*chapitre 10*

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La salle du meeting était pleine à craquer. Il n'y avait plus de place où s'asseoir, on se tenait a débout, et d'autres étaient assis sur la fenêtre, bloquant ainsi l'air. Il faisait chaud, et tout le monde suait à grosses gouttes. Certains avaient porté des longues manches, et ils s'efforçaient de les retrousser . Leurs voisins se moquaient d'eux en disant :
- Frère ! Tu vas te noyer dans ta propre sueur.
D'autres avaient ôté leurs chemises par ce qu'ils avaient porté un sous-vêtement. Ceux-là étaient plus à l'aise. La salle était vraiment spacieuse, même si il y avait énormément de monde. Devant il y avait une tribune, des chaises et un micro. Derrière il y avait une banderole où était écrit "L'avenir de la jeunesse, c'est maintenant". Le brouhaha de la salle augmentait la chaleur.

Douta était invité à assister au meeting de son ancien camarade du lycée, Tidiane qui était le leader de "patriotes pour le travail". Il était en retard et il fut obligé de se mettre près de la porte, au moins le vent soufflait et lui donnait un air de fraîcheur. Le but de ce meeting est la lutte contre le chômage dans ce pays.

Une demi-heure plus tard, le leader entra suivi de son équipe. Le porte-parole leva la main en signe de silence. Tidiane prit la parole, le micro entre ses deux mains. Il respira un grand coup en fermant les yeux, puis les rouvrit en lançant un grand sourire. La salle était devenue muette, plus personne ne parlait, on pourrait croire qu'on est dans un cimetière. Le leader se racla la gorge, puis commença :
- je vous salue, chers camarades de lutte. C'est un immense horreur de se tenir ici devant vous pour m'exprimer et dénoncer les problèmes que nous rencontrons, nous la jeunesse, nous qui représentons l'avenir de ce pays !
S'en suivit de forts applaudissements de la part des auditeurs. Tidiane, plus confiant, continua son discours.
- Mes frères, que sommes-nous devant le gouvernement ? Quel sorte d'avenir avons-nous ? Ou plutôt, a-t-on un avenir dans ce pays ?
Des grognements se firent entendre de la part de certains. Ces questions avaient touché Douta. Du temps qu'il était en Europe, ce problème de chômage lui était paru si lointain. Mais désormais, il le voit de si près, et pire, il le vit.
- Quand nous étions enfants, poursuivit Tidiane, nous avons rêvé de liasses d'argent, de belles maisons, de belles voitures. Pour cela, nos parents nous disaient de travailler dur à l'école pour obtenir les meilleurs de diplômes et ainsi obtenir de meilleurs emplois. Mais à présent que nous avons les diplômes, où sont les emplois, ces emplois très lucratifs que nous rêvions enfants ? Certes, l'école ne garantit pas la réussite, mais si on en sort sans qualification dans aucun domaine, je peux dire qu'on a perdu beaucoup de temps !
Notre vœu et d'avoir un emploi, et remettre le premier salaire à nos parents, comme il se doit, car, vous le savez tous, ils méritent bien plus que ça. Ils ont tellement sacrifié pour nous, qu'à chaque fois qu'on ouvre les yeux le matin, on pense toujours à comment les satisfaire et les rendre fiers de nous. Que pouvons-nous faire pour eux si on a pas de salaire ? Comment s'occuper d'eux si on est même pas assuré d'avoir quelque chose à la fin du mois ? Cette situation nous frustre énormément, car nous nous sentons impuissants, par ce qu'on arrive même pas à nous prendre en charge nous-mêmes, donc que pouvons nous faire pour les autres ?.
Le jeune homme de ce pays, travaille dur à l'école, obtient les diplômes mais à la fin, se retrouve au chômage, parfois enchaînant les petits boulots par-ci et par-là. Près de vingts ans passés à l'école pour rien !
On dépose nos CV partout, on attend un appel qui ne viendra probablement jamais. Trouver un travail est devenu un travail pour nous.
Les jeunes de ce pays, fatigués par cette situation, prennent les pirogues et vont à "L'eldorado européen" au risque de périr. Vous savez autant que moi, "Barça ou Barsakh" (Barcelone ou périr). Sommes-nous obligés d'en arriver là, mourir pour avoir essayer de trouver une vie meilleure à l'étranger ? Sommes-nous obligés de quitter notre beau pays pour trouver un emploi ?
L'avenir nous appartient, c'est nous l'avenir de ce pays. Alors il est légitime de déclarer nos droits, et exiger à l'Etat d'accomplir ses devoirs.
Bon nombre d'entre nous souffrons chez nous par ce qu'on a pas d'argent pour participer aux dépenses familiales. On se sent délaissé, mis de côté et on sait plus sur qui compter. Au moindre problème, on hésite pas à te reprocher ta situation. Est-ce normal de vivre cette situation ? Ce n'est pas de notre faute !
Nous avons vu que certains peuvent faire un stage sans aucune possibilité de rémunération. Est-ce que vous, citoyens, vous trouver normal de faire un stage sans être payé ?
La plupart des emplois sont donnés aux membres des partis en échanges de votes, ou d'autres hommes influents les donnent aux membres de la famille. Pour cela, je dis avec fermeté que le clientélisme doit cesser !
Nos revendications sont là et ils tiendront toujours :
- Des formations adaptées.
- promotion de l'apprentissage
- indemnisation des chômeurs
- encourager l'entrepreneuriat.
Pour ce faire, ce samedi nous allons manifester à la place de... pour que le pays entier et le gouvernement entendent notre cri de cœur face à cette misère.
Mes frères, a présent je veux vous entendre, je veux entendre vos voix pour protester contre cette situation. Je veux entendre "Du travail, Du travail" c'est seulement ce que nous avons besoin !

Tidiane termina son discours en frappant du poing la table. Ainsi les cris s'élèverent de tous les côtés de la salle. Partout on entendait "du travail, du travail". Personne ne savait si c'était la chaleur ou la colère qui faisaient réagir ainsi l'assistance. Dans tous les cas, ils criaient haut et fort, en chœur.

A la sortie de la salle, Douta put rencontrer Tidiane. Ils se prirent dans les bras. Leur étreinte dura un bon moment.
- mon frère, dit Douta, tu as changé !
- A vous voir, je dirais que vous mangez bien en France, répondit Tidiane.
- mon frère, ça fait un moment que je suis de retour ici au pays, on m'a rapatrié.
- quel dommage ! Alors tu fais quoi maintenant ?
- je n'ai toujours pas trouver du travail mon frère, mais Dieu est bon...
Tidiane posa ses deux mains sur les épaules de son ami, puis lui dit, en le fixant droit dans les yeux :
- nous allons nous battre pour changer les choses, mon frère.
Ces paroles avaient curieusement apaisé Douta. Il n'y avait plus de doute, Tidiane avait l'âme d'un leader...

Samedi. Le rassemblement se fit comme convenu, a l'heure décidée. Devant, Tidiane avec son équipe qui tenaient la banderole où il était écrit dessus "Le travail, priorité de l'État". D'autres manifestants où on pouvait lire : " pas d'emploi, pas d'avenir", "L'avenir appartient a la jeunesse", "stop au clientelisme" et d'autres similaires à ceux cités.
Il y avait beaucoup de personnes : des étudiants, des élèves, des intellectuels, des ouvriers et des badauds qui s'y sont mêlés.
La marche fut longue, sous la chaleur torride. Au détour d'une rue, des policiers, organisés en rangées, bloquaient le passage. Les manifestants s'arrêtérent. Tidiane s'avança vers les policiers pour essayer d'avoir une discussion.  On lui informa qu'ils ne peuvent plus avancer. Cette décision mis en colère les manifestants qui commencérent de plus en plus à protester. Soudain, des pierres furent lancés par ceux qui étaient derrière. C'étaient ceux qui étaient là que pour s'amuser et semer le désordre. Les policiers au début furent patients mais puisqu'ils ne voulaient pas cesser malgré les avertissements de Tidiane, commencérent à lancer des gaz lacrymogènes et à arreter les manifestants, de manière brutale. Tidiane fut arrêté. Les manifestants, dans la panique, se disperserent, tandis que d'autres battaient en retraite, soit en renvoyant les gaz, soit en lançant des pierres. Partout c'était le chaos, Certaines tombaient, évanouis. D'autres étaient gravement blessés et criaient aux secours. Et il y avait ce que Douta craignait le plus : des morts. Au vu de ces derniers, Douta voulut s'enfuir au plus vite, mais fut finalement arrêté par deux policiers.

Au commissariat, ils étaient une dizaine à être détenus dans une cellule qui sentait mauvais et est empesté d'insectes. Tous étaient silencieux, ruminant leur colère et serrant les poings. Ils se retrouvent ici par ce qu'ils ont reclamé leurs droits, et après tout, ils ont le droit de manifester.
- prenez votre mal en patience mes frères, tout ceci fait partie de notre combat, ils pourront jamais nous faire taire, ils pourront jamais nous vaincre !
Un policier passa pour regarder les manifestants, et il remarqua avec surprise Douta. C'était Philippe, voisin de Douta. Il le fit sortir de la cellule, et trouva un moyen de le faire libérer. Philippe l'avertit que c'est dangereux de se trouver dans ce genre de situation car il peut se faire déferré. Mais Douta lui fit comprendre qu'il n'a pas peur de la prison, et que s'il le faut, il mènera ce combat jusqu'à sa mort. Avant qu'il ne parte, Tidiane l'appela.
- mon frère, va rassurer les autres, dis leurs qu'on va bien. Ce combat, on va le mener jusqu'à y laisser notre vie. Ça ne fait que commencer !
Les yeux de Tidiane étaient étincelants. Douta était fasciné par ces yeux. Ils se serrérent la main avant de se quitter.

De retour de chez lui, il vit sa mère au salon. Elle lui demanda où était-il passé hier.
- on m'a arrêté pour avoir manifesté, maman...
- vous êtes une bandes de voyous et paresseux qui sèment le désordre dans la rue ! Toujours là à se plaindre alors que vous ne vous levez pas pour rien faire, à part semer le trouble et mêler des gens qui n'en ont rien à voir à votre problème. Ils devaient te déferrer, ça fera un fainéant de moins !
Douta ne répondit pas, il savot que c'était une perte de temps de répondre, puisque sa mère ne comprendra pas. Il partit dans la douche pour se nettoyer après avoir quitté un endroit insalubre...

Le chemin de l'EldoradoWhere stories live. Discover now