5

52 3 0
                                    

Adam

Un silence me répond. Pourquoi ai-je appelé? Peut-être ne veut-elle pas me parler? Peut-être qu'elle trouve ça étrange, d'ailleurs? Maintenant, elle va se faire de fausses idées ou croire que je suis plein de mauvaises intentions.

Sa respiration se fait entendre de nouveau. Je sursaute lorsque j'entends un aboiement. Puis un second. La douce voix de Laure retentit. Elle demande avec autorité à un dénommé Spencer de se taire. Elle a malgré tout un sourire dans la voix.

-Excusez-moi Adam. Oui, je me souviens. Bonjour.
-Bonjour...

J'ai l'impression qu'une chape de béton vient de me tomber dessus. Qu'est-ce que je fiche, bon sang?

-Je vais bien... Enfin, ma main va bien...

Dois-je être rassuré de savoir qu'elle non plus ne sait pas quoi dire? Sûrement.

-C'est le principal, j'en suis heureux.
-Vous allez bien?
-Oui. Je suis navré. J'aurais dû vous appeler avant, mais ces derniers jours ont été difficiles à l'hôpital.
-Vraiment? Rien de grave?
-Un collègue est tombé malade, j'ai dû le remplacer.
-Vous devez être épuisé.
-Ça peut aller. Je voulais me changer les idées, j'ai pensé à vous.
-À moi?

Oui, à vous, Laure. Et ce, chaque jour de la semaine. Mais je ne peux pas le lui avouer.

-Oui... Euh... Je pensais vous inviter à aller boire un verre ce soir, pourquoi pas.
-Eh bien... Je ne sors jamais boire des verres. Et ce soir je travaille.
-Je comprends.

Évidemment. Elle est très claire. Elle ne veut pas me revoir. Pourquoi est-ce qu'il a fallu que je lui demande son numéro ce fameux soir de la semaine passée? Pourquoi a-t-il fallu que je la rappelle?

-Êtes-vous libre d'ici une heure?

Bien sûr. Mais je dois prendre mon temps avant de répondre. Sinon, elle pensera que je n'attendais que ça. Mais qu'est-ce qu'il t'arrive mon vieux Adam?

-Oui.
-Je sais que ça ne vaut pas un verre dans un bar, mais je dois déposer des gâteaux pour une association, et rester un peu avec les enfants. Si ça vous dit, bien sûr! Je ne veux pas vous forcer.
-Ça me convient parfaitement. Dois-je vous rejoindre dans un endroit particulier?
-Je vous envoie mon adresse.
-Parfait. À tout à l'heure alors, Laure.
-À tout à l'heure Adam. Merci d'avoir appelé.

Je n'ai pas le temps de lui répondre, car elle raccroche. Je soupire en me laissant tomber dans mon canapé. J'ai réussi à avoir un rendez-vous avec elle! Bon... J'ai cru au début que ce serait fichu. Mais c'est finalement elle qui m'a proposé.

Je ne savais même pas qu'elle agissait dans les associations. Sûrement une association pour les jeunes, puisqu'elle a parlé de rester avec des enfants.

Cette information, bien que banale, rajoute plus de sympathie au caractère docile et doux de Laure. J'ai rarement côtoyer des femmes aussi simple, souriante et gentille qu'elle. Cessons de rêvasser et préparons nous, car le temps passe vite!

J'arrive après une dizaine de minutes de marche en bas de l'immeuble de Laure. Je lui envoie un message pour la prévenir que je l'attends, puis m'adosse au mur en vieilles briques blanches. Plus si blanches que ça mais bon.

Le ciel est nuageux, et je pense qu'il va même pleuvoir plus tard dans l'après-midi. Heureusement que j'ai prévu un parapluie! Je sursaute lorsque j'entends la porte à ma gauche claquer.

Mes yeux se posent sur la grande silhouette dessinée de Laure. Son manteau est fermé, elle est emmitouflée dans son écharpe crème. Elle est chaussée de bottes plates. Aussi belle que le premier soir.

Ses cheveux blonds cendrés sont rejoins à l'arrière de son crâne à l'aide d'une pince à cheveux, me semble-t-il. Son visage ne porte aucune trace de maquillage, mise à part un peu de mascara, ce qui lui fait de magnifiques yeux, mettant en valeur leur couleur marron.

