Chapitre 13.2

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Après être passée dans la loge de Domenico pour l'apaiser, car il était particulièrement nerveux, Astrid gagna son siège du quatrième rang. Elle était surtout impatiente de voir Max Gazzè.

Elle jouait sur son téléphone quand son voisin vint s'installer, et elle le reconnut : c'était Enzo, un ancien camarade de classe, qui faisait toujours le clown. Ils bavardèrent joyeusement jusqu'au début du concert.

- Tu es venue pour un chanteur en particulier ? demanda Enzo.

Astrid hésita. Elle était venue parce que Domenico y participait, mais c'était Max qu'elle voulait voir. Elle trouva un compromis :

- Un peu pour tous. Et pour l'association.

- Oui, moi aussi.

Enzo la fit rire avec des blagues sur les mimiques ou les costumes des chanteurs. Il semblait aussi au courant de tous les potins les concernant. Elle se demanda ce qu'il allait dire de Domenico.

Elle applaudit avec enthousiasme Max Gazzè en ordonnant à Enzo de se taire. Mais sa chanson passa trop vite et bientôt, vint le tour de Domenico. Au moins, il n'a pas sa veste jaune.

- Tu le connais, celui-là ? souffla Enzo.

- Oui, euh...de nom.

- Il a l'air franchement ringard, si tu veux mon avis.

- Hum. Un peu.

Défends-le un minimum, tout de même !

- Sa chanson n'est pas mal.

- Sa teinture non plus, je l'avoue.

Astrid ne put s'empêcher de rire, mais s'arrêta immédiatement quand elle vit que Domenico l'avait repérée. Ses sourcils se froncèrent légèrement mais il continua sa chanson sans accident.

À la fin du concert, Enzo lui proposa d'aller faire la queue pour avoir un autographe de Max Gazzè, mais elle remarqua que Domenico se dirigeait vers elle avec un air furieux. Elle trouva un prétexte bidon et attira son chanteur dans un endroit discret.

- Qui est cet homme ? attaqua-t-il.

- Enzo ? Domi, c'est juste un ami.

- Je t'ai vu rire pendant que je chantais. Vous vous moquiez de moi, je le sais.

Il ne manquait plus que ça. Une crise de jalousie.

- Bien sûr que non. Ne sois pas paranoïaque. Tu étais formidable.

Moins que Max, mais bon. Domenico se radoucit un peu, mais attaqua de nouveau :

- Tu m'as moins applaudi que Gazzè.

- Tu as regardé comment j'applaudissais, Domi ? Sérieusement ?

- Hé ! Tu me reproches de te regarder ?

Cette conversation ne mène à rien. Je ne suis pas d'humeur.

- Non. J'aime que tu me regardes. J'aime que tu sois jaloux, ajoute-t-elle en souriant.

- Ah ! Les femmes sont cruelles. Embrasse-moi.

Cette soirée se termina plutôt bien, à part qu'elle n'eut pas son autographe.

                                                                                              ***

Comme elle avait raté une nuit de travail, Astrid dut effectuer deux livraisons la fois suivante. En fredonnant La mia stella, elle frappa à la porte d'une maison plutôt propre. Une femme en nuisette lui dit d'entrer et la fit asseoir dans un corridor où des rires et des bruits reconnaissables se faisaient entendre. Une fille à moitié nue passa devant elle sans même la regarder. Un homme portant une lourde caméra entra dans la pièce adjacente. On tourne un film, mais pas pour les enfants, apparemment. Un trentenaire aux cheveux gominés apparut et récupéra la pile de magazines que lui tendait Astrid. Ce n'est que là qu'elle remarqua qu'il y avait une fille nue sur presque toute les couvertures. Alors ça, c'est encore plus glauque que les poupées ou la gnole de Tina. L'homme l'inspecta des pieds à la tête.

- Tu veux te joindre à nous ?

- Non, merci.

Au moins, ça fera rigoler Ernesto quand je lui raconterais ça. Qu'est-ce qui m'attends, maintenant ? Elle dut ensuite se rendre dans un quartier voisin de Scampia, appelé Secondigliano.

Cette fois, quand elle voulut entrer dans l'immeuble, trois brutes lui tombèrent dessus.

Avant qu'elle n'ait pu réagir, elle prit un violent coup de poing dans la figure et son colis fut emporté. Elle se redressa, le nez en sang, et le monde mit un certain temps à s'arrêter de tourner.

Giovanni se contenta d'hausser les épaules et de déduire le colis volé de son salaire.

- Qu'est-ce qui t'es arrivée ? s'exclama Domenico.

Voici la dernière personne qui s'intéresse à moi. Et que je vais trahir.

- Rien, ce n'est pas grave.

- Tu saignes du nez. On t'a frappée !

- Non, non. Ça va.

- Qui t'a frappé, Astrid ?

- Je ne peux pas te le dire.

Domenico soupira. Astrid voulut le contourner mais il la retint par le poignet.

- Je sais que tu ne livres pas des pizzas. Tu rentres en pleine nuit, avec un air si triste...et là, tu as été agressée. Quelque chose ne va pas. Dis-moi.

Ces deux dernières phrases rappelèrent douloureusement Salvatore à la jeune femme. Elle plissa le nez, grimaça parce que cela lui faisait mal, et tenta le tout pour le tout :

- Tu te souviens, je t'avais dit que mon père jouait. Et qu'il perdait. Et là, il a perdu contre des gens qui ne supportent pas qu'on ne les rembourse pas immédiatement.

- Est-ce que tu parles...de mafieux, Astrid ?

Domenico avait chuchoté, comme si tous les criminels napolitains pouvaient l'entendre.

- Promets-moi de ne rien dire. Ils feraient du mal à mon père.

- Tu leur dois combien ?

Nous y voilà. Allez, c'est parti.

- Trop, répondit-elle. Mais ne t'inquiète pas.

- Astrid, ces gens ne rigolent pas. Ils t'ont fait du mal, ils recommenceront. Dis-moi, je vais te faire un chèque. Ou je donnerais directement du liquide...

- Domi...

- Combien ?

- Dix-mille euros. Je ne veux pas que tu me donnes une somme pareille, c'est trop...

- Je vais te donner quinze-mille. Ces gens te réclameront sûrement des intérêts.

Il prit soin d'elle le reste de la soirée et lui fit l'amour avec beaucoup de tendresse. Astrid dut lutter contre la nausée que son acte lui inspirait, et trempa son oreiller de larmes silencieuses.


Alors ? Préférez-vous des chapitres plus courts ? ;)

La Villa Gialla : Tome 1Where stories live. Discover now