ℭ𝔥𝔞𝔭𝔦𝔱𝔯𝔢 36

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« Et de mon rêve à moi, tu en fais quoi ? » Demanda finalement Maël d'une voix blanche.

« Je ne t'empêche pas de le réaliser, Maël. Je dis juste que... Ce ne sera pas avec moi. »

« Mais mon rêve ne vaut rien si tu n'es pas là à mes côtés... »

« Tu sais très bien que si. »

Maël émit un rire jaune qui fit grincer des dents la sirène. L'humain retira ses mains des siennes et passa sa manche rageusement sur son visage avant de se tourner en direction de la crique. Leo n'esquissa aucun mouvement pour le retenir alors qu'il descendait les escaliers de pierre. Il n'y avait rien à faire, il avait besoin d'un peu de temps seul. Il n'avait aucun doute sur l'intelligence de Maël, celui-ci comprenait ses raisons même si son cœur lui criait de ne pas les écouter.

Les yeux de l'homme-sirène le suivirent jusqu'à ce qu'il s'arrête à la démarcation créée par la houle de l'océan avant de se tourner vers cette maison qu'il connaissait pour y avoir mis les pieds il y a des années, bien avant la naissance de Maël. Il gravit alors le petit chemin de sable noir qui serpentait jusqu'au pied de la demeure qui se dressait fièrement sur l'éperon. Les volets étaient fermés mais cela ne l'empêcha pas d'en faire le tour, ses doigts galopant sur la façade, éraflant sa peau délicate. Les souvenir lui revinrent en tête comme un tsunami.

Quand il en eut fait le tour complet, il revint s'installer sur le perron de celle-ci. Son regard se porta sur l'océan à perte de vue. Le soleil était maintenant pleinement levé et bien que la maison soit excentrée du village, les cris des vendeurs sur le marché lui parvenaient par bribe, présence humaine portée par le vent salé. Sa vue inhumaine lui permit de voir les bans de petits poissons agglutinés à quelques encablures de la plage, se ravissant des algues qui poussaient près des rochers. Il perçut même une famille de crabe jouant avec la houle, leur butin coincé entre leurs pinces. Un sourire amusé prit place sur son visage.

Il aimait son monde.

Il aimait Maël.

Pourtant, il ne pouvait pas avoir les deux.

C'est ce constat qui fit tomber ses dernières barrières et ses glandes lacrymales exprimèrent ses sentiments. Pourquoi le monde était-il ainsi ?

Quand il vit, ou plutôt aperçu a silhouette de Maël en train de monter le chemin pour le rejoindre, il s'empressa d'effacer les traces sur ses joues. Bien qu'il soit conscient qu'il ne parviendrait pas à duper son aimé. Il attendit patiemment que celui-ci le rejoigne et prenne la parole, ce qu'il finit par faire, une fois assis sur l'unique marche près de l'entrée de la maison.

« Il n'y a vraiment aucun moyen pour que tu puisses rester ? »

« S'il en existe un, je ne l'ai pas découvert. »

« S'il en existait un... Tu resterais à mes côtés ? » Maël murmurait plus ses phrases qu'il ne les disait, si bien que Leo devait forcer sur son ouïe pour percevoir chaque son. L'humain ne le regardait pas non plus, son regard regardait droit devant lui, comme si l'océan était sa bouée de sauvetage.

Quelle ironie.

« Je resterais. » Finit par répondre Leo après un moment de silence.

« D'accord. »

« Maël... » Ce dernier tourna enfin le regard vers lui et lui offrit un sourire qui se voulait sincère. Toutefois, Leo y voyait de la douleur et de la déception. « Je- »

« Non, ne dis rien. Ne te justifie pas. S'il te plaît. » Leo se mordit la lèvre, décontenancé par la situation qui lui échappait de plus en plus. « Est-ce que tu regrettes ? »

Le chant de l'océan. Tome 2 : mor-brasWhere stories live. Discover now