2. Mademoiselle

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Nari avait l'impression d'avoir voyagé dans le temps, bien avant la période pandémique

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Nari avait l'impression d'avoir voyagé dans le temps, bien avant la période pandémique. Dans les rues, les couples marchaient main dans la main.

Tandis que certains riverains promenaient leurs chiens, des mères de famille rentraient des courses et déchargeaient les affaires dans l'entrée de leur maison.

Dans le parc avoisinant le quartier, certains pique-niquaient avec leurs proches. Agités et bruyants, les enfants glissaient sur le toboggan.

Sur la route, les voitures circulaient avec les fenêtres ouvertes, les notes de musiques de tout genre s'essaimant dans l'air. Autrement, ces choses étaient faites sans masque de protection respiratoire.

Nari qui en portait un en perdit le sens des réalités. Même si son père l'avait prévenue qu'elle n'attraperait jamais le virus, elle n'était pas du genre à baisser sa garde quand tout semblait normal, trop normal.

Comment pouvaient-ils vivre normalement quand leur monde ne l'était pas ? Même si elle n'avait pas parvenu à trouver de réponse rationnelle, sa rumination n'affecta guère sa joie d'être de l'autre côté.

Pour un bref moment, cette normalité collective la poussa presque à se sentir à la maison. Voir des femmes se promener dans la rue sans craindre d'être rabaissées, ça, c'était normal et devait l'être dans le monde qu'elle avait choisi être le sien.

Apaisée, elle leva la tête vers le tableau des horaires du tramway. Plus que trois minutes. Cela faisait déjà quinze minutes qu'elle guettait depuis le banc chaque riverain qui s'arrêtait à l'aubette du tramway.

Avec certains, elle eut même l'occasion d'échanger sur la météo de la semaine et des enfants qui retourneraient bientôt à l'école.

Entre-temps, un groupe de voyageurs, en provenance de l'aéroport, jugea-t-elle, les avait rejoints. Nari comprit assez rapidement que, pour rejoindre la ville, les voyageurs devaient prendre le bus jusqu'à ce terminus.

Alors qu'ils étaient une vingtaine à attendre sagement, son oreille devint sensible au bruit des avions qui n'arrêtaient pas de survoler la ville.

Nari demanda alors à une dame — avec qui elle avait discuté des prévisions météorologiques et qui était assise avec elle sur le banc — si leurs vols étaient récurrents. Elle lui répondit qu'ils survolaient quotidiennement la ville.

Même si elle était intriguée par la raison de ces vols quotidiens, Nari ne s'en soucia pas plus, portant soudain son attention sur une grand-mère, sa fille et sa petite-fille, jugea-t-elle, qui s'arrêtèrent à l'aubette.

Elle et la dame leur cédèrent leur place. La petite fille se cacha derrière la longue veste de sa mère. Quand leurs regards se croisèrent, Nari abaissa son masque et lui montra ses plus belles grimaces jusqu'à ce qu'un chétif sourire naquît sur ses lèvres.

Rouge sur Noir (terminée)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant