17 - Chez la psy - 4

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LA PSY : Parlez-moi de vos parents.

ALICIA : Mes parents sont tous les deux architectes. Ils se sont rencontrés pendant leurs études et ont monté leur boîte ensemble. Ce sont les meilleurs amis du monde.

LA PSY : Ils sont mariés ?

ALICIA : Non, ils ne l'ont jamais été. En fait leur histoire vaut le détour. Pendant leurs études, ils étaient inséparables. Ils avaient le même humour, trainaient toujours ensemble et s'entendaient sur tout. Ils pensaient parfois au même truc au même moment. Tous leurs amis leur disaient qu'ils devraient se mettre ensemble. C'est ce qu'ils ont fini par faire, plus par curiosité que réel désir. Ils sont restés trois ans ensemble, ils m'ont eue, mais c'est peu de temps après ma naissance qu'ils ont compris ne pas être vraiment amoureux. Je les ai toujours connus ensemble-séparés. C'était l'expression que je donnais à l'école.

LA PSY : Qu'est-ce que vous compreniez exactement par-là ?

ALICIA : J'ai été longtemps dans le flou, car je savais que mes parents étaient différents et en même temps ils étaient comme tous ceux qui étaient mariés et heureux ensemble. Ils avaient chacun leur chambre, car on a continué de vivre sous le même toit, même s'ils n'étaient plus officiellement ensemble. Quand je disais à mes copines d'école que je faisais une soirée TV-pizza avec mon père pendant que ma mère sortait avec son petit ami, j'avais droit à de drôles de regards.

LA PSY : Ce n'est pas une situation très courante.

ALICIA : Vous savez aujourd'hui, on voit de tout chez les couples !

LA PSY : Et vous, comment voyiez-vous cette relation qu'entretenaient vos parents ?

ALICIA : Bien.

LA PSY : Mais encore ?

ALICIA : C'est eux que ça regardait.

LA PSY : Alicia, vous venez me voir pour une raison. Et cette raison est que vous n'êtes actuellement pas heureuse.

ALICIA : Au contraire, si on y réfléchit bien, Roméo m'apportait tout. D'un point de vue extérieur, on avait l'apparence d'un couple. J'avais l'impression d'être la plus belle femme du monde, il était attentif, prévenant, complice, on riait on se câlinait...

LA PSY : Mais vous n'aviez pas de sexualité.

ALICIA : ...

LA PSY : Nos parents restent notre modèle, celui avec lequel on a grandi.

ALICIA : Qu'est-ce que vous voulez dire ? Que j'ai reproduit ce que mes parents ont vécu ?

LA PSY : Ils vous ont aussi transmis certaines valeurs en vous élevant : la complicité, le respect mutuel. Mais ils n'incarnaient pas le couple amoureux. Et aujourd'hui, vous vous retrouvez dans une situation qui a des similitudes avec celle de vos parents.

ALICIA : J'ai essayé de m'en contenter. Je savais que j'avais atteint le maximum de ce que je pouvais avoir avec Roméo, et qu'il ne donnerait pas plus. Eh oui, je me complaisais dans cette complicité et cette sorte de relation exclusive. Pour moi il était l'élu, s'il ne voulait pas de moi, alors personne ne voudrait de moi.

LA PSY : C'est vraiment ce que vous pensiez ? Que le seul homme avec lequel vous puissiez être aime les hommes ?

ALICIA : Ça parait tordu dit comme ça. Mais c'était ancré en moi. Je ne raisonnais plus. Je savais que je trahissais notre amitié, mais je continuais de me dire « y a pas de mal à fantasmer sur lui tant que je ne passe pas à l'action ». Et puis...

LA PSY : Et puis ?

ALICIA : Il y a eu ce jour, le début de la fin. Celui où je me suis pris une grosse claque : c'est quand Roméo a commencé à sortir avec des mecs.

Le syndrome RoméoOù les histoires vivent. Découvrez maintenant