Chapitre 6

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Je tournai la tête sur le côté et une vive lumière réchauffa aussitôt mes paupières. Avec un grognement, je revins à ma position initiale et tombai le nez dans de fins cheveux blonds. Ma main remonta, trouva une fesse, parcourut l’angle abrupt d’une hanche et finit par attraper un sein, dont la propriétaire se réveilla en sursaut.

— Hmmm… Tu m’as fait peur ! Lâcha Stella dans un gloussement.

Il me fallut quelques secondes pour remettre en place la situation. J’étais dans une chambre, la couverture grattait atrocement mon dos et Stella Gunsson était lovée contre moi. Tout allait bien.

— Tu as une idée de l’heure qu’il est ? Lui demandai-je.

— L’heure de me lever pour aller travailler, grogna-t-elle, m’informant ainsi qu’elle n’était pas du matin.

Elle glissa hors du lit et trottina jusqu’à sa salle de bains.

Je tendis la main et attrapai mon téléphone, que j’avais eu le réflexe de poser sur la table de chevet. Je ne m’expliquais pas ce geste, d’autant moins que j’avais fait cela pour pouvoir le décrocher au cas où, et que j’avais quatre appels non répondus. Je me frottai le visage de ma main libre et consultai l’historique. C’était le Capitaine Sanchez, mon responsable hiérarchique, affectueusement renommé “Sancho” dans mon répertoire. Quatre tentatives de Sancho de me joindre, c’était quatre fois plus que la limite à laquelle il m’avait habitué. Je me demandai pendant quelques secondes si c’était déjà arrivé qu’il insiste autant pour me joindre. Difficile à dire.

Mais ma bonne humeur retomba et je pressai la touche verte pour rappeler Sanchez.

— Capitaine Frederic Sanchez, US Navy. Laissez un message, m’ordonna sa voix grondante au bout de cinq sonneries.

— Capitaine, ici le Lieutenant Jon Lucky. Je suis désolé de ne pas avoir reçu vos appels. Le Capitaine Relago est à l’hôpital et… Je passerai prendre de ses nouvelles dans la matinée. Nous avons maîtrisé les Mexicains, certains ont résisté et ont été exécutés après sommation, d’autres sont retenus par la Border. Pas de pertes de notre côté. Je suis de nouveau disponible… Enfin, de nouveau en perm, du coup, mais ça c’est vous qui voyez.

J’allais ajouter autre chose puis me ravisai. J’avais toujours détesté parler aux répondeurs. Stella revint des toilettes au moment où je raccrochais. Elle avait enfilé un boxer noir à rayures… et absolument rien d’autre. Sensible à la manière dont je la regardais, elle fit une pause. Sa moue, exagérément mutine, m’arracha un frisson. J’abattis ma main sur le lit avec un grand sourire.

— Eh non ! Je dois aller travailler ! S’exclama-t-elle en se tournant vers son armoire.

— T’es qu’une allumeuse, dans ce cas, répondis-je dans un sourire.

— Non, c’est que tu as mal interprété ma grimace. Je me promène souvent nue en me mordillant les lèvres.

J’éclatai de rire et regardai avec une pointe de tristesse les fesses de Stella disparaître dans un jean gris foncé.

— Au revoir, lâchai-je dans un larmoiement.

— Tu pourras les revoir plus tard dans la journée, si tu es sage.

Elle enfila un chemisier léger, blanc cassé, et s’approcha du lit sur lequel elle planta ses deux poings. J’avançai mon visage jusqu’à ce que nos lèvres se touchent presque. Elle avait eu le temps de se laver les dents, je sentis la fraîcheur agréable de son haleine sur ma bouche.

— Avec plaisir. J’ai à peu-près… Zéro obligation pour la journée. Sauf si d’autres Mexicains attaquent la frontière, bien sûr.

Cette remarque renfrogna brusquement son joli visage, rappelant sûrement à son souvenir la pauvre Augustine. Je regrettai aussitôt mes paroles. Ce fut comme si j’avais planté une aiguille dans une bulle de savon irisée. Un bruissement, et la magie s’évapora. Stella planta un baiser sur mes lèvres et se redressa.

Z - Où tout commenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant