Les Racines du Saule ~2. Le Pétale~

Chapitre 10

— Moustache de Verdure !, s'écria Nuage de Pétale en entrant brusquement dans la tanière du guérisseur.

Celui-ci releva son museau penché dans ses plantes, et son regard marron-vert observa l'apprenti. La tanière des guérisseurs était vide depuis que Moustache de Lilas était retournée dans l'antre des guerriers, ce qui avait laissé de la place aux deux chats qui l'habitaient.

— Que se passe-t-il ?, demanda calmement le chat brun-roux, indifférent à l'agitation intérieure de Nuage de Pétale.

Le novice tigré, hors d'haleine, s'exclama en tirant son camarade hors de la tanière.

— C'est Pelage de Pommier !, cria-t'il.

Il emprunta le chemin se dirigeant vers la cavité principale du camp en pressant l'autre félin qui marchait tranquillement.

— Il allait rendre visite aux anciens parce qu'Aile de Pie s'était plaint d'un mal de ventre, mais il s'est écroulé au milieu du camp...!

Moustache de Verdure se figea, ses muscles se contractèrent et il balbutia.

— Comment ? Tu n'aurais pas pu me le dire plus tôt !

L'aide-guérisseur sembla s'affoler un instant et il tourna la tête de tous les côtés, avant de murmurer des paroles incompréhensibles et d'ordonner à Nuage de Pétale.

— Retourne dans la tanière du guérisseur et amène moi de la bardane ! S'il a une inflammation ce sera la meilleure chose à prendre, s'affirma-t-il.

L'apprenti tigré commençait à partir lorsque le guérisseur lui cria.

— Et prends aussi de l'ail sauvage et de la mousse imbibée d'eau...!

Le novice hocha la tête sans s'arrêter de courir. Il rentra dans la tanière des guérisseurs en repensant aux cris d'effrois qu'il avait entendu quelques instants plus tôt, au corps contracté de Pelage de Pommier, à ses yeux révulsés et à la mousse qui sortait de sa gueule. Un frisson parcourut le corps du novice lorsqu'il visionna à nouveau la scène, et il entra rapidement dans la réserve de remèdes. Instinctivement, il prit une plante avec des feuilles plates et rondes, essayant de se rappeler à quoi ressemblait l'ail sauvage, et de la bardane, qu'il avait l'habitude de voir. Il sortit au pas de course de la tanière, tenant les herbes dans sa gueule et attrapa au passage un bout de mousse verte, qu'il trempa dans le petit cours d'eau qui traversait le fond du camp tournoyant. En repartant vers le centre du camp, ses tempes lui cognaient et son cœur battait anormalement vite. La cavité centrale du camp tournoyant étaient remplie de l'essentiel des membres du Clan, qui étaient venus assister, tous impuissants, au supplice de leur guérisseur.

Nuage de Pétale dut bousculer des félins pour se faufiler auprès de Pelage de Pommier. Le guérisseur gris et blanc était allongé sur le sol, et des convulsions secouaient son corps maigre et flétri par la douleur. Une affreuse grimace lui déformait le visage, et de la bave mélangée à du sang coulait de sa gueule, lui donnant un air macabre.

Moustache de Verdure se tenait aux côtés du chat, et il attendait impatiemment ses remèdes en appuyant désespérément ses pattes sur la poitrine du guérisseur.
Nuage de Pétale déposa les herbes au sol, et fit couler l'eau de la mousse dans la gueule de Pelage de Pommier. Moustache de Verdure le remercia précipitamment et attrapa la bardane avant de la mâcher énergiquement.
Il fit avaler le cataplasme au chat gris délavé étendu sur le sol, et reprocha distraitement.

— Ce n'est pas de l'ail sauvage, c'est du cerfeuil que tu m'as emmené, Nuage de Pétale...

Le guérisseur marmonna d'une voix lointaine, pour lui-même.