22-Miroir Épineux

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- Tom, où est ma fille ?

Une coiffe florale masquait ses cheveux nacrés d'argent et une bonne couche de poudre végétale camouflait ses cernes, pourtant n'importe qui pouvait constater que la reine des fées manquait cruellement de sommeil. Pire encore, l'anxiété commençait à la ronger. Son trône de bûches et d'épines grinçait, le bois miroitait son humeur alors que le vampire se releva de sa noble révérence, sans sourire.

Quel crétin, pensa-t-il. Lui aussi était mort d'inquiétude. Lizzie ne revenait plus, et alors qu'il comptait la chercher lui-même dans le monde des humains, une troupe de fées sentinelles l'avait emporté de force dans ce palais.

- Épargnez-moi vos marques de politesse. Dites-moi où elle est ! ordonna la reine, le menton toujours haut et la voix perçante.

Si un regard pouvait irriader comme la lumière solaire sur la peau des vampires, Tom ne serait plus qu'un tas de cendres. Il baissa les yeux, honteux, se mordit la langue et resta ainsi penaud devant l'altesse sans trouver le bon mensonge, ou la bonne manière d'atténuer sa terrible erreur.

- Je vais être plus précise, grinça-t-elle, accompagnée d'un craquement de bois. Ce matin, dès l'aurore, je me suis rendue au royaume des pégases pour voir et féliciter ma fille de son altruiste décision. Savez-vous qui j'ai trouvé en arrivant ?

Elle marqua une pause, le temps d'une nouvelle brisure, plus rocailleuse cette fois.

- Personne ! Ni vous, ni elle. Pire encore, j'ai compris qu'elle n'avait jamais mis une seule aile dans ce royaume. Alors si vous ne voulez pas que je vous jette en prison... Je vous pose une dernière fois la question : qu' avez-vous fait de mon petit ange ?

La gorge de Tom se noua, il jeta un coup d'œil à droite vers les gardes, si immobiles qu'il aurait pu aisément les confondre avec des statues. Les murs ne lui avaient jamais semblé aussi solides, aussi intraversables. Pourtant, il aurait plus qu'apprécier pouvoir s'en soustraire et quitter cet interrogatoire. Les doux yeux de Lizzie et sa petite maladresse hantèrent ses pensées : très vite, un sentiment de peur l'étouffa.

- Votre Majesté, parla-t-il enfin, très mal assuré. Tout ce que je peux vous dire, c'est qu'elle est vivante.

Du moins, il l'espérait de tout cœur, se maudissant intérieurement de l'avoir abandonné aux griffes de ce stupide monde.

- Elle est vivante ? répéta la reine Evangeline avec animosité. Vous pensez que ça me suffit comme réponse ? Vous êtes son garde du corps, vous n'aviez qu'une seule chose à faire alors pour la dernière fois : où est-elle ?

Elle s'était levée de son siège, foudroyant de son regard d'orage la cour. Une domestique n'osa plus l'approcher, attendant avant de lui servir son thé, de peur de devenir son souffre douleur. Elle recula même, bientôt suivie par une autre de ses collègues.

- Dans le... monde des humains, lâcha-t-il. Il y a quelques jours, Lizzie et moi avons trouvé un humain sur la terre des sorcières. Elle... On a voulu le ramener chez lui. Et à l'aide d'un vœu, on a réussi.

À quoi bon mentir, la reine Evangeline usait sûrement de la magie de l'esprit pour s'assurer de ne pas être dupée. Et bien que ses yeux roses ne lui en donnaient pas l'impression, Tom savait que d'une œillade, elle n'hésiterait pas à l'enfermer dans un cauchemar cyclique s'il refusait de se montrer honnête... Elle l'avait déjà fait lorsque Lizzie était revenue au bord de la mort, une morsure lupine au cou. En y repensant, un frisson s'immisça en Tom : ce fut loin d'être son meilleur souvenir.

- C'est... c'est un mensonge. Un odieux mensonge, trembla la reine.

Evangeline plaqua une main contre sa bouche pour éviter d'hurler. Elle paraissait sous le choc, son sceptre avait glissé sur le sol dans un fracas de bois. Sa respiration se fit haletante, de multiple coups d'œil au mur se lancèrent. Oui, tout compte fait, la reine semblait avoir sombré dans une hystérie passagère.

Rose framboise (terminée) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant