Apprendre à remonter (1): à la maison

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Le 1 mai, je revenais d'un week-end chez Aurélia. Je ne me sentais pas bien et je n'avais pas le courage d'attendre le bus à Leuven. Je téléphonai à la maison pour qu'un de mes parents vienne me chercher. Normalement, on avait de la visite, des amis français que papa avait invités et qui passaient le week-end à la maison. Je demandais s'ils étaient là, et maman me répondit que non. Elle se mit en route pour me chercher. J'attendis une demi-heure, elle arriva, et je montai dans la voiture. C'est alors que maman m'annonça que mon père était reparti vivre avec sa compagne.


J'en avais marre. C'était la troisième fois qu'il jouait ce tour-là. J'étais hors de moi. J'en voulais aussi à maman, car je trouvais déjà qu'elle avait été trop bonne de le reprendre la fois d'avant. J'étais vraiment en colère. Je me rendais compte que mon père était un gros menteur, qu'il n'arrêtait pas de nous baratiner. Le soir, une copine qui habitait le village, Caro, je n'en avais pas encore parlé auparavant, vint me tenir compagnie et me remonter le moral. Je pouvais compter sur elle. Elle est restée toute la soirée, Aurélia me téléphona pour voir comment ça allait et Nico aussi. Il faut dire que leurs parents à tous les deux étaient aussi séparés. Mais malgré leurs mots, je n'arrivais pas à décolérer.


Je retournai aussi chez mon psychiatre. Je lui expliquai ce qui s'était passé et qu'en plus, je n'avais rien trouvé pour me mettre au vert. Il me donna le numéro de l'assistant social du centre où il travaillait, afin de me donner des adresses pour aller me mettre au vert. Je pris rendez-vous chez lui. Mais bon, ce qu'il me donna était des endroits dans des ASBL où on ne proposait que des trucs d'une semaine. Il fallait que je parte plus longtemps. Pendant cet entretien, je relançai l'histoire de quitter la maison. Il me donna l'adresse du Saj de Nivelles, dont je dépendais. Lorsque je dis cela à ma mère, elle rentra dans une rage folle. Surtout que j'avais osé dire que je vivais un enfer à la maison. C'est vrai que la vie à la maison n'était pas facile, et j'en avais vraiment marre d'y vivre. Après, la consultation, on alla chez mes grands-parents, j'y restai pendant que ma mère allait chez son avocat, pour l'affaire du divorce. Car elle ne voulait plus que le petit train-train de mon père recommence. Lorsqu' elle fut partie, mon grand-père commença à me dire tous des noms d'oiseaux. Crapule, vaurien, et ce ne sont que les mots les plus tendres. Je ne savais pas que mon grand-père que j'aimais plus que tout, que je considérais comme un second papa, pouvait être si méchant ! Je n'en pouvais plus, j'étais en pleurs et je me sauvai de chez eux. Je partis en ville. Heureusement que j'étais plus rapide, car ma grand-mère partit à ma recherche. Mais lorsqu'elle arriva au métro, trop tard, il était parti. Je restai environ une heure en ville, dans les endroits que je chérissais tant, les disquaires.




Lorsque je rentrai chez eux, ma mère n'était pas encore rentrée. Je l'attendis dehors, car je ne voulais pas les revoir. J'attendis une demi-heure environ sur la rue et ma mère arriva. Je lui demandai de me ramener mon paquet de cigarettes que j'avais laissé là-bas. Ma mère me força à monter, et mes grands-parents essayèrent de se faire pardonner. Au départ, je ne voulais même pas qu'ils m'approchent. Mais pour finir, tout rentra dans l'ordre.




