Épilogue (1)

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Il m'a fallu encore énormément de temps pour trouver ma voie. Je suis resté deux ans l'institut Cardijn. J'y ai passé de très bons moments, me suis fait des amis du tonnerre et j'ai découvert une de mes plus grandes passions, le jeu de rôles. Je vécus ma première relation sérieuse, qui dura trois ans et demi, avec une femme formidable. Mais pour les cours, ce n'était pas encore ça.


La première session d'examens ébranla totalement la légère confiance en moi que je venais d'acquérir. Mon premier oral était réussi, mais avec une côte de 11/20. Bien que tout le monde me disait que c'était bien pour un premier essai, surtout avec ce prof-là, je me trouvais médiocre. L'examen suivant fut le pompon. C'était de la philo morale. La prof, très spéciale, bégayait pendant les cours. Mais j'adorais ses exposés, et ce fut d'ailleurs le seul cours que je n'ai jamais manqué. L'examen commence et elle tire sa première salve : « vous êtes nouveau ? Parce que je ne vous ai jamais vu en cours ! » J'étais désarçonné. J'ai néanmoins commencé à répondre à la question de l'examen, mais arrivant presque au terme de la réponse, je perds les pédales. Panique totale, trou noir et je commence à bégayer. La prof a cru que je me moquais d'elle alors que simplement, je paniquais, et bien que ma réponse était au trois-quarts bonne, je reçois la note de 2/10. Elle me rétorqua que j'étais immature, que j'avais étudié son cours par cœur et que je n'avais rien compris à ce qu'elle voulait m'enseigner.

Cette histoire m'a tellement cassé qu'au troisième oral, je suis arrivé tremblant comme une feuille avec des difficultés à respirer. Le prof me renvoya chez moi en me demandant de prendre un certificat médical. Résultat : de nouveau une cure de Temesta pour quelques semaines. Je n'ai pas pu terminer mes études d'AS, déjà pour ces petites raisons, mais surtout je n'étais pas prêt. J'étais trop proche des usagers. J'avais du mal à mettre une barrière, prendre du recul. Je ressentais fort ce qu'ils étaient en train de vivre. Trop sensible, trop empathique avec les usagers pendant les stages, c'était trop difficile pour moi.

J'ai alors tenté l'impensable : les premières sections informatiques ouvraient en secondaire. A 21 ans, je me suis retrouvé sur les bancs de l'école, à côtoyer des gamins de 16 et 17 ans. Presque tous les matins, je sortais tripes et boyaux, et quand cela ne se transformait pas en crise d'angoisse pure et simple, j'arrivais à me traîner jusqu'à l'école. J'ai découvert ce stress, mon corps qui me montre que je n'ai pas fait les bons choix. Vous l'avez deviné, je n'ai pas pu terminer mon année.

J'ai tenté par après l'apprentissage en informatique. Mais là encore, j'ai eu dur, j'ai eu mal. Bien que j'aimais travailler dans ce petit magasin d'informatique, mon mal était toujours là. En plus, cette année-là, j'ai rompu avec ma compagne, après trois ans et demi de vie de couple. Ce n'était pas facile, ni pour elle, ni pour moi, et même si la rupture était de mon initiative, j'ai eu énormément de mal à m'en remettre.

J'ai donc commencé à vivre seul. Mais sans le sou, étant viré de l'école d'apprentissage pour mon absentéisme excessif, je n'avais droit à rien. Je ne savais même plus payer mon loyer. La solitude, pour couronner le tout, n'a pas aidé. J'ai replongé pendant quelques mois, j'ai retenté d'écrire, et commencé à écrire un carnet appelé les tourments de l'âme. Certaines pages sont d'ailleurs tachées de sang, parce que j'écrivais avec les bras ensanglantés. J'avais recommencé à me mutiler, ma douleur et ma solitude étant tellement forte. Je ne pouvais pas rester comme cela, sinon j'allais recommencer toutes mes conneries. Je suis, à 24 ans, retourné vivre une première fois chez ma mère.

Mais durant cette période, en juin 2003, j'ai commencé à discuter sur internet avec cette fille. Avec la bande d'amis de Louvain-La-Neuve, nous avions créé ce site internet, l'atoll du web, et elle était venue s'inscrire sur le forum. Nous avions sympathisé, et quelques semaines après ma séparation avec mon ex, nous nous sommes mis à discuter sur Messenger. Nous avons discuté pendant une bonne année. En août 2004, je trouvais finalement un job, d'abord par intérim. Et avant que l'on me propose un contrat, cette demoiselle de Suisse est venue me voir ici, en Belgique. Je me rappelle notre premier baiser. C'était le deuxième jour de sa visite, nous discutions en terrasse, et c'est venu tout seul, comme par magie.

J'ai signé mon contrat dans cette grande compagnie vendant culture et technologie la semaine après. J'ai commencé comme stockiste, à coller des étiquettes sur des livres et les envoyer en magasin. C'était un travail certes pas très passionnant, mais au moins il était tranquille. Durant cette première année à ce boulot, j'ai arrêté le Trazolan, dernier médicament que je prenais (donc oui, vous avez vu, ça a duré encore longtemps). Je n'étais plus suivi par personne, hormis mon médecin traitant. J'ai arrêté de mon propre chef, en baissant progressivement les doses, comprenant que je n'en avais plus du tout besoin. Ce fut une décision difficile, couper une habitude de plusieurs années me faisait un peu peur, mais après quinze jours totalement clean, tout rentra dans l'ordre.

Une bonne année plus tard après mon entrée dans cette boite, j'ai tenté un coup de maître. Je chipotais énormément à faire des sites internet. La direction était en train de mettre en place son site d'e-commerce, et j'ai tenté le coup. J'ai été voir le directeur en proposant mes services. Je n'ai pas été engagé pour travailler sur ce projet, mais à la place, on me fit tester des ordinateurs pendant deux heures, à diagnostiquer des pannes et problèmes de toutes sortes. Je fus catapulté comme seul technicien informatique, au Service Après-Vente du magasin de Bruxelles.

J'aimais beaucoup mon travail au début, et j'ai fait part de mes expériences passées, dans ce petit magasin. J'ai pu un peu infléchir sur la politique de la clinique micro, parce qu'il était bien clair d'une chose : les managers n'y connaissaient rien. Que ce soit au niveau législatif, au fonctionnement du monde informatique, et du service informatique à la clientèle.

J'ai dû me battre pour mon travail. J'étais seul dans une équipe qui s'occupait de tout le reste du SAV. Et c'était un métier dur, très souvent, on se retrouve insulté, traité de tous les noms. Un exemple parmi tant d'autre pour vous montrer ce quotidien : un client qui avait fait une mauvaise manipulation sur son ordinateur voulait même à un moment, porter plainte contre moi pour vol d'un fichier DLL.

Salut, moi c'est Greg [édité chez Atramenta]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant