Cassano

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– Qu'est-ce qui s'est passé ?, demanda Patsy après un moment, au pas de course, regardant autour d'elle. Où sont les Brassards ?

La plaine se dissipait, la forêt réapparaissait.

– Toujours là-bas, lui répondit Joakim entre deux souffles. Ils ne vont sûrement pas tarder à se réveiller !

Un bruit de mitraille dans leur dos lui donna raison.

– Mais qu'est-ce qui t'a pris de foncer vers eux comme ça ?!, fit Brewal. Ça va pas la tête ?

– C'était pour que le poème d'Elgud fasse effet ! Il était trop loin du Granit !

Une balle leur siffla aux oreilles.

– ARRÊTEZ-VOUS !!, beuglait Gromallo à pleins poumons.

– T'avais pas besoin de te rapprocher comme ça !, reprit Brewal. Mika t'a pas appris à ressentir les œuvres des autres ? Tu pouvais faire marcher le poème toi-même, en t'impliquant un peu !

– On peut parler de ça plus tard ?

Ils foncèrent à travers des buissons, sautèrent par-dessus des troncs morts, atteignirent une petite hauteur et se jetèrent derrière, atterrissant sur les fesses dans les feuilles.

Ils restèrent là une seconde, haletant comme des bêtes. Les oiseaux s'enfuyaient des arbres. Derrière eux, les Agents Proconsulaires continuaient de vider leurs chargeurs dans tous les sens.

– Heureusement qu'ils ne savent pas viser.

– N'empêche que si on reste là, ils vont bien finir par nous avoir ! Où on va, maintenant ?!

Brewal grogna.

– Faut qu'on se débarrasse d'eux.

Il se mit à quatre pattes et commença à fouiller dans le tapis de feuilles mortes.

Joakim, Patsy et même Elgud lui jetèrent le regard qu'on jette aux fous. Finalement, il tira du sol une grande et belle feuille toute orange, « Celle-ci fera l'affaire », et il se mit aussitôt à la regarder avec attention.

– On est là, fit-il en pointant le doigt dessus.

– Comment ça ?

– C'est une carte !

Il l'agita sous leur nez une seconde : elle était parcellée de segments minuscules, mais comme n'importe quelle feuille de n'importe quel arbre.

– On est là, reprit-il, et Cassano est ici. On peut passer par ce côté et je pourrai les ralentir en tirant sur ce tronc.

Il se releva aussitôt.

– Allons-y !

Ils finirent de dévaler la pente tous ensemble. Le bruit des coups de feu les rattrapait.

Ils zigzaguèrent entre les arbres, bifurquèrent, s'arrêtèrent après un virage pour considérer le vallon devant eux. Un cours d'eau y passait en faisant des détours. Brewal consulta sa feuille morte.

– Par ici !

Ils le suivirent encore vers le creux du vallon. Les rafales de balles continuaient de les poursuivre.

– J'AI DIT : ARRÊTEZ-VOUS !!! VOUS DEVEZ OBEIR !!!

Ils foncèrent vers la rivière, trouvèrent un tronc couché par-dessus à la manière d'un pont, ils le franchirent aussi vite que possible, les bras écartés pour garder l'équilibre. Les balles fusaient dans les branches, des éclats de bois leur tombaient dessus. Dès qu'ils furent tous passés, Brewal se retourna et tira sur le tronc, l'autre bout tomba dans l'eau de l'autre côté de la rivière. Ils repartirent aussi vite.

Le Pouvoir des ArtistesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant