Chapitre 43

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Au moment où je sautais dans la remorque, une vive douleur claqua au niveau de mon poignet. Presque aussitôt, quelque chose tira violemment mon bras en arrière. Je n'eus pas le temps d'anticiper et basculai, laissant échapper la batte enflammée. J'atterris lourdement sur le dos, le souffle court. Je regardai mon poignet. La fine lanière de cuir d'un fouet s'y était enroulée.

Je reçus le premier coup de pied dans les côtes. Il y réveilla une vive douleur, une de celles que je croyais enfouies à jamais. Le second m'atteint dans l'épaule, au niveau de la clavicule.

Un troisième avait réveillé mon tibia lorsque je parvins à saisir mon Glock. Sans réfléchir, je levai le bras et tirai en l'air. L'effet sur la foule fut immédiat : ils reculèrent en laissant échapper une expression de terreur.

Terreur qui ne durerait pas longtemps, à n'en pas douter.

Je roulai sur le côté et me redressai plus loin, fonçant sans réfléchir vers l'intérieur de la pharmacie. Je n'avais pas le temps de regarder en arrière, mais de toutes façons je n'entendais plus le moteur du pick-up. Vincent n'avait peut-être pas réalisé que je manquais à l'appel avant d'être sur la route.

En tous cas, ils étaient partis et je courais comme un dératé dans une pharmacie sombre.

Je me précipitai en direction de l'arrière-boutique et poussai de tout mon poids sur la porte qui donnait sur l'extérieur. Elle ne bougea pas.

Ces connards l'avaient bloquée de l'extérieur.

Je tirai un grand coup sur un rayonnage pour le mettre en travers de ma route, puis m'engouffrai dans un minuscule vestibule qui donnait sur l'escalier de service. Là, j'avalai les marches dans un tonnerre métallique et déboulai sur le toit.

Encore un toit, pensai-je en cherchant quelque chose pour gêner la progression des émeutiers.

Je soulevai le couvercle d'une trappe d'aération et arrachai la chaîne qui le maintenait en butée. Les mailles d'acier dans la main, je retournai en direction de la porte et bloquai la poignée en attachant la chaîne au garde-fou tout proche.

Je reculai en admirant le résultat et songeai que cela ne les retiendrait pas bien longtemps.

Je tournai la tête vers l'étape suivante de mon plan, qui consistait à m'enfuir en passant par les toits des différentes boutiques. J'avais fait quelques pas dans cette direction lorsque mon erreur, énorme, me frappa en pleine face.

Trois bons mètres me séparaient du magasin suivant. Je l'avais pourtant vu en arrivant, la pharmacie, qui jouxtait directement la route nationale, était séparée de l'ensemble par une allée assez large pour laisser paser les camions de livraison jusqu'à l'arrière des bâtiments. Même les conteneurs à ordures n'auraient pas pu m'aider : ils gisaient un peu plus loin, leur contenu éventré jonchant le bitume.

Je poussai un interminable soupir alors que la réalité s'imposait à moi, dure et humiliante. Comme ces tapes derrière la tête que pouvait me mettre mon sergent chef lorsque je répondais une connerie à ses questions réthoriques.

En bas, les pillards étaient largement assez nombreux pour couvrir tout le périmètre de la pharmacie, et ils s'en félicitaient en me jetant des pierres, des ordures et des insultes. Face à eux, il ne me restait que mon Glock, qui m'avait aidé à m'arracher d'eux mais me serait inutile pour un bond de trois mètres. Il contenait moins de cinq balles.

Cette désagréable sensation saisit à nouveau ma gorge, s'y enroulant jusqu'à l'étouffer. Je n'arrivai même pas à éprouver de rage face à ma propre bêtise : plus fort que ce sentiment-là, il y avait le désespoir, et il m'avait envahi tout entier.

Z - Où tout commenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant