Tout ce que tu feras (tu le f...

By PatriceLandry

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Lorsque Quentin apprend que sa femme le quitte après 6 ans de passion, il décide froidement de l'assassiner m... More

Avis aux lecteurs
En guise d'hors d'oeuvre
Chapitre 1 - Les aveux
Chapitre 2 - Le témoin
Chapitre 3 - Ballade en banlieue
Chapitre 4 - Dans les nouvelles
Chapitre 5 : La nuit ne porte pas conseil
Chapitre 6 - Ô nuit d'enfer, démone de nuit
Chapitre 7 - L'évasion
Chapitre 8 - Une prison en soi
Chapitre 9 - L'initiation
Chapitre 10 - Une nouvelle vie
Chapitre 11 - À la recherche de la vérité
Chapitre 12 - Première mission
Chapitre 13 - Derrière les portes closes
Chapitre 14 - Allers et retours
Chapitre 15 - L'ombre et la clé
Chapitre 16 - Le dernier repos d'Élaine
Épilogue

Chapitre 17 - Mariette au pays des merveilles

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By PatriceLandry

Il sentit le parfum d’une femme avant même d’en prendre conscience. Cela le berça doucement jusqu’à ce qu’il se retrouve dans la réalité. Il ne rêvait pas. C’était plutôt une image fixe de sa mère qui le regardait dans une aura de lumière. Puis, ce visage se métamorphosa en celui d’Élaine et il eut envie de pleurer. Quelqu’un le berçait pour vrai. Il ouvrit les yeux. L’image d’Élaine fut remplacée par celle de Mariette qui pleurait elle aussi.

 Il ne pouvait pas bouger. Son corps ne répondait plus à ses commandements. Il se trouvait dans une baignoire, chez lui. L’eau chaude était rosée avec des îlots de mousse savonneuse. Mariette lui tenait la tête et épongeait son corps. Il voulut parler mais aucun mot ne pouvait sortir de sa bouche.

Il ressentait des douleurs partout dans son corps, en dedans, comme en dehors, comme s’il venait d’un long voyage dans un univers différent où la douleur lui avait été étrangère. Et pourtant, il lui revint les moments de ses visions et celui, plus récent, de la nuit d’avant, où il avait été attaqué par Élaine et par cet étrange dédoublement de lui-même.

« Ne parle pas, Quentin. Je m’occupe de tout, dit Mariette dont les yeux brillaient. »

Elle savonnait le corps et prenait son temps. Il y avait mille questions qui se bousculaient dans l’esprit de Quentin et qui demandaient des réponses. Il se sentit frustré de ne pouvoir ni bouger ni parler pendant qu’elle avait vraisemblablement une maîtrise totale sur lui. Elle parlait d’une voix douceureuse, calmante, comme une mère le ferait.

Quelque part plus bas résonnait la sonnerie de son cellulaire. Ses amis du manoir devaient s’inquiéter. Ils savaient où il demeurait et ne tarderait pas à venir se mettre le nez dans ses affaires et constater que toute cette folie venait de prendre fin. De moins le croyait-il, selon ce qu’il avait vu.

Il repassa dans sa tête les minutes de cette agression et en vint à la conclusion que le Quentin rempli de cette vengeance mortelle imprégnée de la mission que lui avait injecté la Mort avait tout simplement voulu tuer l’ancien Quentin, cette boule d’émotions qui menaçait de faire échouer ce pourquoi il avait été désigné. Probablement que la Mort, en constatant ce déséquilibre, avait décidé de tuer cet être vil avant qu’il ne s’automutile et meurt en même temps que Quentin. Ce qui pouvait vouloir dire qu’il était libre, à moins que ne s’acharnent Matheus et sa clique. Il préférait de loin s’en détacher et les oublier une fois pour toute.

Il toussa, sentant que sa voix revenait peu à peu. L’eau tiédissait et il eut un frisson, signe que ses membres reprenaient vie.

« Tu te sens mieux, maintenant? demanda sa belle-sœur. »

Il bougea un peu la tête de haut en bas et elle lui fit un large sourire.

« En tout cas, je ne sais pas ce qui s’est passé ici mais c’est une chance que je sois arrivé avant que tu te blesses davantage. J’ai nettoyé un peu pendant que tu dormais. Ne t’inquiète pas, j’ai mis une couverture sur le lit pour ne pas tacher ta douillette blanche. Tu as dormi au moins trois heures. Après, tu t’es levé… »

Il fronça les sourcils. Il ne se rappela pas s’être réveillé et encore moins s’être levé.

« Tu as marché vers la fenêtre et tu as parlé tout seul. Je n’ai pas trop compris mais tu as parlé de clé et de Margolain, je pense. Tu es resté figé devant la fenêtre à fixer le vide. Je pense que tu ne savais même pas que j’étais là, même si je te parlais. Je t’ai ensuite amené ici, dans le bain parce que, pour te le dire franchement, tu ne sentais pas très bon quand je suis arrivé. »

« J’ai froid, dit-il enfin pour la faire taire un peu. »

Il avait un léger mal de tête mais ce n’était rien en comparaison des frissons qui le parcouraient. Il se leva, un peu gêné d’être nu devant cette femme qu’il ne connaissait presque pas.

« Arrête de faire le timide, Quentin. J’ai déjà vu des hommes nus avant toi. On n’est plus à la petite école. »

Elle l’épongea mais il prit la serviette de ses mains lorsqu’elle se rapprocha de ses parties intimes. Il fit un sourire niais et l’invita à lui passer la robe de chambre accrochée derrière la porte. Il s’y blottit en soupirant.

« Toi, tu es dû pour un bon cognac! Et moi aussi, avec la nuit blanche que je viens de passer. »

Il émit un grognement pour s’éclaircir la gorge.

« Et ton mari, où est-il? »

« Lui? Entre Paris et Tokyo, quelque part en train de baiser une pute de luxe, est-ce je le sais? Ça fait déjà cinq ans qu’il ne me regarde même plus. Je fais partie des meubles de la maison. Je me sens comme un raisin sec abandonné sur une tablette du haut du garde-manger. Pas très jojo, pour une femme de mon âge. »

Quentin soupira. Ils descendirent les marches et il découvrit le tas d’éclats de verre tassé dans un coin, une vadrouille mouillé appuyée sur le mur, une chaudière remplie d’une eau grisâtre. Un coup d’œil sur la causeuse où quelques heures plus tôt il avait revu sa défunte femme. Pas de trace non plus de cette autre présence sombre qui l’avait littéralement avalée. Il s’approcha de l’armoire où il gardait les bouteilles de boisson et sortit un cognac et deux verres. Il versa un peu de l’alcool dans chacun et le tendit à sa belle-sœur. Il avala le sien sans prendre le temps de frapper le verre contre le sien alors qu’elle attendait qu’il le fasse. Elle fit une moue de déception et avale le sien en penchant la tête par en arrière. Un souvenir macabre lui traversa l’esprit.

« Pourquoi es-tu venue jusqu’ici? Pourquoi ne me laisses-tu pas tranquille? »

« Je te dérange? Je fais ton ménage, je te soigne et tu me demandes pourquoi? »

« Écoute, j’ai bien entendu tes paroles à l’enterrement d’Élaine mais je pense que c’est un peu précipité pour… »

« J’étais venu pour m’excuser. »

« T’excuser, à la fin de la soirée? Ça aurait pu attendre à demain, non? »

« Je ne pensais pas te retrouver ici. J’ai pris une chance et j’avais le goût de changer d’air, d’aller voir ailleurs si l’épaisseur des nuages était aussi déprimante que chez nous. Maudit que je hais le mois de novembre! »

« Tu devrais écrire. »

« Quoi? »

« Rien, oublie-ça! Je dis n’importe quoi. Viens t’asseoir et je vais t’écouter sagement. Tu me disais que tu savais beaucoup de choses que personne ne savait. J’aimerais bien entendre ça. »

Le téléphone cellulaire vibra sur la tablette de l’entrée. Quentin regarda dans cette direction puis hésita.

« Répond, c’est peut-être important, lança Mariette qui venait de s’asseoir sur le coussin du sofa. »

Il prit l’appareil et lu « Inconnu ». Il hésita avant de répondre mais il fit quand même.

Au début, il n’entendit que de l’interférence mais bientôt, il distingua une voix. Il la reconnue : c’était le Margolain.

« Ils m’ont attrapés. Ils vont me tuer. Ils te chercheront aussi. Cache-toi. »

« Comment as-tu eu mon numéro? D’où appelles-tu? Allô? »

La communication se termina là. Cet appel lui laissant un goût amer. Il ne savait que penser de cet être bizarre qui venait maintenant le hanter jusqu’à chez lui.

« Qui c’était? »

« Un ami… » dit-il, frustré d’avoir cette femme dans la maison qui voulait mettre son nez dans ses affaires. Il chercha un moyen de se débarrasser d’elle. « Et tes enfants? Tu les a abandonnés aussi? »

« Un ami qui n’a pas ton numéro, c’est un peu bizarre … » dit-elle, songeuse.

« Écoute-moi bien, Mariette. Je ne jouerai pas à cache-cache avec toi ni ne t’emmènerai dans mon lit pour te sauter, quoi que tu en penses. J’ai des tas de choses à régler et même si cette histoire d’assassinat s’est réglée d’elle-même, je ne me sens pas bien dans mes culottes. Alors, s’il te plaît, viens-en aux faits, qu’on en finisse. Après, je vais te demander de retourner dans ta grande maison vide en banlieue. »

« Relaxe, Quentin. Je ne veux pas que tu me baises. J’ai juste envie de te dire les choses que je sais. Après, tu feras ce que tu voudras. Mais, prend le temps de m’écouter. Fais au moins ça, après, je partirai. »

Elle tapota le coussin à côté d’elle mais il préféra s’asseoir sur le pouf, à une distance raisonnable. Elle pouffa de rire et hocha la tête. Elle tira sa sacoche vers elle et en tira une clé qu’elle déposa devant lui sur la table basse.

« Est-ce que tu sais ce que c’est? demanda-t-elle affichant un air d’intrigante. »

« C’est une clé… répondit-il en essayant de cacher son malaise. »

« Mais encore? Est-ce que tu sais à quoi servent ces clés? »

Il haussa les épaules mais garda les yeux sur la clé qu’elle venait de déposer sur la table. Elle avait la même forme que celle que lui avait remise Alphonse après le drame chez Desjardins.

« Où est celle que tu as obtenue? »

Il la regarda attentivement, cherchant à savoir si elle bluffait, ce qui aurait été surprenant. Il ne pouvait plus faire semblant d’ignorer qu’elle pouvait être au courant de certaines choses. Plus rien ne le surprenait depuis une dizaine de jours. Tout allait de travers. Ses croyances avaient été balayées du revers de la main. Il avait croisé la Mort et ses disciples. Il venait tout juste de s’en sortir et voilà que revenait le mystère, encore plus étrange puisque les mots prononcés par sa belle-sœur avaient une consonance quasi familière.

« Je peux aller la chercher? demanda-t-elle en se levant, sans attendre sa réponse. »

Il demeura figé sur place alors qu’elle détachait la clé du trousseau avec délicatesse. Il la vit l’embrasser comme une religieuse embrasserait son chapelet orné d’un crucifix. Elle vint se rasseoir et déposa la clé à côté de l’autre, la sienne.

« Je sais ce que tu as fait à ma sœur, lança-t-elle en reprenant son sérieux. »

Il regarda ailleurs, trop surpris pour réagir. Il chercha un moyen de fuir mais il savait qu’il n’aurait pas d’issue que de l’écouter parler. Il regarda les clés et fut alors rempli d’une forte envie de pleurer. Il hoqueta et se prit la tête entre les mains.

« Tu n’as pas à t’excuser ni à te sentir coupable. Je n’irais pas jusqu’à dire qu’elle le méritait mais sans le savoir tu as obéi à la loi de l’univers. Sauf que tu es passé de l’autre côté du miroir en y adhérant. »

« Donc, ce n’était pas moi? »

« Mais bien sûr. Tu as tenu la lame du couteau sur sa gorge, pauvre Quentin. C’est toi qui t’es jeté sur elle et l’as froidement assassinée. Mais, tu répondais à l’appel de la Mort car Élaine devait mourir ce soir-là. »

« Je ne comprends pas. Je n’étais pas en mission, ce soir-là. »

« C’est toi qui le dit. Mais tu y étais déjà. Est-ce que tu n’as pas ressenti un vide autour de toi quelques jours avant que tu passes à l’attaque? Comme une certitude que c’était la seule chose à faire? »

« C’est impossible. Je voulais qu’on m’attrape, qu’on me juge et qu’on me jette en prison. Je n’étais pas en mission. J’étais moi-même. J’étais fou de rage. »

Il soufflait fort, cherchant à comprendre ce qu’elle était en train de lui expliquer.

« Personne n’est complètement en contrôle de tout. Élaine devait mourir. Elle devait être en voiture avec cet homme, son nouvel amant, ce soir-là. Mais à la dernière minute, elle s’est engueulée avec lui et a décidé d’aller à son cours de yoga, c’est aussi simple que ça. Si elle avait été avec André Savaria, il l’aurait amené quelque part dans un sous-bois pour la violer et la tuer. Cet homme était un psychopathe. Mais, Élaine, en refusant de le voir – peut-être qu’elle avait deviné que ça ne tournait pas rond dans la tête de cet homme – allait encore une fois faire bifurquer le destin qui l’attendait. »

« Mais je ne comprends toujours pas. Je me suis préparé pour la tuer bien avant qu’ils se donnent rendez-vous. »

« Oui, et si elle avait été avec lui ce soir-là, tu n’aurais pas eu à jouer le jeu car elle aurait été assassinée par une autre personne. Tu serais probablement rentré chez toi et tu aurais retrouvé tes esprits. Tout était planifié. »

Quentin ne sentit pas rassuré. Il se sentait comme une marionnette et, qui plus est, tout son entourage avait des allures de pièce de théâtre où tout le monde avait un rôle à jouer, incluant lui-même, mais en toute incrédulité.

« Et toi, dans tout ça? C’est quoi ton rôle? demanda-t-il. »

Elle pointa les clés sur la table. Tu as rencontré la partie négative de la Mort. Je fais partie de la partie positive… »

Il eut envie de rire. La mort, pour lui, n’avait qu’une seule et unique mission, celle de s’assurer que les corps et les âmes retournent à l’univers, comme l’avait expliqué Matheus la semaine d’avant. Il se rappela qu’il avait mentionné ce côté sombre de la Mort où ils devaient s’occuper des meurtres et des morts violentes. Mais, pourquoi ce côté positif venait se mêler de celui des ombres? Il le lui demanda.

Elle sourit : « Disons que c’est plus compliqué qu’il ne parait. Il y a toujours un point de bascule entre la mort paisible et la mort violente. Quelques fois, on est un peu en conflit et ça provoque des petites tensions entre les personnes chargées de gérer le passage vers la mort. Ceux qui se sont occupés de toi, qui t’ont préparé à faire ce travail, ont oublié une chose, c’est que nous étions déjà à l’œuvre pour que tout se passe de façon moins violente. Nous ne jouons pas du côté noir de l’équation. »

« Nous? Mais, qui êtes-vous au juste? »

« Nous sommes des personnes qui sont chargées de faire passer les êtres vivants vers un autre état. On te l’a déjà expliqué. Ce Matheus Ptome est un bon professeur. Un peu trop ambitieux, à mon avis, mais il a de bonnes qualités. »

« Tu connais Matheus? »

« Nous ne nous connaissons pas tous mais en se préparant à te donner cette mission, nous sommes arrivés devant un mur : tu étais déjà enrôlé par sa clique. Disons que la Mort s’est un peu jouée de nous. Je crois qu’Elle voulait voir jusqu’où ta grandeur d’âme d’être humain pouvait aller, si tu réussirais à te battre et revenir de notre côté ou si, au contraire, tu basculerais dans l’obscur monde qu’on appelle aussi l’Enfer, dans notre langage humain. »

« Et toi, tu es un de ces anges? »

Elle ria : « Appelle-ça comme tu veux. Moi, je me charge de m’assurer qu’on fasse en sorte que la mort soit un doux passage, selon ce qui est prévu. »

« Et tu savais ce qui allait se passer hier soir, non? »

« En partie. Quand je t’ai vu à l’église et au cimetière, j’ai vu que tu te battais avec force pour émerger de ce cauchemar. C’est cet épisode avec Desjardins qui a brisé la carapace qui était en train de se forger en toi. Alors, je t’ai suivi et j’ai attendu. »

« Alors, tu as vu? Tu as vu Élaine et la Mort? »

« Je t’ai vu arriver au salon et je t’ai observé en train de t’approcher de la causeuse. Ce que tu voyais, je n’y ai pas eu accès, mais je savais que tu aurais à vivre cette épreuve. Ce que je sais, c’est que je ne voulais pas que tu bascules. Alors, je suis entrée et j’ai brisé le miroir, tourné la lampe vers le mur et j’ai attendu que tu fasses ce qui devait être fait : te tourner vers les morceaux de verre et voir que tu étais en train de ne plus exister, qui tu allais être absorbé par les forces négatives. Et que tu choisisses vraiment une fois pour toute. »

« La Mort était là, je l’ai vue. Elle a emporté Élaine. »

« Élaine était déjà morte. Tout ça venait de ton imagination. Quand tu as pris la décision intérieure de passer du côté de la lumière, elle n’a fait qu’effacer les images qui te hantaient. »

« Alors, je suis quoi, maintenant? De votre côté? Ça ne me tente pas vraiment, je dois t’avouer. Même si je l’ai vécu, je n’y crois pas tellement. On aurait dit que j’étais drogué. Dis-moi que la Mort n’existe pas comme ça… »

« Tu es redevenu humain, tout simplement. Tu n’as pas à croire quoi que ce soit, Quentin. Quand le jour viendra, tu sauras peut-être comprendre la réalité. Moi, je demeure ce que je suis et je ne veux pas que personne le sache. C’est déjà assez compliqué comme ça. »

« Le bénévolat dans les hôpitaux, c’est un peu pour ça. »

Elle lui prit la main avec douceur. Elle le regarda avec tendresse. Il sentait qu’elle voudrait bien l’aimer mais ne le pouvait pas vraiment pour mille et une raisons qui resteraient à jamais tues au fond d’elle, bien qu’il en connaissait maintenant plus sur elle que n’importe qui dans la famille Chicoine.

Il se leva et s’étira. Il l’invita à déjeuner mais elle refusa poliment. Elle ramassa les clés sur la table et les cacha dans une poche de son pantalon.

« Je vais y aller. J’ai une autre grosse journée devant moi. Je te laisse faire un peu de ménage. Et puis, tu as d’autres petites choses à régler, je pense. »

« Une dernière question, s’il te plaît, intervint-il avant qu’elle ne sorte. Pourquoi les clés? »

« C’est notre passe-partout, en quelque sorte. Lorsqu’on est en mission, il arrive parfois qu’il y a des interférences dans le bon fonctionnement de notre mission. Il nous suffit de présenter la clé aux personnes qui pourraient nous empêcher de faire ce qu’on a à faire. »

« Quelles personnes? »

« Des gens comme Matheus et ses amis dont tu étais. »

« Alors, c’est pour ça que je me suis senti si paniqué en voyant Desjardins la chercher dans ses affaires. Il était de votre côté, c’est ça? »

« Pas du tout. C’était la clé de la petite Karine, la fille de Kev. Il le lui avait enlevée car elle la portait au cou et il pensait que c’était la clé de la maison de ses parents. Alors, il l’a déposée sur l’établi mais elle est tombée entre deux planches. »

« Pourquoi la cherchait-il avec autant de désespoir alors? S’il savait que la petite était pour sauter avec son père quand la bombe aurait explosé, qu’avait-il besoin d’une clé? »

Mariette haussa les épaules : « Peut-être que Karine lui a parlé et que dans sa folie, Desjardins y a cru. Peut-être qu’elle lui a dit que la clé devait être remise à quelqu’un, probablement toi, et qu’il aurait alors la vie sauve. On ne le saura jamais, à moins de parler à Karine mais je doute que ce soit une bonne chose. Je vais m’arranger pour qu’elle le lui soit retournée et elle continuera à grandir avec la conviction que cette clé lui a sauvée la vie. »

Elle s’approcha de lui et ses lèvres rencontrèrent celles de Quentin qui ne la repoussa pas. Au contraire, il s’abandonna à elle, comme si ce contact était un baume sur ses plaies. Il ferma les yeux et ressentit enfin un peu de paix intérieurement. Il la serra contre lui et soupira longuement.

« Ce sera la dernière fois qu’on se verra, Quentin. Quand je t’ai dit que je t’aimais, c’était vrai. Mais, toi et moi, on sait très bien que ce serait impossible. Après ce que tu as vécu, tu ne voudras pas d’une autre complication dans ta vie. Peut-être qu’on se reverra dans un jour très lointain et tu sauras vraiment pourquoi je serai là. Tu pourras alors m’aimer et ne pas avoir peur, ni de moi, ni de la mort… »

Elle se dégagea de son étreinte et déposa un dernier baiser sur ses joues.

« Prend bien soin de toi, Quentin Bazinet. »

Elle s’éloigna et sortit alors qu’il restait sur le seuil de la porte, la tête remplies de questions restées encore sans réponses. Il jugea pourtant qu’elles devraient rester ainsi, car trop en savoir allait le rendre fou. Il décida de tout oublier et de recommencer à zéro. D’abord, en se consacrant à réparer ses actes qui, malgré qu’ils furent guidés par une force extérieure, n’en restaient pas moins que sa réalité et qu’il devait faire amende honorable, ne serait-ce qu’à la mémoire d’Élaine.

« Ainsi, je ne suis pas un tueur, se dit-il en se regardant dans le miroir de la salle de toilette. Tu n’as pas bonne mine, mon cher. »

Il se fit une grimace et décida de se faire une toilette, se raser et peigner ses cheveux afin d’avoir l’air un peu humain. Il avait quelques coupures au visage et les masqua avec un peu de fond de teint trouvé dans la trousse de maquillage de sa défunte femme.

Il déjeuna et écouta les dernières nouvelles d’une oreille distraite lorsqu’il entendit :

« En terminant, un violent incendie a ravagé une résidence cossu près du parc d’Oka, cette nuit. Le manoir appartenant à un riche retraité a été rasé par les flammes. Les dommages s’élèveraient à plusieurs millions de dollars, selon nos sources. Aucune personne n’a été blessé. Une enquête est en cours pour déterminer la cause de l’incendie. Toutefois, tout porte à croire qu’Il s’agirait d’un acte criminel. »

Il ferma le poste et demeura songeur. Était-ce bien la résidence de Matheus dont on venait de parler? Il avait l’intention de se rendre là-bas et avoir une discussion avec le principal intéressé mais il doutait bien de pouvoir maintenant s’en approcher. Il ne voulait pas se retrouver à nouveau suspect dans une affaire qui ne le concernait plus. Sa seule inquiétude consistait à savoir où se trouvait maintenant les trois comparses. Avaient-ils préparé leur coup afin de disparaitre dans la nature ou bien avaient-ils été victimes d’une petite vengeance de la part du Margolain?

Cette seule pensée le ramena en arrière et il revit la première conversation qu’il avait eue avec l’être torturé. Ensuite, il repassa dans sa tête l’appel qu’il avait reçu quelques heures plus tôt, qui n’était pas sans soulever des questionnements. Il prétendait avoir été fait prisonnier et qu’on le torturait, qu’on le tuerait. Une chose certaine, c’est qu’il ne se trouvait pas dans le manoir. Peut-être qu’il mentait. Si cet homme avait mis le feu au manoir de Matheus, il ne pouvait demeurer dans la forêt environnante car les enquêteurs ne manqueraient pas de fouiller les bois et découvrirait sa cachette. Il manquait des morceaux dans toute cette histoire et il ne fut pas certain de vouloir en savoir davantage. Peut-être qu’il était complice des trois autres et qu’ils cherchaient à le piéger. Quelque chose lui disait qu’il était l’abri dans sa maison, qu’un force extérieure le protégeait. Pourtant, depuis le départ de Mariette, le vide de sa demeure ne faisait que s’amplifier. Il voulait sortir et profiter de la lumière et de sa liberté nouvellement retrouvée.

Mais les questions revinrent assez rapidement et il en était à ces réflexions lorsqu’il entendit en bruit derrière lui. Il se retourna vivement et vit Matheus que se tenait là, le corps brûlé de la tête aux pieds.

« Bonjour Quentin. Adieu Quentin! » dit-il en riant, les bras écartés, près à fondre sur lui.

Puis, tout devint noir.

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