Chapitre 14

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La colère, la fureur de Ju se dissipa avec les journées qui défilaient. Je sortis de l’hôpital trois jours après une longue semaine d’observation. Je comprenais les causes de sa fureur : c’était de l’amour, il tenait tout simplement à moi. Il redevenait souriant, blagueur charmeur, adorable.

            Une nouvelle épreuve se présentait à moi : les démarches juridiques. Je devais envoyer ce monstre croupir en tôle pour ne pas qu’il s’attaque à d’autres. C’était plus qu’une simple obligation : c’était un devoir. Je ne savais pas où se trouvait Trensovski et personne n’en possédais aucune idée. Je devais en plus de cela me reconstruire physiquement et psychiquement.

            Non, psychiquement n’était pas lié au viol –que je n’avais pas proprement vécu- je ne me sentais aucunement différente. Ce qui me marquait le plus été ma séquestration. J’avais tellement eut peur, tellement cru que ma vie allait se terminer que je ne voulais plus me séparer de Julien. J’avais besoin qu’il soit toujours à mes côtés.  Le soir, que je me je glissais dans les draps, je me serrer fort fort contre lui et je lui demandais de répéter qu’il resterait toujours à mes côtés. Il me répondit alors par un « oui » et m’embrasser les cheveux avant de s’endormir. De plus, je ne voulais plus passer mes journées toutes seule à la maison, j’avais trop peur. Même en verrouillant partout et en ayant mon « mini-crotte » qui aboyait comme un « mini-doberman » j’avais la trouille. Julien trouva donc la solution de m’emmener avec lui au studio d’enregistrement. Son album allait sortir dans un peu moins d’un an ; Perfectionniste dans l’âme, il avait besoin de mon avis, de savoir si il devait l’aider ou retirer la basse, si le fond en harmonica ne faisait pas trop chargé, si la pochette de l’album était assez comme ceci et pas trop comme cela.

On nouait une nouvelle relation que nous n’avions jamais vécue avant. J’avais encore plus l’impression d’être présente dans sa vie. Il me souriait, je me sentais revivre, je me sentais plus sereine au milieu de tous ces gens qui étaient le batteur : Guillaume un amis à Ju de longue date depuis le lycée, Anne-Claire la manager, Alain qui faisait les basses, le coach vocal,… Je me croyais en sécurité, sous l’œil de Julien malgré son travail.

Un soir, nous quittâmes le studio vers dix-neuf heures (une heure très raisonnable contrairement à certaines) et Ju et moi fîmes un saut à la maison pour récupérer des dossiers médicaux avant de filer au commissariat pour porter plainte. Nous attendîmes alors longtemps au milieu des particuliers qui venaient porter une main courante contre un petit voyou qui leur avait dérober une montre, des femmes au visage meurtrit par le conjoint et que font comme si de rien était. Il y avait aussi ce couple qui s’engueuler dans la pièce d’à côté. Je n’oublie cette femme avec quatre enfants qui criaient, qui pleuraient, qui couraient partout dans le poste de police. Je n’oublie pas aussi ces clochards que l’on conduisait en cellule de dégrisement. Les pauvres hommes préféraient certainement passer une nuit dans une cellule grisonnante avec certes quelques relents de vomi mais qui au moins leur donner plus de chaleur que le sol froid des rues de Bordeaux.

J’échangeai un regard furtif à Julien qui me rassura en me serrant la main. Tous ces gens me faisaient me sentir mal à l’aise. On était gêné de regarder les uns, d’ignorer les autres. J’avais aussi très peur, mais de quoi ? Je ne savais pas.

Une policière nous appela enfin après de longs quart d’heures dans la salle d’attente avec comme seul fond sonore les sonneries de téléphone de l’accueil, les sirènes de police, et les enfants qui brayaient dans tous les sens. On entra dans un petit bureau aux murs tapis de post-it, de cartes postal, d’enveloppes… Le policier, un homme assez abrupte, au visage fermé qui dès le premier regard me fit donner le jugement que c’était –pardonnez-moi du terme – un parfait connard. Ses cheveux poivres et sel en brosses, le regard persan comme celui d’une vipère, il s’adressa sèchement pour me demander : « C’est pour ? ». Je n’osais parler, cette homme me froissait, Julien commença alors : « Portez plaintes contre séquestration et viol –Vous portez plaintes dans un commissariat, vous êtes étranges vous » lança le personnage avec une pointe d’ironie grinçante. Julien serra la mâchoire, il allait attaquer, je lui serrai le genou avec toute ma main pour qu’il se calme.

Intrusøs (Tome 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant