Chapitre 11

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Je me sentis bêtement fier quand je découvris que Stella avait eu le meilleur réflexe à avoir, dans la situation complexe qui était la sienne.

Un infecté avait vraisemblablement réussi à entrer dans la boutique, par la réserve qui donnait sur une petite rue annexe. C'était au moins un camé, sinon un SDF, à en juger par ses haillons et sa tignasse dégueulasse. Il devait être en train de fouiller les poubelles lorsque ça a commencé.

A en juger par la position de la porte par rapport aux cabines, Stella était sûrement encore en train de dormir quand il est entré. Il faisait un bordel monstre avec cet espèce de sac qu'il n'avait pas voulu lâcher, et que son bras gauche, ballant, faisait traîner au sol. Elle s'était sûrement levée en l'entendant, avait hurlé, et puis dans sa tête quelque chose avait dû fonctionner pile comme il fallait.

J'étais arrivé avec Rick et Edwin devant la vitrine quand elle agrippa les plus hautes étagères d'un portant posé contre le mur. Il courait de la caisse jusqu'à la porte de la réserve, sur près de trois mètres de long, ce qui n'empêcha pas Stella d'y mettre toutes ses forces pour le faire basculer. Dans un craquement étouffé, deux mètres de bois et de vêtements s'effondrèrent sur le zombo, bloquant en même temps l'accès à la réserve.

Oui, zombo serait désormais intégré à mon vocabulaire, dans la catégorie "cynisme déplacé", et comme la contraction de Zombie et Ho-bo.

- Putain ! lâcha Stella en regardant, horrifiée, la main du type qui s'agitait dans le vide.

C'était le seul morceau qui dépassait sous l'amoncellement d'étagères et de vêtements.

- Rick, Edwin, allez fermer l'accès à l'extérieur, éliminez tout ce qui pourrait être entré, leur lançai-je en tendant mon couteau de plongée à Rick.

C'était un peu inexact de dire que c'était le mien, mais comme il nous serait nécessaire de devenir des as en pillage, j’aimais mieux m’habituer au concept. Et surtout, l'idée que tout m'appartienne potentiellement n'était pas si déplaisante. J'avais hâte de partir chercher des vivres chez un concessionnaire Ferrari. 

Les deux entreprirent de passer par-dessus les étagères pour atteindre la réserve, et disparurent à l'intérieur.

Alors que Stella s'adossait au comptoir, complètement séchée par ce réveil original, je constatai qu'elle n'avait toujours pas remis son chemisier. Mon cerveau oublia donc pendant quelques temps les gémissements gutturaux du zombo pour se concentrer sur les alvéoles brunes, que le froid durcissait visiblement, et qui complétaient le tableau parfait de ses seins. Elle finit par me jeter un regard ahuri, qui me suggéra de me remettre aux choses sérieuses.

Je m'emparai de mon arc et entrepris de dégager un peu mon zombo de sous son étagère. 

Non sans un peu de dégoût, je tirai sur la manche de son vieux manteau.

- Putain, mais qu'est-ce que tu fous ? s'écria Stella d'une voix haut perchée.

- Il faut bien qu'on le tue, non ? Bon. Alors pour ça, j'ai besoin de voir sa tête.

Elle poussa un drôle de gémissement et ramena ses poings serrés au niveau de son menton, comme si cette position allait la protéger de l'horreur qu'elle s'apprêtait à voir. Pendant une micro seconde, j'éprouvai une sincère pitié pour elle. J'eus l'envie un peu con de lâcher mon arc, de marcher vers elle et de la prendre dans mes bras. Pour lui murmurer que tout se passerait bien, que tout n'était qu'un drôle de cauchemar dont on rigolerait ensemble, si elle acceptait de me revoir. J'aurais essayé de la faire rire en lui proposant un dîner romantique au So Fried Chicken, dont le nom précédait de peu la vieille odeur de friture. La douceur de notre réveil, ce matin, me semblait si lointaine que je me demandai si je l’avais rêvée.

Z - Où tout commenceWhere stories live. Discover now