11 - Au bar

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Ce soir-là, j'ai réussi à entrainer Thaïs et Quentin au bar. Ce dernier et Martin entament immédiatement une discussion autour du sport, de la pratique intensive et du haut niveau. Thaïs échange quelques paroles avec Carole, en sirotant un mojito pour la première et un virgin mojito pour la seconde.

Nico arrive à son tour et nous salue avec un regard rapide, les pouces scotchés sur son téléphone.

Lorsque Thaïs rejoint la piste de danse et son déhanché rappelle les îles, Carole, une main posée sur son ventre, se penche vers moi.

Ça y est, il est arrivé !

Qui ça ?

Elle se lève déjà et m'entraîne par le bras à travers les gens vers la foule.

Arnaud, explique-t-elle.

D'un coup mon cœur bat plus fort. Le fameux gars dont elle m'a montré la photo Facebook et qui avait l'air sacrément mignon. Le vaccin.

Pourquoi tu ne me m'as pas prévenue ?

Parce que je ne voulais pas te décevoir une seconde fois s'il n'était pas venu, comme la fois où il a décommandé... Bref.

Je ne peux pas lui en vouloir. Si je l'avais su, j'aurais été partagée entre l'envie de ne pas venir, ou de me mettre sur mon trente-et-un. Comment est-on censé se comporter face à un vaccin ? J'ai presque honte de le considérer ainsi plutôt que comme un type sélectionné par Carole qui a de bonnes chances de me plaire...

Arnaud !

Carole a presque dû crier pour attirer son attention. Il se retourne du comptoir et lui sourit. Avant de poser ses yeux sur moi.

Même sans la luminosité de sa photo, il a bien les yeux verts et des fossettes.

Je te présente Alicia, dit-elle en me tirant jusqu'à elle. Alicia, voici Arnaud, prof d'arts plastiques à la fac de Bordeaux, 30 ans, qui vit avec son chien et aime écrire des poèmes et surfer sur son temps de loisir.

Sur ce elle s'éloigne, non sans un « de rien » articulé en silence dans ma direction.

Arnaud se met à rire, ce qui brise la glace.

Voilà comment résumer en une phrase ce qui prend des années à construire.

Carole sait montrer du tact dans ce genre de situation. Si tu veux, je peux faire semblant de n'avoir rien entendu et on recommence à zéro ?

D'accord, et je ferai semblant de ne pas avoir eu de texto de Carole plus tôt dans la soirée qui m'a fait aussi une description de toi en une ligne.

Je suis à deux doigts de demander ce que Carole a bien pu mettre : « Alicia, 24 ans et kiné, qui vit avec son coloc gay et ne sait plus à quoi ressemble un mec hétéro, masochiste sur les bords ».

On discute de choses et d'autre. Mais très vite je me rends compte que je me force un peu à sourire et à rire à ses blagues. Objectivement, il n'y a rien de mal à lui, mais j'espérais ressentir quand même quelque chose d'une peu plus fort. Quand nos coudes s'effleurent ou quand il se penche à mon oreille pour répéter quelque chose et que je sens son souffle dans mon cou – rien, je n'ai pas le moindre début de frisson ou d'attirance.

Il me laisse de marbre.

Pour un vaccin, c'est un échec total. Peut-être que ce n'est pas la bonne dose. Je me mets à regarder autour de moi avant de me rendre compte à quel point c'est impoli. Assez vite, il se rend compte qu'il est le seul à continuer la conversation.

Le syndrome RoméoOù les histoires vivent. Découvrez maintenant