— Oui ?

— Je t’aime.

— Je t’aime aussi, répond-il, forçant un sourire. Ne tarde pas trop, poursuit-il en embrassant na nuque.

Nous rejoignons le petit restaurant que nous avions découvert ensemble à son arrivée, main dans la main. La sienne est ferme, comme s’il avait peur que je parte en courant. Aucun de nous ne parle.

Une fois installé à l’une des tables les plus tranquille du restaurant et le dîner commandé, le silence s’installe de nouveau entre nous. Je hais la lueur mélancolique qui traverse son regard lorsqu’il pose enfin les yeux sur moi.

— Tu veux bien me parler, ma douce ? Je n’en peux plus, ton mutisme est en train de me tuer.

— Je suis désolée pour ça. Je... tu sais que j’ai du mal à exprimer ouvertement ce que je ressens. Ce n’est pas contre toi.

— Je le sais parfaitement, mon cœur. Mais je pensais que nous avions dépassé ce stade tous les deux. Que tu me faisais suffisamment confiance pour te livrer.

— J'ai confiance en toi, je ne veux surtout pas que tu crois le contraire. C'est dur en fait. J'ai tellement peur de te faire souffrir en me livrant.

— Alors, nous allons faire un deal. Tu me confies tout ce que tu as sur le cœur depuis ce coup de fil, sans fioriture, sans chercher à m’épargner. De mon côté, je te promets de ne pas t’interrompre une seule fois. Lorsque tu auras fini, nous aviserons. Okay ?

Mon rythme cardiaque frise la stratosphère, j’ai la sensation que mon cœur va exploser d’une seconde à l’autre. Je lui dois la vérité, je lui dois même plus que ça.

Je hoche la tête et murmure péniblement mon accord.

— C'est maintenant, ma douce, que tu me montres que tu crois en moi, insiste-t-il en embrassant le dos de ma main.

Je prends une profonde inspiration, serre ses doigts, ancre mon regard dans le sien et me lance sans plus réfléchir.

— J'ai l’impression, depuis de mon mari m’a annoncé sa maladie, de l’abandonner à son sort.

J'attends une réaction de sa part, sa main qui se dégage de la mienne, son corps qui s’éloigne du mien mais rien de cela n’arrive. Au contraire, ses yeux s’adoucissent et un sourire tendre vient fleurir sur ses lèvres.

— Et puis, la seconde d’après je regrette cette pensée parce que tu es là. Parce que je t’aime et que je ne devrais pas ressentir ça. Je n’ai pas le droit de... de...

Les mots bloquent au fond de ma gorge.

— Allez ma douce, va jusqu’au bout, ne peut-il pas s’empêcher de souffler.

— Je n’ai pas le droit de te laisser toi, pour le rejoindre lui.

Ma bombe est lâchée. Elle a explosé à nos pieds. C'est la tête baissée et les yeux empli de larmes que j’attends sa sentence. Mes doigts jouent nerveusement avec les siens tandis que je tente de retrouver un souffle normal.

C'est cet instant que choisi le serveur pour faire irruption et nous apporter nos plats. Il place une belle assiette de linguines aux fruits de mers devant moi et une énorme entrecôte accompagnée de frites puis s’efface en nous souhaitant un bon appétit.

— Je suis désolée.

Mon chuchotement semble le faire sortir de sa transe.

— Ne le sois pas. Tu es juste honnête et je t’en remercie.

— Je suis surtout celle qui te rend une nouvelle fois malheureux.

— Tu comptes faire quoi ? Le rejoindre ?

— Non, non, non. Regarde-moi, s’il te plaît ! Je n’ai pas l’intention de faire marche arrière vis-à-vis de toi. D'accord ? Dis-moi que tu le sais ? Tu m’as réappris à aimer, à espérer une vie faite de bonheur et de rire, je ne retournerai pas à mon ancienne vie. Pas même si mon cerveau tente de me persuader que j’agis mal face à mon mari. J'aimerai l’aider mais pas en dépit de toi. Jamais ! Tu m’entends ?

La panique me submerge lorsque les secondes s’égrènent sans qu’il ne réponde. Je me lève d’un coup et vient m’asseoir sur la chaise à côté de lui. Je le prends dans mes bras sans réfléchir, pose mes mains sur sa nuque et l’embrasse à perdre haleine. Si mes mots ne le convainquent pas alors mon corps lui expliquera ce que je ressens pour lui.

— Ne me fuis pas, s’il te plaît mon amour. Je ne pourrais pas continuer sans toi, pas après ce que nous avons vécu durant cette semaine.

Je l’embrasse encore et encore pour faire passer le message. Mes lèvres ne lâchent les siennes que lorsqu’il recule.

— Je ne veux que ton bonheur ma douce...

— Je suis heureuse avec toi, sois en sûr.

—  … même si pour ça tu dois être à son chevet. Je comprendrais, achève-t-il.

— Je ne peux pas le choisir lui et te laisser toi, c’est impossible.

— Je sais... je sais.

Nous restons enlacés quelques longues minutes durant lesquelles nous observons le balai des serveurs puis après m’avoir embrassé le front mon amant reprend la parole.

— Allez, ma douce. Nous allons faire honneur à ces plats qui sont en train de refroidir, passer ce repas à discuter, ensuite, bien plus tard, nous verrons comment gérer ce dilemme. Qu’en penses-tu ?

— Je te suis. Ces linguines ont l’air délicieux en plus, j’ajoute même si je n’en pense pas un mot.

Je reprends ma place tandis qu’il nous verse de ce très bon vin blanc que nous avions commandé et comme il me l’a demandé nous parlons à bâtons rompus durant plus d’une heure et demie.

À l'ombre d'une vieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant