I

49 4 0
                                    

Marlon a démarré la voiture, me jetant un petit regard, un léger sourire aux lèvres, en mettant le contact. Il braqua le volant, le bras passé sur le dossier de mon siège, et manœuvra rapidement en arrière. Je le regardai. Ses yeux bleus regardaient la route de manière fixe, comme si rien ne pourrait jamais le déconcentrer. Il roulait vite. Le paysage défilait à toute allure de l'autre côté du pare-brise et des vitres. Ses grandes mains restaient crispées sur le volant noir de la Clio qui filait à travers les bois. Je m'enfonçai dans mon siège en poussant un profond soupir saccadé, le souffle court. Je n'avais jamais autant couru de ma vie. L'habitacle sentait la cigarette et le refermé. Je me souvenais avoir dormi une fois dans cette voiture, après une soirée un peu plus que bien arrosée. Je n'avais pas mon permis, et les garçons avaient trop bu pour pouvoir reprendre le volant. Nous nous étions entassés dans le véhicule, n'importe comment, pour passer la nuit, garés sur le bas-côté, de l'autre côté de la route, en face de la boîte. Lenny avait vomi sur le tapis côté passager. L'odeur était restée longtemps incrustée dans le tissu des fauteuils. Même après des jours d'aération.

Marlon fonçait à travers le décor. Il ne se serait sans doute jamais arrêté si je n'avais pas feint de me sentir mal. Il a freiné d'un coup sec, balançant la voiture sur le bas-côté. Il m'a regardé avec son regard bleu azurin, et s'est laissé tomber dans le fond de son siège, les mains sur le volant. Sa poitrine s'est soulevée sous sa chemise à petits carreaux bleus clairs et blancs, dans un profond soupir. Il a passé sa main devant mes jambes, frôlant mes genoux nus à travers mon jeans déchiré, pour ouvrir la boîte à gants, dans laquelle il prit son paquet de cigarettes, et s'en alluma une. Il se mit à fumer en silence, les yeux rivés sur le pare-brise droit devant lui. Je ne disais rien. J'essayais toujours de reprendre mon souffle. Notre course m'avait épuisée, et ce trajet en voiture gardait ma respiration bloquée. J'ai tendu le bras pour faire pivoter le petit sapin magique qui pendait au rétroviseur. Marlon a enfin daigné tourner les yeux vers moi.

- Qu'est-ce que tu fais ?

Sa voix grave et douce a traversé l'habitacle dans un souffle. Je lui ai souri.

- Je regarde.

Il a souri, laissant échapper un petit rire, accompagné de fumée blanche.

- L'odeur de Lenny était trop tenace.

Je me suis permis de tendre l'index pour allumer l'autoradio, mais il m'en a empêché en attrapant ma main dans la sienne. Je l'ai regardé, un peu surprise.

- Tu veux mettre la musique pour qu'on ne puisse pas se parler ? M'a-t-il gentiment demandé, un sourire au coin des lèvres.

J'ai secoué négativement la tête et j'ai serré mes doigts autour des siens. Je me suis penchée vers lui pour poser ma tête sur son épaule.

- De quoi veux-tu qu'on parle... ? Ai-je murmuré.

- N'importe...

Nous avons souri. Il faisait noir dans la voiture. Les feux de positions brillaient dans la nuit, au milieu des bois. Cependant, aucune voiture n'est passée. Il a coupé le contact, les laissant allumés. Je ne sais pas s'il a fait pareil que moi, où s'il a veillé encore après, mais je me suis endormie sur son épaule, sa grande main serrée autour de la mienne...

Les MagnoliasWhere stories live. Discover now