CHAPITRE 12 - Nouveaux départs

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Je ne sais pas combien de temps je roulais sous la pluie, sans réfléchir, sans même penser à la direction qu'il fallait emprunter. L'obscurité tomba sur moi à grande vitesse, arrosée d'éclairs de plus en plus distants, et voilà bien longtemps que la lumière des étoiles ou de la lune étaient trop faibles pour permettre d'y voir clair en pleine nuit. Par chance, je gagnais une route en bon état et l'orage me dépassa. Une rangée de platanes génétiquement modifiés illuminaient la route de leurs branches fluorescentes. Je n'avais aucune idée d'où j'allais. Seul comptait le fait de s'éloigner du village.

A l'arrière, Lizzie dormait d'un sommeil agité. Elle gémissait dans ses cauchemars.

Il était probable que personne ne m'ait donné la chasse. Sans savoir vers où j'étais partie, pas sûre que nos ravisseurs allaient se donner cette peine.

Une fois le rush d'adrénaline retombé, mon corps se rappela à mon esprit. J'avais soif, j'avais faim, j'avais mal aux poignets à force d'avoir les mains crispées sur le volant. J'avais eu peur et j'avais encore peur, j'avais envie de descendre du glisseur et de pleurer dans un coin, ce que je fis bientôt, m'enfonçant dans le premier champ venu. Juste assez loin pour me mettre à l'abri des regards indiscrets de potentiels poursuivants. La Fée cogna contre ma poitrine et, pour la première fois depuis plusieurs jours, je la laissais sortir à l'air libre. Elle s'ébroua comme un chiot et voleta dans l'air pour se dégourdir les ailes. Elle me fit penser au médaillon qui brûlait toujours ma poitrine et j'essuyais mes larmes d'un revers rageur.

Le chemin était bordé d'amandiers de part et d'autre. Certains arbres d'Harold et Jack avaient finalement survécu, près du village, mais, ici, les arbres s'étaient ternis, rabougris. Un champ de bois morts à perte de vue. Personne n'avait pris le temps d'ôter la cendre du sol et des branches, et les vergers ressemblaient à des cimetières. Les mauvaises herbes, elles, avaient poussé partout et colonisaient déjà les bas-côtés.

— C'est fou, grommela La Fée à ce propos. Même avec la terre devenue acide, même avec l'absence de luminosité, ces foutues mauvaises herbes continuent à envahir le monde.

Et elle avait raison. J'arrêtais le glisseur derrière un bosquet d'arbres mort pour le dissimuler. Je distinguai à peine La Fée dans l'obscurité.

L'exercice physique et la peur m'avaient épuisée. Le froid s'infiltrait dans la cabine du glisseur. J'ouvris le sac à dos pour regarder ce que mon frère m'avait préparé.

— Fruits et viandes séchés, une gourde, des allumettes, lampe de poche manuelle, deux vieilles couvertures...

Je me contorsionnai pour recouvrir Lizzie de l'une d'elle et attrapai l'autre. La matière était lisse et très légère. Sans doute une antique technologie de type nanotubes de carbone, capable de réchauffer lorsqu'il faisait froid, ou de refroidir lorsqu'il faisait chaud. Je m'en enveloppai : ma température corporelle se stabilisa et je cessai de trembler.

Je croquai dans une vieille figue rabougrie. Je n'avais pas beaucoup de provisions, et Las Vegas était à 900 km. Il faudrait trouver en chemin de quoi remplir ma jauge d'énergie. La Fée se posa sur mes genoux, lorgnant sur ma figue.

— Tu te lances dans un périple dangereux, me sermonna-t-elle. On ne sera pas trop de trois pour empêcher les grands méchants de l'Histoire de renaître de leurs cendres.

Je grimaçai. En toute honnêteté, nous étions plutôt deux et demie. Elle haussa les épaules.

— Désolée. Je ne voulais pas dire...

— C'est bon. ETERNA a fait beaucoup de mal, alors qu'elle avait les moyens de faire le bien. L.A.S.T.E aussi, et toutes les grandes entreprises qui auraient pu changer le cours de l'Histoire mais se sont abstenues pour des questions de rentabilité. Tu as raison, j'ai fait partie des méchants, et il faut aller régler cette histoire une bonne fois pour toute.

Ce qui survivraOù les histoires vivent. Découvrez maintenant