Déméter, Perséphone et Hadès

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La jeune déesse, enfin libre, inspira profondément. Elle serra la grenade donnée par Charon, la regarda d'une façon indescriptible presque tendrement et la glissa dans sa poche. Elle mis quelques secondes à réaliser que la tenue d'Hermès n'avait pas de poche. Mince, elle était toujours lui! Elle savait où aller. Les morts lui avaient appris qu'il n'y a qu'une manière de se débarrasser de ce maléfice. Portée par le vent, elle se rendit à proximité d'un petit lac. Elle retira d'abord les sandales, puis la toge, puis les sous-vêtements. Arrivée devant son reflet, elle ne put se retenir de s'observer. Ainsi, voilà à quoi ressemblait Hermès dans son plus simple appareil. Elle se vit rougir. Elle toucha son torse. Elle était curieuse. Qu'est-ce qu'on ressentait quand on était homme? Elle détailla le corps du dieu bien trop longtemps. Ce n'était pas souvent que cela arrivait. Elle se reprit et plongea dans l'eau.

Elle avait réussi. Elle était libre. Sous l'eau, toutes ces émotions prirent le dessus. Elle était dans une bulle qu'à elle. Elle sentit son corps reprendre son apparence féminine. Elle serra son corps, la tête toujours immergée. 

 Elle ne remonta à la surface, saisit la toge d'Hermès et s'en drapa. Son corps mouillé collait contre l'épais tissu crème mais c'était le dernier de ses soucis. 

Pieds nus, elle courut dans l'herbe froide et humide du petit matin. Elle se laissa porter par le vent qui glissant sur sa peau laissa dans son ombre une armée de frisson. Elle caressa ses bras recouvert de chair de poule.

Perséphone, se sentant enfin libre, courut sans s'arrêter jusqu'à ce qu'elle soit enfin chez elle. Elle entra en trombe dans sa maison, s'imprégna de son odeur et hurla littéralement le nom de sa mère. Personne ne lui répondit, Déméter n'était pas là. Déçue, Perséphone se rendit dans un village mortel que sa mère adorait, Eleusis. Là-bas, elle sentit vaguement la présence de sa mère. Suivant son instinct, elle se rendit au palais. Tous laissèrent passer la belle Perséphone mais Déméter ne semblait pas là non plus.

La nuit était tombée et Déméter ne semblait nul part. Perséphone se dirigea alors vers la mer et s'assit sur le sable chaud. Elle observa les étoiles mais tout ce qu'elle voyait c'était deux pupilles noires. Elle secoua la tête comme pour chasser ces pensées et se laissa tomber mollement sur la plage.

Elle commençait à s'endormir quand elle entendit un murmure dans son dos :

-Perséphone?

Elle reconnaîtrait la voix de sa mère entre mille. Alors, sans hésiter, elle se jeta dans ses bras. Elle huma son odeur et pleura de joie.

-Oh! Maman!, marmonna la jeune déesse.

Déméter encore sous le choc serra du plus fort qu'elle put son enfant entre ses bras. Les larmes coulaient des deux côtés. Déméter attrapa le visage de sa fille et le contempla avec tout l'amour d'une mère. Perséphone fut prise d'un rire cristallin, un vrai rire de joie, et fut vite rejointe par sa mère. Perséphone attrapa la main de sa mère et la tira dans l'eau chaude en souriant. Déméter la suivit, enfin comblée et heureuse.

Perséphone en faisant la planche, se laissa porter par l'eau, ses yeux toujours dirigés vers les étoiles. Déméter quant à elle ne pouvait détourner les yeux de sa fille. Elle avait peur que si elle regarde ailleurs, Perséphone disparaisse.

Perséphone raconta sa mésaventure puis comment elle avait réussi à fuir, n'omettant que certains passages.

-Je vais l'étrangler, s'insurgea Déméter.

-Plus la peine, répondit sa fille en s'amusant de la colère de sa mère.

Déméter, à son tour, raconta comment elle dut faire des pieds et des mains pour savoir où elle était. Elle lui parla de la famine, d'Hélios et d'Athéna qui furent les seuls à l'aider et des enfants du roi Céléos. Perséphone n'en attendait pas moins de sa forte mère.

-Qu'est-ce qu'on va faire maintenant ? demanda Perséphone.

-Vu la pagaille que tu as mis en bas, nous devrions avoir la nuit pour nous cacher, expliqua Déméter.

Bras dessus, bras dessous, mère et fille se déguisèrent comme seul les Dieux peuvent le faire et se dirigèrent vers un autre pays.

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Hermès, assis dans la grande salle des Enfers, tenait fermement la poche de glace sur sa mâchoire. Bien amoché par Hadès, il ne pouvait s'empêcher de rire en repensant à cette soirée plus que chaotique. Chère Perséphone, tu me le payeras.

Quand Hadès avait suivi Charon, il avait trouvé deux intrus dans sa chambre. D'abord, Mintha, un ancienne amante qui s'évertuait à le coller depuis, et un second Hadès. Tout deux dans une position plus que compromettante. Et bien qu'il n'eusse rien à faire de Mintha, il n'acceptait pas en revanche que quelqu'un se fasse passer pour lui. Surtout pour duper une âme aussi Naïve que Mintha.

Déjà terriblement frustré par Charon qui l'avait coupé avec Perséphone quand enfin elle ne le repoussait pas, Hadès s'élança vers son double et le rua de coups. Ironiquement cet intrus ne savait pas aussi bien se battre que le roi des morts. Quelques minutes après, l'apparence du double se dissipa et il comprit qu'il ruait de coups son ami, Hermès.

Il s'était écarté et fronçait les sourcils. Il se souvint avoir demande à Hermès la raison pour laquelle il avait pris son apparence. Ce fut au tour d'Hermès de froncer les sourcils. Puis, le dieu Messager explosa de rire. Quand Hermès, entre deux crise de rire, lui expliqua qu'il n'avait jamais voulu prendre son apparence, Hadès comprit. Il rejoignit la grande salle mais c'était trop tard.

Elle avait disparu.

Il entra dans une rage noire et tout l'Enfer, jusqu'aux tréfonds du Tartare entendirent la rage d'Hadès. Il retourna entièrement la grande salle. Hermès, de loin, le laissait se calmer sans pour autant arriver à cacher son inquiétude. Car, malgré ce qu'on pouvait penser, Hadès gardait presque tout le temps son sang froid. 

Quand il fit face au dieu messager, Hermès vit dans ses yeux un éclair de folie et sur son visage se dessinait un sourire dévastateur. Hermès sourit à son tour. Il l'avait dit: avec ces deux-là, il avait des siècles d'amusement devant lui.

-Ta belle déesse me doit une ou deux dents, dit Hermès.

-Elle me doit plus encore, dit Hadès dans un souffle.

Cette simple phrase pleine de promesses n'annonçait rien de bon. L'Olympe allait trembler, de nouveau.

AMOURS MYTHIQUESWhere stories live. Discover now