Hunters

2 ~ Black Water

Je badge mon écran contre le lecteur et quitte le Sub, les mains dans les poches, prenant docilement le chemin de mon baraquement alors que j'observe du coin de l'œil les enfants partir en courant vers notre miteuse aire sportive. C'est un petit terrain vague surveillé par des Gardiens, recouvert d'un gazon synthétique et où les enfants peuvent venir jouer avant l'heure du repas. Quand j'étais plus jeune j'adorais venir y jouer avec ma grande sœur, mais les dimensions ne permettent qu'aux enfants de venir jouer, je n'y ai donc plus mis les pieds depuis mes dix ans et pourtant j'aimerais y retourner. Le sport m'aide à me défouler, être Illégale c'est se cacher mais aussi refouler bon nombre de choses et d'émotions et petite j'évacuais tout le poids de ces responsabilités dans le sport. Résultat, je suis une des meilleures élèves de toutes les Tertiaires D.

Les enfants de la Perle ont plus de chance, ils ont une grande aire sportive où tout le monde peut venir jouer et bien évidemment nous les enfants du Terrier ne sommes pas autorisés à y aller. Il n'y a que ceux qui ont des bonnes relations avec les gens de la Perle qui sont privilégiés, comme Hemmings. Son amitié avec Jared lui permet d'aller s'y entrainer une fois par semaine en plus des cours de sport dispensés à l'école et il est probable que ce soit une des raisons pour lesquelles lui et moi ne pouvons plus du tout nous entendre. Fut un temps où j'étais meilleure que lui en sport.

*

Une fois les galeries traversées, je débouche sur une première section de baraquements avant d'arriver devant le mien. C'est une habitation toute en bois, sobre et assez longue pour héberger deux familles, ce qui n'est pas le cas de tous les baraquements. Certains tombent en ruine, les planches de bois cèdent, laissant apercevoir l'intérieur ainsi que l'intimité des familles et le manque d'argent pour réparer se fait sentir. Non vraiment je n'ai pas à me plaindre.

Après avoir badgé mon écran sur le lecteur positionné à l'entrée, la porte se déverrouille. Pour le moment il n'y a que moi qui sois rentrée, alors je me prends quelques biscuits et grimpe dans ma chambre où se trouve mon bazar que je qualifierais d'organisé. Sur mes étagères se mélangent mes uniformes scolaires propres avec quelques livres sur la physique, des bibelots, mais également quelques-unes de mes inventions. Quand je n'ai pas de devoirs à faire, ni de tâches à remplir pour l'AGFA, je m'accorde un peu de temps pour travailler sur des projets personnels comme des expériences. Mon dernier projet en date était un masque relié à une capsule d'oxygène utilisée dans les conduits des Subs, qui permettait d'aller explorer les Eaux Noires soi-même à la nage pendant une bonne heure, sans subir les dommages de la pression aquatique des profondeurs. Je ne l'ai utilisé qu'une fois avec Michael, un soir où les Gardiens ne surveillaient pas le champ de force du Terrier et nous avons pu nager quelques minutes pour tenter le coup. Mais malgré notre excitation et ce goût de la liberté, nous sommes vites rentrés, plus effrayés à l'idée de croiser des créatures inconnues que de tomber sur un Gardien en patrouille. Nous ne savons pas ce que cache la noirceur de l'eau et j'imagine que le champ de force n'est pas là que pour délimiter les territoires du Nouveau Canada.

J'attrape le masque et retire la capsule d'oxygène presque vide, l'observant longuement. Il m'en faudrait une qui ait la capacité de vingt capsules réunies pour que mon projet soit abouti, mais il n'y a que dans les conduits d'aération de la Rûche que l'on peut en trouver et je n'y aurais jamais accès. Personne en dehors des membres de l'AGFA n'y a accès, alors je dois me contenter des capsules que ma « mère » me ramène des Subs sur lesquels elle travaille.

Je soupire et me mets à mon « bureau » où je corrige les quelques défauts de mon masque et de celui de Michael, n'étant dérangée qu'après une heure et demie de boulot par l'arrivée de ma sœur, Victoria.