Je suis très satisfaite du résultat que je vois, car mes cheveux qui descendaient habituellement en dessous de mes omoplates ont été coupé en carré plongeant, et la couleur châtain clair a été remplacé par une plus foncée. J'ai toujours ma mèche sur le front et j'en suis contente car j'ai un grand front, et sans mèche, ça aurait été une horreur. Je sens les yeux de Monsieur Rococo me fixer, et je me décide à le rassurer.
- J'adore, merci beaucoup. En revanche pour le paiement, je ne sais pas comment ça fonctionne... Mais je peux demander à Madame Soleno si vous m'accorder un instant.
- Non non non, c'est le forfait Miss Léna, le forfait ! Tous les mois, vous pouvez choisir de vous faire coiffer ou non. Vous verrez, quand je partirais, vous ne pourrez plus appuyer sur la tablette pour demander un coiffeur.
- Mais alors c'est gratuit ? J'ai l'impression qu'il n'y a rien de payant au Royaume je me trompe ?
- Non vous ne vous trompez pas. Nous n'aimons pas le fait de monétiser tout ce que nous faisons, c'est pour ça que nous procédons par échange comme pour vous et les villageois... Vous nous assurez protection et entraide, et en échange, vous avez des vivres. Mais ce n'est pas le cas de tous les royaumes, certains aux alentours ont leur propre monnaie.
- En tout cas merci, ma nouvelle coiffure me plaît énormément.
- Tout le plaisir est pour moi Miss Léna. A très bientôt je l'espère.
Sans un bruit, il disparaît, me laissant seule au milieu de ma chambre. Je me dirige vers mon lit, m'installe, et sors la liste de nom de sa cachette. La prochaine personne à rencontrer est Cina du village Caelien. Comme il n'y a personne à l'institut mis à part la directrice, je vais en profiter pour aller rendre visite à cette fameuse personne et voir ce qu'elle a à m'apprendre. En traversant le hall, tout est calme, trop calme, et tout ce silence donne une horrible impression de vide.
Lorsque je sors, je ne peux m'empêcher de regarder la forêt et le ciel, et tout en laissant vagabonder mes pensées dans mon esprit, je prends la direction du village Caelien. Je me rappelle qu'on m'a dit qu'il se trouve au nord du Royaume, et qu'en longeant la plage, nous pouvons arriver plus rapidement. Si je me souviens bien, Rosa m'avais parlé d'une heure ou deux, un soir où nous discutions.
Je traverse l'extérieur de l'institut en direction du portail de la plage, descends le grand escalier de pierre, et commence à marcher le long de la mer. Beaucoup d'enfants sont présent, allongés sur leurs serviettes ou encore dans l'eau. Ils rient tous aux éclats, ce qui, je dois bien avouer, fait chaud au cœur. Plusieurs parents me font des signes pour me saluer, et certains enfants s'amusent à me jeter de l'eau dessus.
J'arrive au niveau d'un port composé de plusieurs barques, et me dirige vers la seule personne présente pour lui demander de m'indiquer la maison de Cina.
- Bien sûr Léna, c'est celle qui a le toit rouge face à la mer. Vous ne pouvez pas la manquer.
Je poursuis ma route jusqu'à l'endroit indiqué, et en arrivant devant la porte d'entrée, je ne peux m'empêcher de ressentir un peu d'appréhension. Je prends ma respiration, et me décide enfin à frapper trois coups sur la planche de bois. La porte s'entrouvre et me laisse entrevoir un demi-visage qui semble être masculin.
- Excusez-moi Monsieur, je cherche Cina et on m'a indiqué votre maison, sauriez-vous où je peux le trouver ?
Cette fois-ci la porte s'ouvre en grand, me laissant clairement voir un homme plus grand que moi et semblant à peine plus vieux, avec des yeux noirs perçants et des dreadlocks de la même couleur. Il m'intimide assez, sûrement dû au fait qu'il ne montre aucun signe de bienveillance sur son visage et je ne peux m'empêcher de reculer d'un pas lorsque celui-ci en fait un vers moi.
- C'est moi Cina.
- Enchanté, je suis...
- Léna, oui je sais j'étais présent lors de ton bal. Pourquoi me cherches-tu ?
- Voilà, Dame Lina m'a demandé de retrouver certaines personnes car elles auraient des choses à me dire, et tu es l'une d'entre elles.
Je le vois écarquiller ses yeux comme s'il venait de voir un fantôme.
- Oh mon dieu alors tu es... Entres !
Je passe vite le pas de la porte et me retrouve dans un petit salon-cuisine avec une table et quatre chaises en bois. Il m'indique l'une d'entre elles et s'assied sur celle d'en face. Nous restons là à nous regarder dans le blanc des yeux, jusqu'au moment où il se racle la gorge.
- Tu es la fille de Carla c'est bien ça ?
- Oui mais ...
- Alors elle avait raison. Tu n'es peut-être pas au courant, mais je suis le petit-fils de Lina et le fils d'une très bonne amie de ta mère.
Je ne sais pas quoi lui répondre, ni même ce qui m'étonne le plus. Qu'il soit le petit-fils de Dame Lina ou qu'il connaisse ma mère ?
- Nous avons approximativement deux ans d'écart tous les deux car ta mère était enceinte lorsque j'avais deux ans. Comme elle était interdite de missions à cause ça, elle venait très souvent nous rendre visite. Je me rappelle même avoir touché son ventre pour sentir les coups de pieds que tu lui donnais. Nos mères se connaissaient depuis la naissance, et sont toujours restées très proche même après l'entrée à l'institut de Carla. Maman fût la première personne au courant que ta mère voulait partir, et elle a essayé de l'en dissuader, mais elle avait un sacré caractère à l'époque. A deux ans je ne comprenais pas ce qu'il se passait, et ma mère a attendu que je grandisse pour m'expliquer la raison de son départ. Elle prie tous les soirs depuis le départ de ta mère en souhaitant que tout aille bien pour elle. Puis quelques années ont passé, et je devais avoir 18 ans lorsque ma grand-mère est venue me voir ici. Elle avait l'air perturbé par une de ses prémonitions qui te concernait. Elle savait que tu viendrais me voir, et elle m'a dit qu'à partir de ce jour-là, je devrais t'aider.
C'est du Dame Lina tout craché.
Nous nous regardons, et sans raisons apparentes, un sourire se dessine sur mes lèvres.
CLAC
La porte s'ouvre en grinçant un peu, et la silhouette d'une femme apparaît dans l'embrasure.