Elle est magnifique. Ses pommettes prennent une teinte rosée qui lui va à ravir, alors que je la déshabille sans grande discrétion du regard. Je me reprends rapidement et me décolle du mur. Je m'avance jusqu'à elle, sans pour autant trop m'approcher. Ce serait sûrement étrange si je lui faisais la bise soudainement.

-Bonjour Adam.

C'est alors que je remarque toutes les boîtes qu'elle porte contre son buste. J'étais tellement pris dans ma contemplation que j'en ai oublié mes bonnes manières.

-Attendez, je vais vous aider.

Je la débarrasse de la moitié de ce qui l'encombre, ce qui semble tout de même la soulager.

-Merci.

Elle se met à avancer, instinctivement, je la suis. C'est dans un silence olympien que nous marchons côte à côte dans les rues de Londres.

-Comment c'est passée votre semaine?
-Plutôt bien. Et la vôtre?

Je glisse en biais un regard vers la jeune femme. Elle me fixe, attendant une réponse.

-La réponse n'a pas changé depuis notre appel. Nous en avons déjà discuté.
-Oui, pardon. Je ne me souvenais plus. Enfin, si... C'est juste que j'étais un peu distraite tout à l'heure. J'ai fais brûler les cupcakes que nous transportons.
-Vous? Faire brûler quelque chose?
-C'était un peu le cirque chez moi. Nous préparons l'anniversaire de mariage de nos parents, avec ma sœur.
-Ça leur fera combien?
-Trente ans! Ça se fête, non?
-C'est indéniable. Trente ans d'amour... Félicitations à eux.
-C'est gentil de votre part.

Elle me sourit chaleureusement avant de tourner à droite. Je la suis. Nous nous dirigeons vers un quartier défavorisé de la ville. Je comprends mieux.

-Votre sœur a quel âge?
-Lizzie a vingt-trois ans, je suis plus vieille de trois ans. C'est ma seule sœur.

Le calcul est vite fait! Elle a vingt-six ans! Assez jeune pour être dynamique et encore un peu frivole, mais assez âgée pour avoir déjà vécue pas mal d'expérience et savoir ce qu'elle souhaite dans le futur.

-Et cette association où vous m'emmenez? Parlez-moi en.

Elle s'arrête pour repositionner les boîtes qu'elle tient, en profitant pour m'observer à la dérobée. Son regard brille d'une lueur que je ne lui connaissais pas encore. De la fierté et de la satisfaction. Elle reprend la marche, se calant sur mon rythme.

-Je suis bénévole là-bas depuis deux ans. Au début, je faisais juste de petits goûters, comme celui d'aujourd'hui. C'est une fois par mois. Et puis, j'ai commencé à m'occuper des repas lors des événements. Maintenant, c'est moi qui ai la responsabilité des menus lors du bal de charité, chaque année. Mais vous verrez! Les enfants sont adorables. Ils viennent de famille instables et sont soit en famille d'accueil, soit en foyer, ou encore à la rue pour les jeunes adolescents.

Nous nous arrêtons à un passage piéton. J'en profite pour détailler son profile. Mais la seule chose qui attire mon regard, c'est son large sourire et ses yeux qui attendent une réponse de ma part.

-Je trouve ça très généreux. Vous aussi, vous êtes une héroïne sans cape.

La référence à la phrase qu'elle m'avait dit le premier soir de notre rencontre la fait encore plus sourire. Je ne savais pas que son sourire pouvait être encore plus lumineux. Elle rougit légèrement. Les compliments la gêne. Et c'est encore plus mignon.

-Ce n'est rien d'extraordinaire. Je ne sauve pas des vies chaque jour, comparé à vous.
-Je ne sauve pas toutes les vies. Et puis, vous n'êtes pas obligée de sauver des vies pour avoir une bonne âme.
-Si vous le dites. Nous sommes arrivés. J'espère que vous n'avez rien de prévu dans les deux heures qui arrivent, et que vous n'avez pas peur des petits enfants!
-Je suis prêt pour la bataille.

Elle ricane et pousse une porte en verre. Je reconnais le lieu. C'est un centre social très connu dans le quartier. Jamais je n'aurais cru que Laure faisait partie de ce genre d'association. Elle semble si loin de la pauvreté et du besoin. C'est honorable de s'y engager.

C'est avec attention et surprise que je la découvre petit à petit. Je dois être loin de tout savoir d'elle, car il semble s'en cacher des choses derrière ce sourire angélique, ce regard pétillant et cet air docile.

Dessert sucréDove le storie prendono vita. Scoprilo ora