Zack - 11

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« La musique donne une âme à nos cœurs et des ailes à la pensée. »

Platon.

Ce matin, je me réveille avec une migraine monumentale. La veille au soir, j'ai passé mon temps à enchaîner les shots pour amuser mes potes qui me trouvent trop ennuyant depuis plusieurs semaines.
Je hais qu'on se paye de ma tête, je me devais donc de tout faire pour fermer leurs clapets. Ce qui a à moitié fonctionné.

Trois mois se sont écoulés depuis la soirée au bar qui m'a laissé un arrière goût amer.

Je n'ai pas tenté de joindre Montaine depuis. J'étais à la fois vexé par ce rejet dont elle a fait part à mon égard, mais à la fois peiné de ne pas avoir su suffisamment la rassurer. Du coup, je suis un peu resté sur ma faim.

Il est à peine midi quand je me lève enfin. Au loin, j'entends mon téléphone vibrer sur la table basse en verre de mon salon.
Encore épuisé, n'ayant pas plus récupéré la fatigue accumulée jusqu'à ce jour, je traîne des pieds avant de m'affaler sur le canapé.
À peine deux secondes plus tard, le vibreur se remet en marche et l'écran s'allume.

Le nom de David s'affiche.

« Salut, mec ! T'es debout ? J'ai un truc du tonnerre à te dire. Rappèle-moi au plus vite. Tchao ! »

De quoi est-ce qu'il peut bien me parler un lendemain de soirée trop arrosée ? Quand est-ce qu'il dort celui-là ?

Curieux, je compose son numéro avec un peu d'angoisse venue de je ne sais d'où. Lorsqu'il décroche à la deuxième sonnerie, je ne lui laisse pas le temps de sortir le moindre mot :

– Hey ! J'ai reçu ton message ! Enfin, je viens de me lever avec un mal de crâne, mec, que tu ne peux même pas imaginer ! D'ailleurs, je me demande de quoi tu veux me parler...

– Zack ! crie ce dernier, avec lassitude. Laisse-moi en placer une et tu sauras de quoi il s'agit. D'accord ?

– Désolé. Je suis stressé tout d'un coup. Je ne sais pas pourquoi.

– Pardon ? Toi, stressé ? À d'autres !

– Bon, accouche !

– Ah, oui ! Alors tu te souviens quand on a joué au Stereolux ? Plus tard, à l'After, quand tu es rentré de ton côté, j'ai traîné avec Tony en boite de nuit et de fil en aiguille, on a fait la connaissance d'un mec qui vient de la capitale. Il m'a dit qu'il gérait une petite salle de concert et qu'il était intéressé. Sur le coup, on a échangé nos coordonnées, mais entre le rêve et la réalité, il y a un faussé, tu connais ça.

– Et donc ? le pressé-je, impatient.

– Et bah, en réalité, il m'a recontacté tôt ce matin. Il nous propose deux à trois soirs la semaine prochaine. Tu en dis quoi ?

Dans ce monde ou la concurrence est rude, ou il faut essayer et réussir à faire sa place, il faut aussi se battre contre les arnaques en tout genre. Je ne sais pas si celle-ci en est une, mais comme dit Chantal : « C'est trop beau pour être vrai. »

– Je n'en sais trop rien. Tu t'es renseigné sur ce type ?

– Pas plus tard qu'avant de t'appeler ! Son histoire m'a l'air véridique.

Qu'est-ce que je devrais faire et dire en tant que leader de groupe ? Faire confiance à un type rencontré en boite de nuit, ou plonger aveuglément dans cette proposition très alléchante en risquant de mettre à mal mon groupe ?

– Tu cogites, je t'entends à l'autre bout du combiné, lance David, un brin moqueur.

– Tu n'as pas idée comme cette offre me donne envie. Mais, parce que oui, il y a un mais, c'est beaucoup trop beau pour être vrai. J'ai peur d'une possible désillusion, tu comprends ? On ne peut pas se jeter dans la gueule du loup sans être totalement certain du business de ce type.

– Ouai. D'un côté, tu as raison. Néanmoins, il faut que tu arrêtes de te mettre cette pression sur le dos. On est trois, Zack. Tu n'es pas le seul à devoir porter le poids de potentiels mauvais choix sur la conscience. Et puis pour répondre à tes doutes, il m'a envoyé des billets de train sur ma boite mail. Ce type est clean, j'en mettrais ma main à couper, mec.

– Des billets de train ? Comme ça ? Sans rien signé d'officiel ?

– Ben, j'ai accepté au nom du groupe. On doit signer le contrat pour les trois soirées sur place.

Je ne la sens vraiment pas cette affaire...

– On a six billets d'ailleurs. Il m'a dit au cas où on souhaiterait amener une personne avec nous. Tout est pris en charge, j'ai vu ça avec lui. L'hébergement et le défraiement.

– Six places ? répété-je, bouche bée. Mais c'est qui ce type, David, pour payer tout ça à un groupe méconnu tel que nous ?

– Aucune idée. En tout cas, Zack, on a une étoile au-dessus de notre tête. Il est temps qu'on la saisisse ! Quitte à ce qu'on y laisse quelques plumes, ajoute-t-il en rigolant comme un idiot, quoiqu'il en soit, départ lundi matin à six heures trente gare Sud.

– Attends ! m'écrié-je avant qu'il ne raccroche. Tu emmènes qui avec toi ?

– Tu es sérieux ? Clarisse, bien entendu !

Ben voyons ! Ma question semble débile si j'en crois le ton sardonique qu'il emploie.

– Et Tony ?

– Bah Isa ! Sérieux, mec, tu connais les gars de ton groupe ou pas ? Parce que là, j'en doute. Ça va faire quatre mois que Tony sort avec elle. Et moi trois. Il est vraiment temps que tu remettes tes pendules à l'heure, Zack, parce que là, ça craint !

– Il reste une place, chuchoté-je à moi-même.

– Même pas. La dernière est prise. Tu es célibataire et ta tante ne peut pas se déplacer à cause de son boulot, du coup j'en ai fait profité quelqu'un d'autre. Désolé, Zack.

Quel goujat ! Et encore, le mot est faible. Sur le moment, je n'ai qu'une seule envie, l'insulter de tous les noms d'oiseaux qui me passent par la tête.

Cependant, il n'a pas tout à fait tort...

– Bon, je dois y aller. On se voit lundi du coup. Ne sois pas en retard ! Je t'ai envoyé ton billet par mail. Ne l'oublie pas ! Tchao !

N'ayant pas eu le temps d'en placer une, je jette un œil à mon écran qui m'indique que la communication a été coupée.

Me voilà que je vais tenir la chandelle de mon propre groupe durant des jours entiers, de surplus dans une autre ville à plus de trois cents kilomètres d'ici.

En tout cas, je me demande bien à qui David a pu confier ce sixième billet de train...

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