taille de crevette ne lui permettrait pas de se défendre contre eux. Au faite, qu'est ce qu'il a fait pour se retrouver ici ? Il n'a pas l'air d'être un grand criminel. 
- Il a tué sa femme. Et sa fille au passage parce qu'elle était enceinte. Il a pas du supporter l'annonce, six coups de couteau dans le bide. 
- Chaud... 
- Mais il continue à plaider son innocence. Pour moi il a rien à faire ici, il devrait se faire interner, mais bon. 

Damien savait que quelque chose clochait avec cette histoire, les rétrospectives ne lui montraient jamais de scènes inutiles ou que très rarement. Si une vision lui était accordé, alors il y avait mystère à découvrir, âme à apaiser, meurtrier à innocenter, et puis le visage effrayant du gardien le hantait encore. Pendant sa pause, il nota toutes les informations qu'il avait a sa disposition concernant ce Thomas. C'était dangereux de s'aventurer dans cette affaire, Damien connaissait les risques. Cependant, il connaissait aussi les conséquences d'une potentielle inaction de sa part : une brèche éternelle dans l'âme d'un homme innocent que personne n'aurait voulu croire. C'était injuste, Damien ne le cautionnerait jamais ! Son sens du devoir et les valeurs insufflées par ses parents l'empêchait d'ignorer cela.

Six mois plus tôt, la copine du policier le quittait pour deux raisons. La première, elle discutait avec un garçon fort sympathique qui affirmait pouvoir lui offrir la lune, la seconde, parce que Damien avait de gros problèmes d'addiction à son travail et la délaissait. La moindre enquête devenait sa raison de vivre, l'entièreté de son monde jusqu'à sa résolution. Quoi de plus normal pour quelqu'un ayant la mystérieuse capacité de devenir un témoin oculaire de tous ces crimes. Il était impliqué de manière indirecte à ces atrocités et ressentait le besoin urgent de se rendre utile. Ainsi, le jour où elle était partie, Damien se noyait au milieu d'une affaire sombre alliant drogue et vengeance meurtrière, il fallut donc attendre que le procès du coupable soit clos pour qu'il se rende enfin compte de ce que l'absence de sa douce signifiait. C'est cette dévotion qui l'avait d'ailleurs menée au bord du gouffre, être un acharné de travail n'est jamais bon et ce peut importe la profession exercée. 

- J'aimerais interroger Thomas Iturralde au sujet de la tentative d'évasion des frères Hurigo. Demanda-t-il à son supérieur. 

Bien que surpris puisque l'affaire avait été close dans la matinée, le directeur autorisa cette entrevue. Damien emmena donc le détenu effrayé dans la salle prévue à cet effet et l'exhorta à s'installer sur la chaise de bureau en face de lui. Patiemment, le policier écouta la version de Thomas. Il avait simplement voulut lire un livre comme il le faisait depuis son arrivé dans ce centre de détention. Son choix s'était porté sur Stendhal parce que ses professeurs en parlait beaucoup pendant son cursus scolaire mais qu'il n'avait jamais pris le temps de se plonger au cœur de ce récit long et ennuyant. Thomas ne connaissait absolument pas les frères Hurigo et la seule personne qu'il côtoyait était son colocataire mafieux. 

De tous ces détails, Damien n'en retint qu'un : s'il trouvait l'histoire chiante, pourquoi la lire ? Ce à quoi il répondit avec sarcasme qu'il n'avait rien de mieux à faire. De toute façon, le jeune "criminel" possédait le mauvais rôle dans cette histoire, et ce depuis le début. Alors que Damien le croit responsable ou non, il s'en fichait. Brusquement, Damien changea de sujet en lui demandant s'il avait bien tué sa femme. 

- Bien sûr que non ! C'est ce que j'essaye d'expliquer à tout le monde ! 
- Pourtant, ce sont tes empruntes sur le couteau, et toi que les voisins ont vu. 
- Je sais bien, mais ce n'est pas moi. De toute façon, ça ne sert à rien de débattre, vous n'allez pas me croire, je ne sais même pas pourquoi vous me demandez tout ça, se résigna Thomas en baissant les yeux vers le sol. 
- Et si je te dis que je te crois. 

La lueur d'espoir qui brilla dans les yeux de son interlocuteur le percuta de plein fouet. Désormais, l'instinct de Damien lui hurlait que Thomas était innocent, mais maintenant, il fallait le prouver. Alors que ses pensées partaient dans tous les sens, à la recherche de la meilleure piste pour débuter son enquête, Thomas le questionna sur son identité, et après lui avoir révélé son prénom, le prisonnier se renferma sur lui même, en proie à une intense réflexion. L'entretient venait de se terminer. 

- Alors ? le questionna Hugo à sa sortie. 
- Je vais avoir du boulot... répondit Damien mystérieusement, laissant son camarade dans l'incompréhension la plus totale.  

Entre quatre mursWhere stories live. Discover now