L'Association

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Joakim tourna aussitôt ses yeux vers où regardaient les peintures : un couloir au fond de la galerie, d'où un murmure commençait à s'élever.

– Qu'est-ce que c'est que ce bazar ?!

Alfred Hampton était au bord de l'hystérie.

Joakim distingua deux hommes qui se détachaient vaguement de la foule, tous deux vêtus élégamment. Les gens s'écartaient sur leur passage en les saluant avec respect.

L'un était grand et massif, la cinquantaine peut-être, l'autre de corpulence plutôt normale, une boucle dorée à l'oreille, environ l'âge de Joakim même s'il faisait plus vieux. A part ça ils se ressemblaient un peu tous les deux : une paire de lunettes épaisses, un gros nez, une moustache et des sourcils touffus.

Joakim plissa les yeux.

Il s'attarda sur le plus jeune des deux parce qu'il lui semblait qu'il portait autour du cou, suspendu à un fil, une espèce de caillou... Et il fut sûr qu'il s'agissait d'un caillou identique à celui toujours coincé dans la bouteille qu'il avait trouvée, quand il remarqua que celui qui était en train de remonter la galerie avec lui boitait, comme Brewal Kozhiliz, le vieux marin bizarre de l'autre fois.

– Je ne peux pas travailler dans ces conditions !, continuait de pester Hampton, tandis que la foule devant lui en avait profité pour s'en aller.

Patsy rejoignait Joakim au moment où Brewal et son complice passaient devant eux. Les tableaux se redessinaient en même temps, leurs personnages les suivaient du regard.

Et puis Joakim vit tout le monde dans le musée changer brutalement d'attitude.

Le Proconsul – le Proconsul en personne !, – arrivait à grands pas derrière eux.

– Ouah, le Proconsul !, fit Dani en s'incrustant à côté de Joakim et Patsy.

Les gens lui dégageaient la voie également, mais les lèvres pincées et la tête basse. A son tour, il passa devant Joakim et les autres.

Sans se laisser y réfléchir, Joakim s'engouffra dans son sillage. Il le suivit en se faufilant entre les visiteurs jusqu'à rejoindre le haut de l'escalier qui descendait dans le hall.

Il s'arrêta là.

Tandis que le Proconsul dévalait les marches quatre à quatre, Joakim vit que le garçon de son âge venait de finir de peindre une bombe toute ronde et toute jaune, sur un mur à proximité de l'entrée. Il avait retiré le caillou de son cou et il se mettait à gratter le mur avec, comme une allumette, au bout de la ligne noire qui représentait la mèche.

Un faisceau d'étincelles apparut sous le caillou, le dessin de la mèche commença à se consumer avec des traits épais qui illustraient des flammèches !

Le garçon et Brewal détalèrent aussitôt à toute allure, le Proconsul arrivait en bas de l'escalier.

– UNE BOMBE !!!, hurla Dani dans les oreilles de Joakim.

Un cri de panique général retentit dans le musée.

Et au moment précis où le Proconsul passa devant le graffiti, le trait de la mèche finit de disparaître.

Il y eut une lumière jaune puissante et un BOOOMM étouffé, comme si on avait fait sauter un gros pétard dans une cocotte-minute.

Quand la lumière se dissipa, Joakim n'en crut pas ses yeux. Des dessins de pétales d'ajonc tout jaune finissaient de virevolter sur les murs du musée. Ils y tombaient lentement, comme des feuilles d'automne, aussi vifs que des petits soleils. Un parfum fleuri avait envahi le hall. Chez les visiteurs, l'émerveillement avait remplacé la panique.

Le Pouvoir des ArtistesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant