— Je n’aurai pas le temps d’aller voir comment va Gus avant d’aller travailler. Est-ce que…

— Je peux y aller, répondis-je avant qu’elle achève sa phrase. Tu finis à seize heures, c’est ça ? J’ai largement le temps d’y passer. Après je viens te chercher, et on fornique jusqu’au petit matin.

Elle partit d’un grand éclat de rire et je sus que j’aimais beaucoup cette fille.

— Ne te surestime pas, cowboy ! Je préfère la qualité à la quantité, en plus. Je… Bon. Ça va me faire très bizarre de te laisser tout seul chez moi, mais je vais tâcher de te faire confiance. Il y a des cornflakes, mon coffre-fort ne contient que quelques billets, tu peux laisser la clé sous le paillasson, et… Bon, lunette des WC, vaisselle dans l’évier, tout ça tu es au courant, non ?

J’accueillis la fin de son monologue avec un large sourire.

— ça fait presque rêver, la vie avec toi, tu sais ? En moins de douze heures, on parle déjà vaisselle et chiottes. Je préfère te prévenir du coup, je digère très mal le chili con carne et j’oublie parfois de rincer le lavabo quand je me rase.

— T’es con !

Elle ouvrit la porte de sa chambre et resta quelques instants sur le seuil.

— Moi, j’ai trouvé ça vraiment super, finit-elle par dire dans un haussement d’épaules.

Je compris qu’elle parlait de nous et les papillons revinrent bruisser dans mon ventre.

— C’était carrément super, Mlle Gunsson. Maintenant, va bosser ! On se voit à seize heures, quand j’aurai fini de ruiner ton appart.

Elle tira sa langue et la porte de sa chambre se referma sur elle, me laissant seul avec ma joie un peu niaise.

Le Capitaine Sanchez n’avait toujours pas rappelé lorsque je sortis du lit, une quarantaine de minutes plus tard, ni lorsque je pris ma douche. Mon téléphone ne vibra pas davantage lorsque je m’asseyai dans le canapé beige, deux places, de Stella, ni lorsque j’attaquai mon deuxième bol de cornflakes. J’eus le temps de regarder trois ou quatre auditions d’X Factor avant de reprendre ma vie en main. Il était maintenant près de onze heures, et il était grand temps d’aller voir Gus.

Je manquai de me faire écraser par une ambulance en traversant la rue pour rejoindre ma vieille caisse. Le camion passa en trombe à moins d’un mètre de moi, toutes sirènes dehors. J’eus à peine le temps d’entendre un ambulancier me hurler quelque chose par sa fenêtre ouverte, et ils disparurent à l’angle d’une route.

— Connard, maugréai-je en fourrant ma clef dans la serrure de ma vieille Ford.

Je mis quelques temps à retrouver la maison de Gus. Trois passages dans sa rue, pour être précis. Mais les maisons de banlieue se ressemblaient atrocement et mon imagination fertile avait fait de Stella une formidable source de déconcentration.

Je finis par retrouver le pavillon et pris la liberté de me garer dans l’allée. Rien ne semblait avoir bougé depuis la veille : les volets étaient toujours ouverts, les pots de fleur traînaient toujours sous le porche. Aucune taupe n’avait jugé pertinent de venir ranger son bordel sur la pelouse.

J’ouvris la porte, que nous avions laissée ouverte pour les ambulanciers, et me glissai à l’intérieur. La fraîcheur qui régnait dedans contrasta agréablement avec la moiteur qui s’était déjà installée dehors. Je retrouvai le même salon, la même cuisine, ce même comptoir où j’avais serré Stella contre mon corps.

— Gus ? Hélai-je en me tenant comme un con dans l’entrée.

Un silence complet m’accueillit, de manière assez prévisible.

Z - Où tout commenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant