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Laure

J'ai vraiment été la fille la plus idiote du monde! J'y ai cru, je me suis donnée entière, mais je ne suis qu'un passe-temps pour lui, un amusement quand il n'est pas au travail.

Soudain, je me sens tirée en arrière alors qu'une main ferme et autoritaire se referme sur mon avant-bras. Je fais volte-face, folle de rage. Je suis en colère contre lui, mais aussi contre moi.

Il me dévisage en silence. La pluie a aplati sa chevelure brune qui lui colle au front. Je chasse quelques mèches qui m'empêchent de mieux le voir. Quelques secondes, je ressens ce douloureux pincement au cœur.

Il a d'énormes cernes qui engouffrent son regard bleu. Il semble à bout, épuisé, et j'ai bien peur qu'il ne s'écroule devant moi. Pourtant, la colère reprend le dessus.

-Laure...

Je le repousse violemment alors qu'il cherche à s'approcher de moi. Je n'ai jamais été violente, c'est un comportement que j'ai toujours méprisé. Mais je ne peux pas le laisser me toucher. Pas après l'humiliation qu'il vient de me donner.

-Non! Que... Adam? Pourquoi?

Malgré mes protestations, il m'attrape le poignet pour me faire avancer vers lui. Je tourne la tête. Mince... j'étais au beau milieu d'un passage piéton. Une fois que je suis sur le trottoir, je me dégage de sa prise.

-Il faut que tu m'écoute, s'il te plaît.
-Parce que tu crois que j'ai envie d'écouter tes mensonges? Comment j'ai pu être aussi stupide?
-Ce n'est pas ce que tu crois, Laure.
-Je ne crois rien! Tu es un homme, après tout. Je t'ai fait attendre beaucoup trop longtemps, tu t'es lassé. Je comprends!

Il me dévisage en silence, alors qu'une nouvelle expression se peint sur son visage. La colère. Et je culpabilise. Pourquoi? N'ai-je pas raison et lui tort?

-Pour qui me prends-tu vraiment, Laure? Réponds! Je ne suis pas un enfoiré qui court après toutes les femmes!
-Je n'ai jamais dit ça! Jamais!

Je me redresse, en ayant assez de me montre honteuse et de me sentir si faible. J'ai ma fierté. Et je ne le laisserais pas me faire encore plus de mal que ce que j'ai déjà vécu, que ce qu'il me fait ressentir.

-Je suis désolé.
-Moi pas! Je suis allée chez toi, Adam... Je suis venue. J'ai attendu. Je t'ai attendu! Puis je me suis dis que tu n'avais pas vu l'heure, que je pouvais venir te chercher. Alors me voilà! Surprise! Pas mal, hein?
-Arrêtes, Laure...

Je le pointe du doigt, un air accusateur sur le visage. J'en ai assez de garder tout ça pour moi, depuis un mois. Alors je me lâche ce soir.

-Non, je vais continuer! Ça fait un mois que je te cours après, Adam, que j'essaie, que je m'inquiète, ça fait une semaine que tu ne réponds pas à mes messages, à mes appels!
-Je sais. J'en suis désolé. Mais c'est la folie au travail.
-La folie au travail? J'espère que tu te moque de moi!
-Le CA étudie ma candidature pour le poste de chef de service des urgences! Alors, non, je ne me moque pas de toi! Tu parles d'attente, mais qu'as-tu à me reprocher alors que ça fait des mois que je t'attends? Je t'écoute!

Je sursaute lorsqu'il hausse la voix. Jamais je ne l'ai vu aussi en colère. Mais sa colère n'est pas plus grande que ma détresse et ma peine.

-J'étais prête à tout te dire... J'ai peut-être mit plus de temps que prévu, c'est vrai, j'en suis navrée, mais ce n'est pas facile. De toute façon, ça ne vaut plus rien.
-Pourquoi ça ne vaudrait plus rien? Dis-le moi.
-Parce qu'il y a cette belle brune qui t'a embrassé! Je ne fais pas le poids, et je ne compte pas me battre pour ton amour! Ce soir, Adam, tu m'as humilié. Tu m'as traîné dans la boue, sans rancunes. Moi, la potiche, je t'attends sagement, croyant à tes bobards sur ton travail, alors que toi, tu ris et tu prends dans tes bras une autre femme. Le comble! Elle est tout à fait ton style en plus! Tu es bien tombé!

Je le vois serrer des poings. Il doit se retenir de ne pas m'hurler dessus. Mais qu'il le fasse si ça lui fait du bien. De toute façon, tout est perdu.

-Je m'en fiche de cette fille! Laure, bon sang! Quand est-ce que tu vas comprendre qu'il n'y a que toi? J'ai oublié notre rendez-vous, j'ai sauvé peut-être deux vies ce soir. J'aurais été ravi de t'appeler demain à la première heure pour te le dire!
-Quand bien même! Cela ne change rien au fait que depuis un mois, je parle à un mur! Tu m'abandonne, Adam. Ne dis pas le contraire... Pourquoi quand j'appelle, tu ne décroche pas? Pourquoi ne réponds-tu presque plus à mes SMS?
-Je n'en ai pas le temps! En quoi le fait que je ne réponde pas aux appels t'embête autant? Sommes-nous obligés d'être sans cesse ensemble pour savoir que nous pensons à l'autre?
-Oui! Oui, nous sommes obligés! Parce que la dernière fois que l'homme que j'aimais n'a pas répondu à mes appels, c'est parce qu'il était mort! Mort, Adam! Alors, oui, j'ai besoin d'être avec toi, que tu réponde à mes appels! Parce que j'ai peur que l'homme que j'aime aujourd'hui finisse comme ça!

Je reprends peu à peu ma respiration. Mes larmes brouillent ma vue, m'empêchant de percevoir correctement la silhouette d'Adam. Je ne vois même pas son expression. Mais je n'ai pas besoin de voir. Non.

-Laure...
-Non! Je... je ne peux plus, Adam... Je suis fatiguée... Désolée...

Sans rien ajouter, je me mets à courir. Parce que je ne veux pas qu'il me touche, qu'il me parle, qu'il fasse une quelconque remarque sur ce que je lui ai avoué. Sur mon passé, et sur mes sentiments.

Après plus de dix minutes de course acharnée, seule, dans les rues londoniennes, je m'arrête pour reprendre mon souffle entre mes sanglots et mes larmes. Je relève la tête.

Je ne suis pas très loin de chez Hazel. Et je ne me sens pas capable de rentrer chez moi. Alors, les joues baignées de larmes mélangées à la pluie, je relève la tête dignement et me dirige d'un pas décidé jusqu'à chez mon amie.

Les rues sont désertes, je fais attention à ne croiser personne, surtout de malveillant. Épuisée, je finis par arriver devant l'immeuble de mon amie. Je tremble de la tête aux pieds, complètement trempée.

Je sonne à l'interphone, pour appeler l'appartement 2. Après quelques secondes, j'entends un bruit continue.

-Oui?

J'étouffe un sanglot dans ma main en entendant la voix douce et ferme de ma meilleure amie.

-Hazel...
-Laure? Qu'est-ce que... mais... je t'ouvre!

Immédiatement, la porte émet un bruit. Je la pousse et entre dans le hall. Trop pressée, je prends les escaliers pour rejoindre le deuxième étage. La brune est là, debout dans l'encadrement de sa porte.

Je me précipite dans ses bras, comme une petite fille dans les bras de sa mère après une chute ou un petit chagrin. Sauf que mon chagrin à moi est immense.

-Tu es gelée, viens.

Elle m'emmène avec elle à l'intérieur de l'appartement, jusqu'à sa chambre. Elle me donne des serviettes, et des vêtements chauds et secs. Cinq minutes plus tard, je suis sèche et au chaud. Pourtant, je sanglote encore.

Hazel ne me presse pas, elle m'offre un thé en m'installant dans ses couettes chaudes. Je me laisse faire. Et, tout naturellement, je lui raconte la soirée désastreuse que je viens de passé.

Je n'oublie rien. L'attente, les craintes, la dispute, les pleurs, les reproches, les confidences... Tout. Hazel me regarde sans me presser, sans me couper. Quand j'ai fini, elle m'attrape les mains.

-Tu es amoureuse?
-C'est tout ce que tu as retenu?

Je ne peux m'empêcher de rire.

-Oui. Parce que depuis Louis, je ne t'ai jamais vu aussi heureuse, aussi impliquée. Jamais je n'aurais cru que tu serais tombée amoureuse.
-C'est trop tard, de toute façon. J'ai tout fait foirer.
-Il a aussi ses torts. Mais je pense que le fait que tu ne lui ai pas dis pour Louis, ça a créé une tension et des non-dits entre vous. Vous manquez de communication. C'est tout.
-Non, c'est finit Hazel. Finit.
-Alors il ne me reste plus qu'à appeler Sienna pour qu'on répare de nouveau ton cœur brisé. Ça ira, Laure. Tu as toujours sur te relever.
-Et si je n'en ai plus envie?
-On sera tous là pour ne pas que ça arrive.

Elle m'embrasse tendrement la joue. Et mes larmes coulent de nouveau. J'ai été égoïste ces six dernières années en ne me concentrant qur sur mon malheur, et en ne voyant pas tous ceux autour de moi qui m'aiment et qui sont prêts à m'aider.

Je dois changer. Pour eux.

Dessert sucréWhere stories live. Discover now