Chapitre 14

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Présent – 2014.

            Pour éviter que les flics débarquent au squat, il force Lola à se lever. Elle tremble et peine à tenir debout sur ses jambes. Son front est couvert de sueur et elle grelotte, enroulée dans sa couverture. Mickaël les regarde passer, en se moquant d'eux.

–  Elle fait un Bad Trip, laisse-la dormir.

–  J'ai froid, murmure-t-elle en se collant contre lui.

–  Vous êtes pathétiques tous les deux.

–  Peut-être, mais on se barre quand même, répond Alister. Et tu ferais mieux de te tirer toi aussi avant que les flics débarquent et découvrent la came.

            Il attrape son sac à dos et passe la sangle sur son épaule. Mickaël se rapproche, les yeux noirs, l'air très en colère et Alister recule de quelques pas. Le jeune homme l'impressionne et lui fait peur à la fois, même s'il a appris à le connaitre ces derniers mois. Il a des coups de sang, mais il n'est pas violent. Il monte vite dans les tours quand il se sent en insécurité. Le squat, c'est son foyer, comme il est le leur depuis plusieurs semaines, et l'idée de voir la police faire une descente le terrifie.

–  T'as appelé les flics ?

–  Non, j'ai appelé un ami.

–  Et ton ami a appelé les keufs ?

–  Qu'est-ce que t'as fait ?

            Cette fois, c'est Lola qui a parlé. Elle n'a pas l'air mécontente, plutôt inquiète. Il lui semble même discerner du soulagement dans sa voix.

–  Pascal s'occupe de tout.

–  Pascal ? C'est qui ça ? s'énerve Mickaël.

–  Il va prévenir Molly.

–  Et tu crois qu'elle va faire quoi ta Molly, à part appeler les flics ? s'énerve Mickaël. Vous êtes deux gosses en cavale ! Putain vous faites chier.

–  Ça va, calme-toi ! Le temps qu'ils arrivent, tu seras loin. Et on va s'éloigner pour éviter qu'ils viennent ici.

–  T'es qu'un connard Alister. J'espère que tu le sais ?

            Il hausse les épaules. Il n'a pas envie de parlementer toute la soirée avec Mickaël. Il traine Lola comme il peut hors du bâtiment et ils se retrouvent dans le quartier désert, éclairé seulement par quelques lampadaires qui grésillent. Lola tremble encore plus fort. L'air est frais. Ils finissent par s'asseoir sur un banc et elle pose sa tête contre son épaule tandis qu'il passe sa main autour d'elle.

–  Pourquoi tu m'as menti ? demande-t-il.

–  Je ne t'ai pas menti. Je ne t'ai pas tout dit, c'est différent.

–  Tu as une famille Lola. Une famille qui t'aime.

–  Et alors ? Je n'ai pas le droit d'être malheureuse pour autant ? Pour toi, il n'y a que les personnes qui ont été blessées, maltraitées ou abandonnées qui peuvent souffrir ?

–  Tu sais bien que non. Mais...

            Il ne finit pas sa phrase. Ses émotions sont trop mélangées. Derrière ce « mais », il y avait tellement de choses qu'il pourrait ajouter. Il sait que ce n'est pas parce qu'on a tout pour être heureux qu'on l'est vraiment. Il n'est pas dupe. C'est seulement que son rêve à lui, c'était de vivre avec sa famille, et qu'il a du mal à imaginer que certains soient prêts à tout abandonner pour une affaire d'égo. Si on ne l'avait pas forcé à aller en famille d'accueil, il aurait tout fait pour rester avec ses parents, même drogués.

Alister - Des ailes briséesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant