Chapitre 18

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Son fils.

Ses fils.

Loin d'elle. C'est tout ce à quoi Jen est capable de penser.

Elle traverse la maison à l'aveugle. Ses yeux sont remplis de larmes. Quand elle trouve enfin la porte, elle actionne difficilement la poignée et se jette dehors dès qu'elle veut bien s'ouvrir.

Le manque devient physique. Tout son corps est déréglé. Elle frissonne en même temps qu'elle transpire. Son cœur se contracte irrégulièrement. Trop fortement. Et le filet d'air qu'elle respire s'amincit de plus en plus. Sa tête tourne et son regard ne sait plus où se poser. C'est comme si elle était dans un endroit où elle n'a jamais mis les pieds. Tout va si vite mais pourtant ça lui semble durer une éternité.

Il l'a dit, elle ne les reverra pas. Plus jamais.

Elle les voit déjà s'éloigner loin devant elle. Le grand qui la regarde à peine par-dessus son épaule. Et le plus petit qui hurle. Ses cris résonnent dans les oreilles de sa maman. Porté par son père, il tend les bras vers elle. Elle voit son visage rougi et baigné de larmes. Des "Maman" suivit d'un sanglot la frappent. Le petit à beau se débattre et se tortiller dans tous les sens, son père l'ignore et continue de l'éloigner. Bientôt, ils seront hors de sa vue. Tous les deux.

Jenifer essaye d'avancer, de mettre un pied devant l'autre, mais ils sont ancrés dans le sol. Elle peut rien faire. Juste écouter son enfant s'arracher la voix en l'appelant. Et maintenant, ils sont trop loin pour qu'elle ne les atteignent. Elle ne les rattrapera jamais. Ils vont partir.

Leurs silhouettes se dissipent à l'horizon. C'est insupportable pour elle. S'ils disparaissent de sa vie, autant qu'elle disparaisse elle aussi. Ça ne sert plus à rien. Elle est incapable d'imaginer, de seulement se dire, qu'elle ne les verra plus. Elle a besoin de les sentir près d'elle. En permanence. Et à cet instant, elle se sent vide, elle sent un vide béant à ses côtés. Plus rien n'existe.

Ce n'est plus qu'une coquille vide, un fruit vidé de toute sa pulpe. Elle ne décide plus de rien, elle se laisse porter par ses jambes tremblantes. Son corps se penche en avant et elle serre ses bras contre elle, pour empêcher son cœur de s'échapper de sa poitrine. Elle à l'impression qu'on l'étrangle de l'intérieur. Un douloureux sifflement remplace peu à peu son souffle.

Dans les graviers, elle n'entend même plus le son de ses propres pas. Tout se déforme, s'étire, se mêle. Les sons ne deviennent plus qu'un grossier brouhaha..

Désorientée, elle traverse la cour hasardeusement. Son équilibre faiblit face à la grange et elle bascule contre. Ses poings serrés la retiennent de s'écrouler au sol.

Ce qui l'entoure semble flotter. Le ciel semble se confondre avec le sol. Ses mains ont l'air de passer au travers du mur. Elle ne sait plus si elle tient sa tête droite ou non. Même en clignant des yeux plusieurs fois, sa vue reste trouble.

Dans son déséquilibre, elle se retourne. Ses épaules se plaquent au mur puis elle laisse sa tête tomber en arrière.

Essoufflée, son dos se courbe. Ses mains se posent sur ses cuisses mais elle les distingue à peine. Plus rien n'a de sens. Elle inspire mais l'air se retrouve bloqué en elle. Impossible de souffler. Son cœur peine à suivre le rythme. Et sa poitrine ne supporte plus le manque d'oxygène. Ses côtes l'emprisonnent. Ses muscles se raidissent. Tout est à vif.

Puis tout lâche.

Elle s'écroule au sol, comme une marionnette dont on aurait coupé les ficelles.

Ça ne se calme pas. C'est de pire en pire. C'est trop long. Elle a besoin de respirer.

La CavaleWhere stories live. Discover now