Le Fil d'Or - Partie I

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Je me figeai.

-Ayaan ?

Non. Il n'aurait quand même pas osé... Anna n'est qu'une enfant.

Elle hocha la tête.

-Je suis désolée, Era. Ils étaient méconnaissables. On aurait dit des bêtes. Je peux être contente qu'il m'ait laissé ma langue et mes autres membres. (Elle s'arrêta soudain, le visage plus pâle encore, comme si elle se souvenait de souvenirs douloureux) Je crois... je crois que c'est parce qu'Ayaan ne voulait pas que je meure. Il savait que tu comptais pour moi.

La haine se mit à enfler dans ma poitrine. Comment pouvait-on autant faire du mal à quelqu'un ? À une enfant ? J'aurais dû le savoir pourtant. Ayaan était cruel. La déception fut tout de même brulante.

-Pardonne-moi Anna, fis-je, les yeux embués de larmes. Jamais je n'aurais pensé que tu risquais tant, j'étais idiote et égoïste. Rien ne justifie ce qu'Arianna et toi vivez...

Elle me prit la main et la serra de toutes les forces qui lui restait.

-Je te le redis, je savais dans quoi je me lançais. Je connaissais les risques. Je savais que mes quinze ans ne me permettraient pas d'échapper à la souffrance ou à la mort. Arianna le savait aussi. Elle était prête à tout pour toi, Era, tout, et j'ai embrassé sa cause sans hésiter.

-Mais pourquoi ? Je n'étais qu'une princesse vaniteuse et froide.

Anna sourit.

-Tu étais et tu es tellement plus que ça, Era Eléazar. Tu étais l'espoir, la bonté, la lumière dans l'obscurité. Personne n'était dupe, c'est pour ça que les gens t'aimaient, parce qu'ils avaient vu ce qui se cachait réellement dans ton cœur. Ta légende a été écrite il y a longtemps, les Souffleurs de Rêves t'attendent depuis des lustres. Certains devaient penser que c'était Lévana Sildek celle que l'on attendait, mais les gens comme moi mis dans la confidence, savions que l'espoir du monde était en toi. Une tyrannie peut durer longtemps, même deux mille ans, comme la nôtre, mais elle ne dure jamais éternellement, jamais. Ton ancêtre nous a condamnés, mais c'est toi qui nous sauveras, j'en suis convaincue.

Je n'avais pas le cœur à lui dire qu'elle se trompait, que je ne savais rien, et que je ne sauverai personne.

Je la pris dans mes bras. Elle sentait la peur et le sang. L'odeur de la mort. J'avais l'impression de voir Elina en elle. Je les aimais comme des petites sœurs, et j'aurais donné ma vie pour elles. Il était temps que je rende la pareille à ceux qui m'avaient aidé, il était temps que je grandisse, que je devienne la souveraine que la Tour d'Ivoire avait faite de moi. Elina et Anna faisaient partie de mon peuple, et un chef se bat pour les siens.

Je déposai un baiser sur son front.

-Tu dois t'enfuir, chuchota-t-elle.

-Je ne peux pas.

-Alors Arianna, moi et tous les autres Souffleurs de Rêves serons morts pour rien.

-Ne dis pas ça, soufflai-je en lui caressant tendrement les cheveux.

-C'est la vérité, insista-t-elle. Nous avons foi en toi. Toujours. Pars, monte une armée, et viens nous délivrer. Sauve-toi, Era, et tu nous sauveras.

-Je reviendrai te voir, lui dis-je à la place. Je te fais la promesse qu'un jour, tu connaitras les gens que j'ai tant aimés dehors, un beau jour, quand tout ceci sera terminé, tu vivras parmi eux.

Avant de partir, elle m'interpella :

-Era ! Si tu ne penses pas à toi, pense à ton enfant. (Elle regarda mon ventre.) Offre-lui la vie qu'on n'a jamais eue.

Je ne sus quoi répondre et là-dessus, je la quittai.

-Tu lui as fait du mal, lâchai-je d'un ton froid à l'attention d'Ayaan.

-C'est ce que l'on fait en temps de guerres, répondit-il d'un ton sans réplique.

-Elle n'a que 15 ans ! C'est une enfant.

-Elle savait où tu étais. Je te l'ai déjà dit, te concernant, rien ne pourrait m'arrêter. Même si je dois torturer un enfant.

Écœurée, je me détournai.

-Et tu oses parler d'amour, soufflai-je. Tu ne sais rien de l'amour.

Arrivée devant la porte me séparant d'Arianna, je pris une profonde inspiration. Cette rencontre serait beaucoup plus compliquée.

La Tour d'Ivoire - Tome 3Où les histoires vivent. Découvrez maintenant