𝙲𝚑𝚊𝚙𝚒𝚝𝚛𝚎 𝚍𝚒𝚡-𝚜𝚎𝚙𝚝

74 9 0
                                    

Bonne lecture !

___________________________

Deux semaines plus tard, Spencer trouve une lettre.

Ça ne l'étonne pas tant que ça, au final : il pleure, oui. Il reçoit les regards désolés du reste de l'équipe, il reçoit les quelques murmures sur son passage, ceux qui disent à la fois « pourquoi seulement lui » et « bien sûr que ça devait être lui ». Spencer ne comprend pas vraiment pourquoi.

Il n'était pas si spécial. Il n'était pas son fils. Gideon n'était pas son père.

Il est simplement parti, comme son père avant lui. William Reid aussi a laissé une lettre. Il l'a laissée sur le bar de la cuisine, en se disant qu'il n'y avait aucune chance que son fils le regarde partir, le trouve en pleine nuit en train de charger ses bagages dans la voiture. Les mots sont presque les mêmes, à peu de choses près.

William ne pouvait plus supporter. Gideon ne pouvait plus supporter. Des raisons différentes, bien sûr, mais au finale c'est toujours Spencer qui reste : c'est Spencer qu'on ramène, qu'on aime. On vient le chercher, on l'installe quelque part, on lui fait croire qu'il est spécial, puis on l'abandonne.

Son père l'a amené au monde, puis l'a laissé seul avec sa mère. Gideon l'a amené au BAU, puis l'a laissé seul avec les cadavres et les enquêtes.

— Putain....

Assis dans le canapé, presque vissé au cuir usé, il laisse sa tête partir en arrière. Entre ses doigts, la lettre est froissée et un peu humide. Il la connaît par cœur, il pourrait simplement fermer les yeux et la visualiser entièrement. Chaque petite patte de mouche, chaque rature, chaque hésitation, chaque dépôt d'encre. Au moins Gideon a réfléchi : il ne lui a pas écrit un mot à la va-vite, il a réellement hésité et il s'est demandé ce que Spencer en penserait. Il a réfléchi à la réception.

Ça n'excuse rien. Ça ne le console pas.

Au moins, Gideon ne lui a pas mis en pièce jointe le mode d'emploi des plaques de cuisson, comme si Spencer n'avait aucune idée de comment les garder, lui et sa mère, en vie. Comme si son père avait été un tel sauveur en restant deux soirs par semaine à la fin. Encore heureux que Spencer sache utiliser ces foutues plaques de cuisson sinon ils seraient déjà tous les deux morts !

Les lettres, c'est bien pour leurs consciences. Les lettres, ça lui donne quelque chose à quoi s'accrocher, et ce n'est pas bon. Les lettres, ça l'oblige à créer un tiroir spécial « départ » dans son esprit.

Il renifle, et le sanglot qui suit manque de le tordre en deux. Le plafond est haut, loin : il a envie de se lever, de marcher jusqu'à la salle de bain, et de s'asseoir sur le sol.

Spencer se redresse, et inspire profondément. Ses lèvres tremblent quand il souffle :

— Riley ?

Seul le silence lui répond. Le couple de fantômes dans l'appartement d'à côté est encore en train de se disputer. Ce n'est pas important.

Il répète :

— Riley ?

— Oui ?

Soudain, il sait de quel côté tourner la tête. Il regarde à sa gauche, et Riley Jenkins est assis à côté de lui. Il porte de nouvelles chaussettes, celles que Spencer a vu dans un magasin six mois et douze jours plus tôt, et lui offre un sourire timide. Comme si c'était lui qui avait fait quelque chose de mal.

Le soupir de soulagement de Spencer manque de lui briser les côtes. Il donnerait n'importe quoi pour pouvoir garder un café entier dans son ventre sans avoir envie de le recracher dans l'évier.

Il observe le garçon, ses grands yeux et ses cheveux qui partent dans tous les sens.

— Je suis... content de te voir.

Riley sourit timidement.

— Et moi je suis désolé pour...

Son regard glisse du visage de Spencer jusqu'à la lettre qu'il tient. Il donnerait n'importe quoi pour serrer ce fantôme-ci une dernière fois dans ses bras. Il a l'air si petit, comme ça : à une époque Riley était plus grand. Plus grand que lui.

— Est-ce que tu m'en veux ? demande-t-il en tordant ses petits doigts à la peau qui brille.

— Pourquoi ?

— Pour être parti.

— Non, souffle Spencer. Non, pas du tout.

Il déglutit.

— Et toi, est-ce que tu m'en veux ? Pour tout ça ?

Spencer a envie de poser ses doigts sur son bras gauche. Il a envie de gratter les petites cicatrices, il a envie de dormir, il a envie de ne plus avoir à sortir à trois heures du matin pour rencontrer son dealer avec les mains qui tremblent.

— Bien sûr que non, répond Riley en ramenant ses genoux contre lui. Mais tu.... t'es mon meilleur ami. Et je peux pas juste rester là et....

Ses yeux deviennent larmoyants. Le visage de Spencer se froisse et il sent ses propres yeux devenir humides. Sans faire attention, il lâche la lettre qui vient se poser au sol.

— Je vais arrêter, dit-il d'une petite voix toute faible.

Il inspire profondément, puis répète plus fort :

— Je vais arrêter. Je vais...

Ses yeux se posent sur les revues éparpillées sur le meuble TV. Il n'y a pas touché depuis que Gideon les a déposées là quelques jours plus tôt. Il est arrivé, est entré sans frapper, et a juste posé ça là en regardant le corps éteint de Spencer, allongé dans le canapé. Il n'est pas resté.

Le lendemain, Spencer les a lu. Les publicités pour les centres de désintoxication. Il savait, et depuis longtemps. Il savait, et il a simplement regardé sa main dépasser des vagues avant de sombrer à nouveau.

— Je vais appeler. Je vais appeler un de ces centres et je vais arrêter.

Il sait ce qui l'attend. Bien sûr qu'il le sait. Il a envie de pleurer rien que d'y penser, mais c'est bien là le problème : il en a autant envie en pensant à son avenir, à sa prochaine dose, à ce qu'il serait prêt à faire pour payer moins cher. Les larmes sont toujours là, tellement proches qu'il serait prêt à se donner des baffes.

La peste ou le choléra. Tant qu'à choisir, autant prendre la solution qui ne mettra pas son esprit en péril en bousillant petit à petit son corps.

— C'est vrai ? demande Riley en haussant les sourcils.

Spencer acquiesce. La seule chose qu'il peut dire, car c'est ce à quoi il pense :

— Maman. Je... je peux pas juste l'abandonner. Si moi aussi je le fais, alors il lui restera qui ?

Il inspire profondément, puis frotte le coin de ses yeux. Pendant quelques secondes, il regarde droit devant lui en essayant de trouver le courage. Finalement, ses doigts s'enroulent autour de son téléphone portable, perdu au milieu des coussins du canapé, puis son pouce cherche un numéro dans son répertoire.

Une sonnerie, deux, puis :

Hotchner.

— Hotch ? Je...

Il se racle la gorge.

— Je voudrais des congés. S'il te plaît. Je t'envoie le document pour la demande officielle rempli demain matin.

___________________________

Des bisous !

La mort entre tes bras || Spencer ReidOù les histoires vivent. Découvrez maintenant