Chapitre 30.1

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Chapitre 30

Astrid reprit pendant quelques semaines une existence paisible. Elle passait voir le docteur P dans sa petite maison de San Gennaro et vérifiait que ses expériences n'étaient pas trop dangereuses. Elle gardait Juan pendant qu'Ernesto et Kate faisaient des sorties en amoureux.

Elle faisait visiter Naples à Björn. Madeleine était en France pour des raisons mystérieuses. Son air sarcastique et son côté déterminé manquaient à Astrid. Mais malgré tout, la jeune femme savait que rester discrète était la meilleure solution. Les héros intrépides se faisaient toujours tuer en premier.

Un jour, la jeune femme se décida à trier les affaires de Xiu, qui se trouvaient toujours dans sa chambre. Elle demanda à Salvatore de lui trouver des cartons et entreprit de classer les nombreux livres que contenait la bibliothèque de sa « mamie chinoise » : une dizaine de bouquins sur les doctrines de Confucius, les deux ouvrages de Yang Chengfu, célèbre maître de tai-chi-chuan, des romans à l'eau de rose écrits en chinois, un exemplaire du Petit Livre Rouge de Mao que Xiu avait annoté de sa petite écriture agile, les « Quatre livres extraordinaires » et bien d'autres.

Salvatore vint l'aider en silence. Ils découvrirent ensemble plusieurs objets étranges et intimes, comme la photographie d'un très bel homme aux yeux ardents, et une boîte à musique noire décorée d'un dragon rouge, qui produisait l'air de la Danse de la Fée Dragée de Tchaïkovski, dans Casse-Noisette.

Ils scotchaient soigneusement les cartons quand Mama entra, livide.

- Nous avons un invité, annonça-t-elle d'une voix lugubre.

Six gardes du corps, avec lunettes noires et oreillettes arpentaient le salon avec leurs grosses rangers. Simon Solovine était assis sur le canapé, en costume beige et chaussures cirées.

- Je prendrais bien une tasse de thé, dit-il en anglais.

Mama se dirigea d'un pas raide vers la cuisine. Björn et Salvatore se placèrent instinctivement devant Astrid. Solovine fit un simple geste de la main et l'un de ses hommes attrapa Salvatore et lui tordit le bras dans le dos. Un second envoya un coup de poing dans le ventre de Björn, qui tituba.

- Arrêtez ! paniqua Astrid. Ne leur faîtes pas de mal !

- Il y a des problèmes dans mon pays, mademoiselle Cavaleri, et quelque chose me dit que vous y êtes pour quelque chose.

- Quel problème ?

Mama revint avec une tasse de thé et la posa avec hargne devant Solovine. Mais ce dernier ne regardait qu'Astrid.

- Des citoyens ordinaires deviennent excessivement violents. Apparemment, ils consommeraient une drogue spécifique qui stimulerait l'agressivité. Les meurtres et les saccages se multiplient, notamment dans la région de Tcheliabinsk. C'est une provocation infâme pour moi dont la priorité est de lutter contre les crimes.

- Nous n'y sommes pour rien ! piailla Astrid. Nous ne distribuons pas de drogue en Russie !

Solovine se tourna vers l'homme qui tenait Salvatore.

- Je pourrais demander à mon garde de lui briser le bras. C'est ce que vous voulez, mademoiselle Cavaleri ?

- Non, je vous en supplie !

- Vous allez arrêter ce trafic. Débrouillez-vous !

Simon Solovine finit son thé et se leva.

- Je suis déçu. Je ne pensais pas que vous étiez mauvaise joueuse. Si cette drogue ne disparait pas de mon territoire dans le mois à venir, je reviendrai. Et il n'y aura pas que des menaces de bras cassés.

Il sortit, suivi de son groupe de gardes du corps. Astrid se précipita vers Björn et Salvatore.

- Vous allez bien ?

- Oui, mon amour. Ne t'inquiète pas.

- Ça va aussi, souffla le suédois.

- Qu'est-ce que c'est que cette histoire de drogue ? demanda Mama.

Astrid sentait le sang pulser dans son crâne. Solovine avait parfaitement appliqué l'expression de Jules César : il était venu, il avait vu, il avait vaincu. Cet homme était invincible.

- Je vais appeler Madeleine, bafouilla-t-elle. Sa fille pourra peut-être nous aider.

La jeune femme prit son téléphone portable et appela Madeleine, qui la rassura aussitôt : elle serait à San Gennaro dans deux jours, et elle contacterait Fiora qui mènerait une enquête sur les dealers dans la région de Tcheliabinsk.

Les deux jours passèrent à une vitesse d'escargot. L'arrivée de Madeleine apporta une nouvelle énergie et surtout des informations sur les Anarkhisty, un groupe de bikers qui pratiquait à l'occasion le trafic de drogue, et qui se trouvait en ce moment à Tcheliabinsk.

- D'après Fiora, il n'y a pas de doute. Partout où ils passent, les junkies se mettent à s'entretuer, expliqua Madeleine.

- Je vais appeler Mikhaïl. C'est mon seul spécialiste de la Russie, soupira Astrid. Il les connaît peut-être.

Le petit réseau de relations d'Astrid fonctionnait bien. Mikhaïl lui apprit que les Anarkhisty recherchaient un nouveau motard.

- Un gros dur, précisa le russe. Du genre barbu et tatoué. Je ne sais pas si tu as ça en stock.

Astrid observa tout à tour Salvatore, rasé de près et portant une chemise soigneusement repassée, et Björn, avec son nez de lutin et ses yeux bleu ciel. Pas vraiment le bon style.

- Je vais me débrouiller. Merci, Mikhaïl.

- Quelqu'un connaît un motard ? demande-t-elle à la cantonade d'un air désabusé.

- Je fais de la moto, fit Björn.

- Mais tu n'as pas de barbe ni de tatouage.

- Peut-être, mais attends de me voir avec un blouson de cuir.

Le suédois lui fit un clin d'œil. Salvatore fronça les sourcils.

- Ces Anarkhisty ne fabriquent pas la drogue eux-mêmes. Il faut trouver où ils s'approvisionnent, reprit Madeleine.

- Je vais rejoindre leur groupe et découvrir ça, affirma Björn.

- Je viens avec toi, fit immédiatement Astrid.

- Même pas en rêve, mon bébé, riposta Salvatore.

- J'ai fait des choses beaucoup plus dangereuses que de la moto avec des barbus, et tu le sais. Et je serais avec Björn.

- Il n'y a pas de femmes dans ce genre de groupe. Ou alors une prostituée ramassée en route.

- Je pourrais être celle de Björn.

- Non mais tu entends ce que tu dis ?

- Tu veux que Simon Solovine et ses sbires reviennent pour nous casser les bras, les jambes puis la nuque ?

- Tu n'es pas obligée d'y aller ! Olofsson peut très bien se débrouiller seul !

- Je ne te demande pas ton avis, Salva !

- Je la protégerai, Salvatore, affirma Björn. Vous pouvez me faire confiance.

- Si elle revient avec une seule égratignure, vous aurez affaire à moi.

Salva capitule de plus en plus vite, c'est bien. Elle l'embrassa sur la joue puis se tourna vers Björn en souriant :

- Bon, allons nous acheter un blouson de cuir !


Grazie mille !  


La Villa Gialla : Tome 1Where stories live. Discover now