Je n'étais pas bien. Je n'en pouvais plus. Je commençai à prendre des médicaments dans la journée, pour être pété. Je me droguais à ces substances. 4, 5 stilnoct et hop j'étais pété grave. La même chose quand j'allais me coucher, car je n'arrivais plus à dormir. Pourtant, je ne dormais pas la journée malgré tout ce que j'avalais ! Je ne faisais que ça de la journée, et répéter mes morceaux à la guitare dans l'espoir de monter un jour une formation. On avait ça en projet avec Nico, mais j'avais de moins en moins de nouvelles de lui. C'est vrai que c'était chaque fois moi qui téléphonais et j'en avais marre. Mais on avait ça en projet, qu' un jour on monterait un groupe. Lui à la guitare et au chant, et moi guitare solo.




Aurélia partait mi-mai en Italie, à l'occasion de son voyage de rhétos. Ca me foutait les boules. J'étais tellement traumatisé par mes expériences précédentes avec Isabelle que je ne voulais pas qu'elle parte, tellement j'avais peur qu'elle rencontre quelqu'un d'autre. Je sentais que quelque chose n'allait pas tourner rond pendant ce voyage. J'écrivis un poème pendant qu'elle y était, lui demandant de ne pas m'oublier. Ce fut la première fois que j'écrivais depuis Isabelle. La première fois depuis novembre passé. Je n'en étais pas peu fier, car je pensais que je recommençais à retrouver mes moyens. Mais bon, ce fut toujours la même chose. Ce n'était qu'illusoire, car je n'y arrivai plus par la suite. Lorsqu'on se revit, la semaine d'après, Aurélia m'avoua en pleurs qu'elle avait eu une aventure de cinq minutes avec un garçon de son école. Je lui pardonnai, car apparemment elle m'aimait toujours, elle s'était sentie seule, avait eu besoin de réconfort et était désolée. Mais la confiance que j'avais réussi à mettre en elle, après deux mois de couple a commencé à vaciller1. Je ne lui ai plus fait confiance depuis ce jour-là. Chaque fois qu'elle allait quelque part ou sortait avec ses copines, je me sentais mal. J'avais peur. Qui dit qu'elle ne le referait pas une deuxième fois ? Après qu'elle m'eut avoué cela, je pris peur : et si elle allait me quitter à cause de cette histoire ? Mais il n'en fut rien.




Le mardi 26 mai, je découvris autre chose. Cette autre chose s'appelle automutilation. J'avais trop mal. Mes angoisses empiraient. J'avais cette boule énorme dans le ventre qui me comprimait tout mon être. J'avais du mal à respirer et à tenir en place. Les crises comme cela devenaient de plus en plus fréquentes. Le pire, lorsque ça commence, qu'on n'arrive pas à savoir pourquoi ça arrive, ça empire de plus en plus. Je finissais généralement prostré en position fœtale , ne faisant plus rien. Je ne savais pas quoi faire. Je décidais de faire disparaître ma douleur mentale par la douleur physique. Je pris quelques médicaments, et mis mon cutter en main. Je commençais à l'enfoncer dans ma peau et je fis plusieurs lignes. Je repassais sans cesse le cutter dans mes plaies, ouvrant ma peau de plus en plus, car je trouvais que ce n'étaient que des éraflures. J'arrêtai lorsque mes coupures eurent une largeur de cinq millimètres. Je ne l'avouais qu' au soir à ma mère et on alla me recoudre. Huit points de suture et trois affreuses cicatrices. Je n'avais pas touché les veines, ce n'était pas mon but. Je ne voulais pas mourir. Je voulais vivre, me débarrasser de ma douleur, et pouvoir vivre comme quelqu'un de normal. Après que je fus recousu, on alla chercher mes sœurs qu'on avait laissées chez les parents d'Alain. Celui-ci sortit de sa tanière et vint me parler. Je lui ai juste dit que je n'étais pas d'accord avec ce qu'il m'avait fait, mais pour le reste je me taisais, car je laissais couver ma vengeance. Je voulais attendre le bon moment, le moment où il s'y attendrait le moins pour pouvoir me venger2.


Salut, moi c'est Greg [édité chez Atramenta]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant