Chapitre 17

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        Julien se leva en premier de l’herbe et s’essuya les fesses avec ses mains. Il me tendit alors sa paume pour m’aider à me relever ; je la saisis et me retrouvai debout. Je fis le même processus de nettoyage de mon pantalon que lui. On se regarda dans les yeux un court instant avant de baisser chacun la tête et d’afficher un petit sourire gêné. Je passai alors ma main autour de la taille de mon homme afin que l’on reprenne notre chemin vers la maison.

            Ju glissa sa main dans la poche intérieur de son manteau, en ressortit son iPhone : « 16h46, il est temps de rentrer, la nuit est en train de tomber » ; puis le remis à son endroit initial. On reprit notre chemin, traversant une nouvelle fois le parc qui commençait à se vider petit à petit.

            Au bout d’un moment, après avoir délaissé la taille de mon Juju pour sa main, je lui demandai : « Ju, on se croirait comme en Irlande. –Ah bon ? –Oui,  tu ne  trouves pas ? Le froid, le temps un peu gris, les enfants partout, le fait que l’on vagabonde dans les rues. –Peut-être. » Il réfléchit quelques secondes avant de me répondre : « Oui, finalement t’as raison, on se croirait en Irlande. » De nombreux souvenir commencèrent à me revenir.

            Je me souviens de la fois où nous sommes allez à un concert dans un pub fort agréable buvant de la bière. Je me souviens aussi de la fois où nous sommes allez sur une plage à Galway après de nombreuses heures de routes : il faisait froid, le vent nous frappait au visage mais nous résistions et continuions à observer la mère se déchaîner sur les rochers en bas de la falaise.  Je me souviens aussi de nos fous rires dans les boutiques cherchant des présents pour chacun des membres de notre famille. Tous ces bons souvenirs me faisaient oublier l’amertume que j’avais pour ce pays qui m’avait retiré ma fille. Plus nous  marchions, plus je méditais et me disait je n’avais au fond pas de raisons suffisamment valable pour détester ce pays comme auparavant. Ce n’était pas la terre d’Irlande qui m’avait retirée ma fille mais plus tôt la vie. L’Irlande au contraire l’a accueilli comme elle le pouvait, j’avais été bien entourée, on avait pris soin de nous, le personnel était très ouvert, à l’écoute. La vie, elle a décidé de jouer contre nous, de tout nous faire perdre.

            « Ju ? Tu y retournerais en Irlande toi ? -… » Il ne répondit pas, fit comme si il n’avait rien entendu. Je le saoulais avec toutes mes questions plus ou moins douloureuses ainsi qu’avec mon manque d’envie de parler à propos de mes problèmes au profit de déterrer les siens. Je me vexai et lui lâchai la main brusquement et marchai les mains dans les poches à ses côtés.

            Lui, adoptait son comportement qui m’insupportait : l’indifférence. Je ne supportais pas ça, j’avais envie de crier, de la frapper. J’en fonçais alors mes ongles dans la paume de ma main pour le calmer. La douleur devenait de plus en plus intense, j’allais me faire saigner. Ma mâchoire se crispait, je serrais les dents à me les fracasser les unes contre les autres. Je me mis alors à marcher de plus en plus vite dans les rues de Bordeaux, laissant Julien tout seul derrière moi. Il ne fit aucun effort pour me rattraper ou me faire ralentir, j’allais le tuer si je me retourner.

            Je sentis alors quelque chose d’humide et brulant dans le creux de ma main, je sortis mon membre de la poche de mon manteau et l’ouvrir à la lumière des lampadaires : je venais de me faire saigner. Le sang ne me faisait aucunement mal si bien que je remis mes mains à leur place, mais c’était plutôt la réaction de Ju.

            J’arrivai enfin devant la porte de l’immeuble, j’entrai le code et pénétrai dans le hall puis commençai à monter les escaliers. Nous habitions au troisième étage. Durant mon trajet, je passais devant les portes des différents habitants du logis. On entendait le son des télévisions, des cris d’enfants, des rires, des portes qui se claquaient des bruits de cuisine… La porte de notre appartement apparu enfin devant mes yeux. Je plongeai ma main dans mon sac pour en ressortir les clés. Ironie du sort, elles ne se trouvaient pas dans la poche habituelle. J’ouvris alors mon sac en grand et trifouillais dans tous les sens, sortit des anciens tickets de caisses que je chiffonnais au passage avant de les rejeter, remuai les divers objets de ma sacoche. Je réalisais enfin que je n’avais pas mes clés pour la simple et bonne raison que j’étais sortie sans, laissant mon double dans l’appartement comme une imbécile. Julien sortit avec les clés.

Intrusøs (Tome 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant