Chapitre 13

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 Après avoir repris ses esprits dans les bras de Sarah et sous les regards inquiets de Laura et Salomé, Jenifer a préféré s'isoler un peu. Elle n'est pas prête à affronter une discussion au sujet de ce qu'il vient de se passer. En montant dans sa chambre, elle a laissé les trois filles dans le salon, dispersées chacune dans un coin de la pièce.

Salomé dans sa position habituelle, sur le canapé et les pieds sur la table basse, serre contre elle un coussin. Surtout, elle ne regarde pas dans la direction de Sarah ni de Laura. Son visage est fermé, comme si elle était en colère, contre elle-même, pour ne pas avoir réussi à gérer cette situation aussi bien de Sarah. Pour elle, exploser de colère, c'est monnaie courante. Elle ne voit pas le mal là-dedans, elle est totalement étrangère au concept de régulation émotionnelle. Mais le voir chez quelqu'un d'autre, c'est impressionnant.

Et surtout, ça la pousse à se remettre en question. Si ce n'est pas normal pour Jenifer de réagir de la sorte, ça ne l'est sûrement pas non plus pour elle.

À nouveau assise à table, là où elle travaillait avant leur petit ouragan, Laura a, face à elle, les fragments de son portable. Sarah, recroquevillée sur un fauteuil, la regarde tripoter les morceaux comme les pièces d'un puzzle qu'elle essayerait de reconstituer. Sans succès.

« Tu t'en sors, Sarah brise-t-elle le silence.

— Pardon ? redemande Laura qui réalise que c'est à elle que s'adresse Sarah.

— Ton portable ? Il est mort non ?

— Ah oui... T'inquiètes pas. C'était celui du boulot, je vais remettre ma carte sim dans mon perso, raconte-t-elle. »

Sarah remarque la façon dont Laura agite les mains dans les airs, à la façon d'un coup de vent. Comme si son téléphone détruit n'avait pas d'importance. Ou plutôt, comme si elle ne voulait pas qu'on lui en donne. Elle n'a vraiment pas l'air de vouloir s'attarder sur cette histoire. Ce qui attire encore plus l'attention de Sarah.

« Mais du coup, même là, en train d'aider une fugitive, tu bosses ? l'interroge Sarah, en faisant également tourner la tête de Salomé, intriguée, dans leur direction.

— J'ai pas le choix, je suis sur un dossier important et complexe.

— Un téléphone ça se trace tu sais ? rappelle Salomé.

— Oui mais t'inquiète pas.

— Justement si, on s'inquiète, la coupe presque Sarah.

— Je ne suis peut-être pas une référence en matière de normal, mais toi si. Et c'est pas normal de travailler quand les flics peuvent potentiellement débarquer à n'importe quel moment et nous envoyer en taule, développe Salomé.

— Désolée mais moi j'ai un job, prenant, ajoute-t-elle en lançant un regard à Sarah. Et je ne peux pas tout abandonner du jour au lendemain. Surtout un cas comme celui-ci, termine-t-elle tout bas.

— Qu'est-ce que t'as dit ? la reprend Sarah.

— Rien.

— Si t'as dit un truc, Salomé vient-elle en renfort.

— C'est un gros dossier. Point. »

Laura se lève, rassemble toutes les pièces de son puzzle et se débarrasse des morceaux inutilisables. Puis elle revient avec les filles pour s'asseoir sur le canapé qui est devenu celui de Salomé.

« Et pour Jen, on fait quoi ? Laura consulte-t-elle les filles comme si de rien n'était.

— C'est-à-dire ? Sarah questionne-t-elle.

— C'est-à-dire que je ne suis pas particulièrement à l'aise avec le fait qu'elle puisse s'emporter à nouveau comme ça.

— Je pense pas que ça se reproduira. Elle avait besoin d'extérioriser tout ce qu'elle avait en elle depuis l'autre soir. Maintenant, c'est fait.

La CavaleWhere stories live. Discover now