XXXII - Sous les Ténèbres

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— Je ne vais pas jusque là-bas, c'est bien trop dangereux ! S'exclame le pêcheur.

— On vous a payé pour ça, grogne Tristan.

— Un médaillon en or ? Ça ne vaut pas une vie humaine !

Tristan détourne le regard et retrousse ses lèvres.

— J'arrête le bateau, reprend le pêcheur.

Je le vois inspirer par le nez et expirer par la bouche. Alors que le pêcheur nous tourne le dos pour retourner à la barre cependant Tristan, d'un pas lourd, lui coupe la route. Il saisit le col de son pull troué et le rapproche de lui. Le vieux pêcheur se retrouve alors sur la pointe des pieds.

— Tristan... soupiré-je.

— Écoute-moi bien vieille branche mal lunée, tu vas nous emmener jusqu'au port du Bout du Monde et tu feras demi tour après si ça te chante. Mais avant ça, on a payé pour le voyage ENTIER. Tu comprends ce que je te dis ?

— Laisse-le, grogné-je.

— Je le laisserai quand il nous aura emmené jusqu'à Panterm.

— Je ne prendrai pas de risque pour ma vie juste pour... pour...

— Des centaines de milliers d'innocents coincés là-bas ? L'interromps-je.

Il tourne légèrement la tête mais il se trouve dos à moi. Alors je rejoins Tristan et me poste à côté de lui tandis qu'il déchire un petit peu plus le pull du pêcheur.

— Si j'ai pu sauver Corvil, je peux sauver Panterm mais sans vous, nous n'arriverons pas jusque là-bas, vous comprenez ? Vous devez faire partie de cette bataille, et vous serez un héros.

Il me regarde puis regarde Tristan et me regarde à nouveau.

— Que votre petit ami me lâche dans ce cas, grommelle le pêcheur.

— Ce n'est pas mon petit ami.

— Je ne suis pas son petit ami, dit Tristan en même temps que moi.

Nous nous jetons un regard et esquissons tous les deux un faible sourire.

— Allez lâche-le, reprends-je.

Il lâche finalement le vieil homme au pull tout détendu à présent et lui tapote l'épaule. Le pêcheur lui jette son plus mauvais regard et retourne à la barre pour nous diriger jusqu'à Panterm.

Je regarde alors l'horizon, et surtout, j'observe cette Nation plongée dans le noir de laquelle nous nous rapprochons. Tristan se poste à côté de moi et pose ses mains sur le bord du bateau. Je lui jette un regard, il garde le menton levé , le regard dans le vague. Je décide de me tourner vers lui.

— Quelque chose te tracasse, déclare-je.

Il me jette un regard en coin puis le détourne aussitôt, il humecte ses lèvres, ses yeux dans le vague.

— Pas du tout.

— Est-ce que c'est à propos de ce qu'il s'est passé avant notre départ de Corvil ? Nous n'en avons pas discuté...

— Non, ce n'est pas ça.

— Alors qu'est-ce que tu as ?

— Rien, je n'ai rien...

— Tu n'es plus comme avant.

Il se tourne vers moi, appuyé contre le rebord. Il me fixe un instant, de ses beaux yeux bleus perçants.

— Sache que quoi qu'il arrive, je ne me suis jamais autant senti humain, que depuis que je te connais.

Je souris légèrement et me rapproche de lui. Je me hisse sur la pointe des pieds, passe mes bras autour de son cou, nos lèvres proches. Ses yeux ne se décrochent pas des miens.

Invocatrice de l'OmbreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant