Ian imaginait Nina profondément endormie, rêvant de ses craintes passées, jusqu'à ce qu'un son puissant fasse vibrer la porte. De la musique. Impossible qu'un humain normalement constitué ne puisse dormir avec un tel boucan. Il ouvrit la porte et découvrit la femme à qui il voulait déclarer son amour, dansant. Ca n'était pas une simple danse. Son corps virevoltait de part et d'autre, envoyant valser sa cheveulure brune.

            La contemplation dans laquelle il était plongé l'empêcha de dire quoique ce soit -même quand elle le toisa d'un haussement de sourcil.

"Tu veux..?"

            Pas de mouvement. Il semblait comme hypnotisé.

"Ian !" le rappela t-elle à l'ordre.

"Oui, hum, navré !" s'excusa t-il, reprenant ses esprits. "Je suis venu voir si tu allais bien... Après hier."

"A part un mal de crâne dont je suis horriblement habituée, ça va !"

            Elle éclata de rire. Puis reprit une mine sérieuse.

"Tu voulais donc..?"

            Ian fut étonné du ton qu'elle employait. Il était si froid, si distant. Comme si... Comme si la veille ne s'était pas passée.

"Attends, te rappelles-tu d'hier ?!" demanda t-il.

            Tournant les talons, la jeune femme  chercha quelque chose dans son sac.

"Oui..?" Elle pouffa de rire. "A vrai dire, non. Mais bon... Ca aussi, j'y suis habituée. Je n'aurai qu'à lire le premier magazine qui me tombe sous la main et ça me reviendra."

            Elle revint vers lui, saisissant d'une main son blackberry et de l'autre de l'argent. Ian avait une sale mine, ce matin là, remarqua t-elle avant de lire dans ses yeux azurés une surprise sans pareille.

"Tiens, prends. Il paraît que tu m'as encore sauvé la mise hier."

"J'en veux pas de ton argent."

"Alors, qu'est ce que tu veux ?!"

"Je te l'ai dit, voir comment tu allais."

"Pourquoi ça irait mal ?" s'étonna t-elle.

"Ne fais pas semblant avec moi. Je sais très bien que tu te souviens d'hier soir."

            De nouveau, elle alla vers un autre coin de la pièce.

"Je ne vois pas de quoi tu parles."

            Ian s'approcha lentement. Il fit cependant une halte pour diminuer le volume de la musique.

"Nina. Retourne toi." ordonna t-il sans aucune réponse. "Fais moi confiance. Retourne toi."

            Il n'y avait que la voix lointainte d'Adele pour troubler l'instant.

"S'il te plaît. Je ne te ferai aucun mal."

            Nina se retourna enfin. Elle planta ensuite son regard dans le sien. Misérable. Pitoyable. Voilà comment elle se percevait à cet instant. Pourquoi était-il si... gentil ? Avec elle, elle ! Celle qui lui en faisait voir de toutes les couleurs, qui le traitait comme un moins que rien avec une bassesse méprisable. Il ne devait pas s'attacher à elle. La chute n'en serait que bien pire.

            Bien sûre qu'elle se souvenait de la veille -et ce n'était pas uniquement à cause de ses escarpins sentant une sale odeur !, non... c'était parce qu'elle avait révélé à ce que personne elle n'avait encore jamais dit. Avec Ian, elle se sentait en confiance, en sécurité. Mais non, non, non ! Elle ne devait pas changer ce comportement de petite garce capricieuse. Son caractère n'avait pas toujours été comme ça. De plus, elle avait conclu un pacte avec elle même; effacer son passé, être égoïste, ne pas se soucier des autres et vivre son présent comme si demain n'existait pas. De la sorte, le bonheur aurait du être au rendez-vous. A tort. Ca n'avait rien changé. Au fond, elle ressentait toujours ce même vide incommensurable au creux d'elle, la même peur lorsqu'un homme s'approchait d'elle de trop près et ce même sentiment que chaque personne à laquelle elle risquait de s'attacher, allait un jour ou l'autre l'abandonner. Comme l'avait au préalablement fait sa famille.

"Que vois-tu dans mes yeux, Ian ?" l'interrogea Nina d'une toute petite voix.

            Il saisit son visage fin en croupe.

"Toi. Je te vois, toi."

            Sans plus poser de question, il déposa un léger baiser sur ses lèvres. Nina put sentir son coeur pulser violemment dans sa poitrine. Il fallait qu'elle y mette un terme. Maintenant. Elle le repoussa non sans violence.

"Ne t'approche plus de moi, O.K. ?"

            Ian comprit quelque chose. Quand il effectuait un pas en avant, elle en reculait de deux. Il avait le coeur brisé de la voir souffrir ainsi cependant, si c'était ce qu'elle désirait... soit. Il ne viendrait plus à elle.

            Il sortit de la suite 1008, récupéra son sac, monta dans l'ascenseur, fila dans le hall de l'hôtel, emprunta un accès d'où aucun paparazzis ne pouvaient le repérer, prit place dans un taxi noir et ferma les yeux puis les rouvrit et sortit son prochain script... Là où toutes ses rêveries avaient le droit de prendre forme  -dont embrasser la femme qu'il aimait.

            Nina se laissa tomber sur le sol, ses cheveux formant un halo autour d'elle. L'ayant glacialement repoussé, elle espérait que son existence continuerait d'être aussi loufoque.

Ian, Ian...

            Le mal qu'elle lui avait causé le tiendrait à distance à présent. Au fond... elle l'aimait beaucoup. C'était le seul qui s'occupait de son être, vraiment, et sans arrière pensées. Mais elle se convainquit du contraire.

            Il est comme les autres. Ils te veulent tous du mal Nina. Ne fais confiance à personne.

           

            Voilà deux êtres qui, réunis, auraient pu balayé la souffrance de l'autre mais séparés, éprouvaient le plus grand des maux; l'indifférence.

Nina&IanWhere stories live. Discover now