𝘃𝗶𝘀𝗶𝗼𝗻

lentement

9

La journée se terminait lentement, « tellement lentement » pensa Mark. Le temps s'était ralenti pour venir se loger au creux de ses pensées, c'était douloureux. 

Il avait réussi à s'échapper de sa salle de maths le premier, et c'est la tête baissée et les lèvres pincées qu'il se précipitait à travers les couloirs carrelés du lycée. Ses pas étaient désordonnés et rapides, ses poings fermement refermés sur les lanières de son sac à dos, et il pensa à l'endroit le plus isolé, pour s'y réfugier. 

Certaines toilettes n'étaient jamais utilisées, surtout celles qui se trouvaient au fond du dernier étage, et c'était précisément là-bas que Mark aimait se rendre pour se retrouver seul. Il monta en contre-sens les derniers étages qui le séparaient de son perchoir et, d'une main tremblante finit par ouvrir l'une des cabines. 

Normalement, il aurait pris le temps d'ouvrir la fenêtre et passer sa tête dans l'entrebâillement, juste pour ressentir le vent chaud sur sa peau. La vue donnait sur le portail et le parvis, et il observait souvent le troupeau d'élèves se déplacer automatiquement vers la sortie. 

Cette fois, il balança son sac sur le côté, et sans prendre le temps de refermer le loquet derrière lui, il se laissa tomber aux pieds des toilettes. Il vomit. Il vomit toutes ses peines et ses peurs. 

C'est comme s'il touchait du bout de l'orteil le gouffre qui l'engloutissait depuis des années. Ses larmes s'accumulaient sous ses paupières brillantes, il voulait que ça s'arrête. Ses mains avaient empoigné le tissu de son t-shirt pour le serrer entre ses doigts, aux jointures jaunes, il voulait recommencer. 

Mark était triste. Mark était fatigué. Il n'avait pas peur de sa vie, mais du monde dans lequel elle évoluait. Mark voulait qu'on le regarde. Mark voulait qu'on lui dise que tout irait bien. 

Il ne se comprenait pas très bien, il tentait toujours de savoir si son gouffre en était vraiment un. 

- « Tu viens ? »

Renjun aussi aimait bien se retrouver seul. Voilà qu'ils se retrouvaient seuls à deux. 

Mark ne dit rien, il se contenta de tirer la chasse d'eau et de se laisser glisser contre la paroi en plastique rouge. 

- « Les autres sont déjà partit. »

Renjun était inquiet. Il s'assit face à lui, le regard fixé sur la peau pâle et cernée de son ami, ses cheveux noirs tombaient en cascade désorganisée sur son front. Ses lèvres étaient gercées, ses yeux rougis et on pouvait entendre les battements de son cœur jusqu'ici.

- « Donghyuck aussi ? »

- « Il est allé à l'hôpital pour retrouver Jaemin. »

Une larme roula sur sa joue. Encore une. 

- « Pourquoi tu pleures ? »

- « Pourquoi je n'aurais pas le droit de pleurer ? »

Mark avait posé son regard sur le sol froid et sourit faussement. 

- « Pourquoi je n'aurais pas le droit d'être triste qu'il ne se rende compte de rien ? »

Il faisait trop beau pour un jour aussi dramatique que celui-ci. Peut-être que la pluie aurait lavé leur tristesse, où au moins, aurait fait en sorte de cacher leurs pleurs. 

- « Pourquoi je n'aurais pas le droit d'avoir peur des autres ? »

- « Tu as le droit Mark, tu es humain. »

Il releva ses yeux larmoyants dans les siens, l'air était irrespirable.

- « J'aurai préféré ne pas en être un. »

...

hey

🧍‍♀️