𝔈𝔭𝔦𝔩𝔬𝔤𝔲𝔢

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L'homme aux yeux verts prit le carton qui dormait sous son lit toutes les nuits depuis un an maintenant. Quand il en avait hérité, il était tellement chagriné par la disparition d'une personne très chère qu'il n'avait pas eu la force d'ouvrir pour en découvrir son contenu.

Mais aujourd'hui il avait besoin de savoir.

Il porta le carton et le déposa sur son bureau. Ses doigts retracèrent les lignes de feutre épelant son nom. Un sourire nostalgique grandit sur ses lèvres. Il ouvrit enfin le bouchon. Il le déposa au pied de son bureau et se concentra sur le contenu du carton : des centaines de carnets.

Il connaissait ces carnets.

L'homme en prit un dans les mains, celui sur lequel figurait la date la plus ancienne. Le carnet avait une couverture de cuir bleu représentant des écailles de poisson. Il caressa le cuir et eut comme la sensation que le carnet créait un lien avec lui, avec son cœur. Il se laissa tomber sur sa chaise et ouvrit le carnet avec une extrême prudence, comme si celui-ci serait outré d'être maltraité.

Immédiatement, il reconnut l'écriture, cette même écriture qui lui écrivait des histoires dans sa jeunesse. Il caressa la page, s'imprégnant des souvenirs qu'il rattachait à cette personne avant de tourner la page. Là, sur la première page, se trouvait un post-it couvert de la même écriture mais celle-ci était marqué par des tremblements. Il décolla le post-it pour en lire les mots.

« Lucas.

Si tu lis ces mots, c'est que le temps est venu pour moi de respecter la promesse que j'ai faîte à quelqu'un qui dépasse l'entendement humain.

Depuis toujours, je te parle de ces valeureux héros qui ont cherché à dominer l'océan, en faire son esclave sans jamais réussir. On ne peut pas, il m'a fallu une vie entière pour le comprendre.

Dans cette boîte se trouve le travail de toute une vie. Ma vie. A toi d'en faire bon usage.

Tu penseras peut-être que je suis sénile, fou mais sache mon grand que tout ce que j'ai écrit dans ces carnets est la réalité, ma réalité.

J'espère que tu pardonneras au vieil homme que je suis de te transmettre un tel fardeau mais je sais que tu es assez fort pour supporter la vérité, que tu es en mesure de la comprendre.

N'oublie jamais : l'océan est plus vaste qu'on ne le croit.

Maël »

Le jeune homme releva les yeux sur le carton et les carnets qu'il contient. Son regard dériva sur la photo qui trônait sur son bureau. Le cliché le représentait au côté d'un adulte blond comme les blés. Il avait dix ans sur ce cliché, c'était le jour où il était parti en pleine mer avec son parrain.

La première fois d'une longue lignée.

Un sanglot mêlé à un rire passa la barrière de ses lèvres alors qu'il serrait le carnet contre son cœur. 

Le chant de l'océan. Tome 2 : mor-brasWhere stories live. Discover now