Je descendis les marches sur la pointe des pieds, ne désirant pas alerter mon garde du corps de ma petite escapade et ouvris la porte avec précaution avant d'enfin pouvoir reprendre mon souffle. Ne plus être enfermée entre ces murs trop blancs semblait enlever un poids pesant sur mes épaules menues.

Mes jambes me guidèrent tout d'abord derrière la maison moderne où ne s'élevait rien d'autre qu'une terrasse semblant suspendue au bord d'une falaise.
Génial, mon père avait vraiment tout prévu pour que je puisse en finir pour de bon si je ne supportais plus de côtoyer le charmant membre de son gang !

Je retournai alors sur mes pas et m'avançai vers le portail, décidée à trouver une quelconque issue en cas d'un trop grand danger. Malheureusement, en avançant au bord de cette route où la circulation s'avérait aussi inexistante qu'en Antarctique, j'en vins à la triste conclusion que nous n'étions entourés que de palmiers et de végétation en tout genre sûrement encore pendant des kilomètres à la ronde. Marcus Carlton avait vraiment bien prévu son coup... Ici, aucune chance qu'on ne tombe sur quelqu'un. Décidément, je pouvais d'ores et déjà préparer mes obsèques...

Alors que je retournais en direction de la maison, quelque peu déçue de par cette excursion écourtée, j'entrevis dans l'allée l'auteur de mes tourments qui semblait agité. Intriguée et ne voulant pas lui donner le plaisir d'être une nouvelle fois effrayée par sa présence, je m'avançai dans sa direction. Il était de profil, son portable à l'oreille alors qu'il balayait d'un regard préoccupé les environs. Je remarquai trop vite qu'il ne portait qu'un short de sport gris, son dos contracté révélant alors une très forte musculature ainsi qu'un tatouage recouvrant presque l'entièreté de son dos et ses épaules. Soudainement, il se retourna vers moi et je vis ses mâchoires se contracter avec violence alors qu'il raccrochait d'un geste rapide, sans prendre la peine d'adresser un mot à son interlocuteur.

Je ne compris que quand il s'élança à grandes enjambées vers moi, que j'étais certainement la source de son irritation. Pour changer, ironisa ma conscience...

-Putain mais où t'étais passée ? s'exclama-t-il en se plantant face à moi.

Je soutenais son regard, fronçant des sourcils devant son ton toujours aussi agressif.

-Bonjour à toi aussi...

-Réponds à ma question ! s'énerva-t-il, ma réponse n'ayant pas semblé l'amuser.

-Relax, j'étais seulement partie faire un tour pour visiter un peu, pas besoin de dramatiser...

-Visiter ? Tu te fous de moi ?!

Il ferma les yeux en expirant fortement, se pinçant l'arête du nez comme pour tenter de se maîtriser. Lorsqu'il rouvrit ses paupières, il paraissait légèrement moins en colère bien que son regard sombre semblait toujours vouloir m'assassiner d'une seconde à l'autre.

-Quand on est gravement menacée par des fous furieux violents et qu'on t'attribue un type pour veiller à ta sécurité, la moindre des choses c'est de le prévenir quand tu décides de sortir te dégourdir les jambes.

Je croisais mes bras contre ma poitrine, lui lançant un regard mauvais avant de rétorquer, cinglante :

-Et quand le fou furieux violent est aussi celui chargé de « veiller à ta sécurité », tu fais comment ?

Il ne répondit rien, continuant de me fixer de son regard noir avant que ce dernier ne descende lentement sur mon corps, s'attardant en particulier sur ma gorge. Qu'est-ce que...

-Ne fais plus rien sans m'en parler avant, c'est compris ?

Sa phrase résonnait plus comme un ordre qu'une simple question à laquelle j'aurais pu répondre. Agacée par cette conversation, j'entrepris de m'avancer vers la porte lorsqu'il entoura sa grande main tatouée autour de mon bras, m'empêchant de continuer tout mouvement. D'un coup sec, il me tira vers lui, plantant ses pupilles dans les miennes.

-C'est compris ? réitéra-t-il alors.

Je jaugeai son regard quelques secondes, hésitant entre obtempérer ou risquer de me faire briser les os.

-Oui, chef, rétorquai-je finalement. J'ai le droit d'aller faire pipi maintenant ou tu comptes aussi m'accompagner au petit coin ?

Il me fixa encore quelques secondes, éternisant notre échange visuel houleux ainsi que le contact brûlant de ses doigts sur ma peau avant de finalement me libérer de sa poigne, me tournant le dos pour partir en direction de l'arrière de la maison.

Je rentrai à l'intérieur sans attendre une seconde de plus et partis en direction du salon dans le but de rejoindre la grande cuisine équipée et ouverte sur celui-ci. Sur mon chemin, mon attention fut accaparée par un long miroir décorant le mur. Je regardai quelques secondes mon reflet, analysant les traits fins de mon visage tiré par la fatigue ainsi que les cernes qui commençaient lentement à se creuser sous la frange de mes longs cils. Mon teint paraissait lui aussi plus terne, j'avais bien besoin d'un peu de repos. Ou bien d'une bonne couche de maquillage...

Alors que je balayais mon corps des yeux ainsi que mes longs cheveux brun qui tombaient contre mon dos et mes épaules, mon attention s'arrêta sur un point en particulier. Celui où Caz s'était lui aussi attardé. Autour de mon cou, des traces violettes et bleutées semblaient s'être formées, témoignant de la violence dont le Bloody Reaper avait fait preuve la veille lorsqu'il avait tenté de m'étrangler. Je posai fébrilement mes doigts sur les contusions et grimaçai lorsque je me rendis compte que la zone était encore douloureuse. Ce malade ne m'avait pas raté !

Je partis ensuite me servir un verre de jus d'orange avant de m'affaler sur l'imposant canapé d'angle adjacent à la cuisine qui offrait grâce à la porte fenêtre, une vue sur la terrasse et en fond, la vallée d'Oakland.

Je saisis mon téléphone et décidai de passer un rapide coup de fil à ma mère. Après tout, lorsque j'avais quitté la maison, elle était morte d'inquiétude et j'étais pratiquement certaine que maintenant que j'étais loin d'elle, elle ne l'était que d'avantage. Une fois l'avoir quelque peu rassurée sur ma condition en omettant évidemment de lui parler des bleus de strangulation sur mon cou, je raccrochai, me demandant soudainement où est-ce que mon bourreau pouvait bien se trouver. Ça faisait trop longtemps que la maison était calme...

Je me relevai et décidai de sortir à nouveau de la demeure, empruntant alors le même chemin qu'il avait pris quelques temps plus tôt. Peut-être m'avait-il caché l'existence d'une superbe piscine à débordement ? Ou même d'un sauna ?

Après avoir fait un énième tour de la propriété, Caz était toujours introuvable. Mais où était-il ? Il n'avait quand même pas pu se volatiliser ? Alors que je m'apprêtais à faire demi-tour, un étrange bruit capta mon attention. Je tendis l'oreille avant d'avancer en direction de la source de ses retentissements incessants contournant la maison pour tomber finalement sur une grande porte de garage relevée. J'y jetai un coup d'œil hésitant lorsque mes yeux se dirigèrent instantanément sur un corps en action.

Dos à moi, le Bloody Reaper semblait déverser sa hargne sur un pauvre punching-ball accroché au plafond par une grosse chaîne. Je fus un instant incapable de détourner mes yeux de ce surprenant et captivant spectacle. Sa peau luisante de sueur semblait refléter les rayons du soleil alors que son corps, que même Apollon aurait jalousé, se mouvait avec un contrôle et une précision sans faille, faisant rouler ses muscles à chacun de ses coups puissants dans le sac de frappe.

Je distinguai finalement plus nettement le tatouage recouvrant une partie de son dos. Deux ailes. Faites de façon très réaliste, elles semblaient être implantées dans la peau de son dos, le dessin jouant avec les ombres ayant même simulé la blessure ensanglantée que provoquerait celles-ci si elles sortaient réellement de sa chair. Mais pourquoi une d'entre elles paraissait abîmée ?

Je détachai avec difficulté mon regard de lui pour analyser un peu plus la pièce. Similaire à un grand garage, elle était recouverte de béton du sol au plafond. Tout un attirail de musculation dernier cri y était abrité. Alors que je m'interrogeais sur les nombreuses machines qui m'étaient inconnues, une voix rauque me fit sursauter :

-Tu sais que t'es vraiment à chier comme espionne, mon ange ?

Une fois de plus prise la main dans le sac, je rougis, gênée, avant de prendre mes jambes à mon cou et de déguerpir en bouillonnant d'agacement lorsque j'entendis dans mon dos un rire moqueur s'élever. Il fallait vraiment que j'apprenne à être plus discrète !

Fallen Angel (sous contrat d'édition chez BMR)Where stories live. Discover now