Chapitre 13

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Passé – 2011

–  Alister ! Alister ! ALISTER !

            Il relève la tête de son livre, allongé sur le ventre, dans sa chambre. Auriane, qui a un an et demi, joue sur le sol avec sa poupée. Son père passe la tête dans l'entrebâillement, avec un grand sourire. Il a l'air de bonne humeur. Ça lui arrive très souvent ces temps-ci. De plus en plus. Son fils fait comme s'il ne trouvait pas ce comportement étrange. De toute façon, ses parents ont toujours été un peu particuliers et il est presque plus à l'aise quand ils se comportement bizarrement que lorsqu'ils font semblant d'être normaux.

–  Et si on faisait un gâteau ? s'écrie-t-il.

            Auriane relève ses grands yeux bleus vers son papa et lève les bras. Garett se penche et récupère sa petite fille qu'il jette au plafond avant de la rattraper. Il lui fait des chatouilles et elle se contorsionne en riant aux éclats. Il finit par tomber sur le lit en faisant sursauter son fils qui lâche son livre. Alister se retourne et les regarde faire. Garett saute sur le matelas et cherche à rattraper Auriane qui veut s'enfuir.

–  Vous faites quoi ? demande Aileen en entrant dans la chambre.

–  Une bataille.

            Alister jette son oreiller sur son père qui le prend en pleine figure. Garett ouvre la bouche pour répliquer et il envoie son second oreiller. Son père l'attrape par la cheville et le tire pendant qu'Auriane en profite pour s'échapper. Leur mère reste debout devant le lit à les observer. Elle a l'air fatiguée et elle a des cernes sous les yeux. Elle ne dort pas bien depuis quelques mois. Alister la voit souvent réveillée la nuit. Elle parcourt le salon de long en large et elle récite des mots sans queue ni tête. En général, c'est plutôt mauvais signe, mais il n'a pas envie de relever.

            La dernière fois, Molly a téléphoné. Elle voulait savoir si tout allait bien. Depuis six mois, ils ne sont plus obligés de rendre des comptes au juge des familles et d'assister à des rendez-vous réguliers avec les assistants sociaux, mais Molly continue d'appeler quelques fois. Elle s'est attachée à la famille, surtout à Alister et à la petite fille.

            Il se débat comme il peut pour échapper à son père qui le chatouille maintenant sur les côtes. Il ne se sait pas s'il adore ou s'il déteste ça mais, en cet instant, il ferait tout pour sortir de ce lit, parce qu'il oscille entre rire et énervement à force d'être chatouillé. Garett finit par le lâcher, essoufflé, et Alister en profite pour se jeter dessus une nouvelle fois. Il ne va pas se laisser avoir comme ça. Auriane a roulé sur le sol et rejoint sa mère. Elle tend ses petits bras vers Aileen qui la regarde sans réagir. Alister arrête de jouer avec son père et se prend un coussin en pleine tête.

–  J'ai gagné, hurle Garett en levant les bras.

–  Maman, porte ! quémande l'enfant.

            Aileen s'en va et referme la porte. Alister repousse son père et se lève pour récupérer Auriane. Elle se blottit dans ses bras et enserre son cou de ses mains froides. Son père reste assis sur le lit, les yeux dans le vide. Tout à coup, son euphorie semble s'être envolée et il ne dit plus rien. Alister n'avait pas remarqué qu'il avait des cernes sous les yeux, qui forment des poches sombres, mais la lumière du soleil éclaire son visage et il les voit clairement maintenant. Ses parents se ressembleraient presque. Pourtant, Garett a les cheveux foncés, là où ceux d'Aileen sont très clairs.

–  Tu veux toujours faire un gâteau ? demande-t-il.

–  Hein ? Qu'est-ce que t'as dit ?

–  On pourrait faire un marbré au chocolat, propose-t-il.

–  J'ai pas faim.

            Son père laisse son regard se perdre à travers la fenêtre. L'homme joyeux et enjoué qu'il était il y a quelques minutes s'est envolé. Alister soupire. En ce moment, il s'égare souvent dans son esprit. Petit, il ne se rendait pas compte de ça, mais depuis qu'il est revenu vivre avec eux, il a l'impression de les découvrir vraiment et de se rendre compte qu'il les a idéalisés durant toute son enfance. Lorsqu'il s'endormait le soir, au foyer ou dans les familles d'accueil, il s'imaginait toujours retrouver une famille géniale et un monde festif et coloré. Il y avait bien des moments de fêtes, il ne pouvait le nier, mais ils étaient souvent ternis par d'autres moments durant lesquels ses parents s'énervaient, dormaient ou restaient des heures à fixer les murs.

Alister - Des ailes briséesOnde histórias criam vida. Descubra agora