Le réveil est douloureux et les souvenirs de cette nuit, flous. Comme prévu, une petite migraine est venue pointer le bout de son nez pendant la soirée, m'arrachant une grimace lorsque la voix aiguë de Madigan résonne dans mes oreilles et mon crâne.
En ouvrant les yeux, je découvre le sourire narquois de la jeune femme, dont les longs cheveux roux tombent en cascade sur ses épaules. L'un de ses sourcils est haussé et ses poings sont posés sur ses hanches, presque comme si je devais m'attendre à une remontrance.
Je jette un œil de l'autre côté de la pièce, par-dessus l'épaule de la jeune femme, observant Benny qui semble tout aussi peu réveillé que moi. Sentant une main sur mon épaule, je remue pour la faire tomber tout en laissant ma tête retrouver le confort de l'oreiller quelques secondes.
Mes yeux se ferment et l'espace d'un instant, j'imagine pouvoir retrouver mes rêves et la vie que j'y mène. C'est alors que mes souvenirs de la veille affluent et je me redresse d'un seul coup, les yeux grands ouverts, devant Madigan qui s'empresse de reculer face à la surprise.
Je ne suis plus dehors, ou à l'hôpital. Je suis parmi les « Survivants » et « La Cure » commence aujourd'hui !
— Quel enthousiasme !, se moque la jeune femme, tout en s'écartant afin de me laisser me lever.
Je retiens l'envie de lever mon majeur dans sa direction et me contente de lui offrir mon plus beau sourire sarcastique, essayant de copier la posture d'Ethel qui force les gens à détourner le regard.
En réponse, j'entends Madigan rire et pousser Benny à sortir de lit à son tour. La simplicité de la chambre me saute une nouvelle fois aux yeux, tout comme lors de notre arrivée hier après-midi. Deux lits de chaque côté de la chambre, avec une table de nuit et une petite chaise chacun.
Comme lors de notre arrivée, il y a un morceau de pain, un verre d'eau et un verre de substance inconnue orangé posés sur la table de nuit et mes vêtements sur la chaise, pliés. Fronçant les sourcils, je baisse les yeux vers moi et découvre – ou plutôt redécouvre, fichue migraine — le tee-shirt marron un peu grand dans lequel j'ai dormi.
C'est Eloeiz qui me l'a donné en nous installant dans la chambre, faisant de même pour Benny. Je ne sais plus comment elle a nommé cela, quelque chose qui finissait en « jama », il me semble.
Un vêtement que je ne suis supposée porter que la nuit. Je sens une présence à mes côtés, mais ne relève pas, trop occupée à fixer ce fameux tee-shirt que je ne me souviens pas avoir enfilé.
— Felidae ? Suis-moi, je vais te montrer la salle d'eau, m'interromps Eloeiz d'une voix calme et douce, me faisant lever les yeux.
Le contraste entre les deux filles est flagrant à ce niveau. Là où Madigan peut être irritante et directe, Eloeiz est plus réservée et calme. Parfois, je me demande vraiment comment elles font pour s'entendre tant leurs caractères diffèrent.
Du moins, si j'en crois ce que j'ai vu jusqu'ici. Je les ai rencontrés il y a moins de vingt-quatre heures, c'est plus que probable que j'ignore environ 80 % de leurs personnalités. Je ne connais même pas l'âge de Madigan, par exemple.
Quittant avec regret les draps jaunis par le temps, je suis Eloeiz dans le couloir, vêtue de mon haut et les pieds nus. Il n'y a pas un bruit, si ce n'est nos pas et la lumière n'est pas encore allumée. Quelle heure est-il ? Je n'ai pas le temps de réfléchir aux gestes à faire pour poser ma question qu'Eloeiz s'arrête devant une porte portant le numéro « 10 ».
En poussant la porte, j'y découvre une douche, un lavabo et des toilettes. Me tendant mes vêtements pliés avec un clin d'œil, la jeune femme m'encourage à entrer et j'entends la porte claquer dans mon dos une fois que je suis au milieu de la pièce.
Posant mes vêtements par terre, je laisse mes yeux se promener, surprise devant la grandeur de cet espace. Cette « salle d'eau » fait la taille de notre chambre ! Elle est largement plus grande que celle que j'avais à l'hôpital, en tout cas.
Par contre, elle n'a pas l'air différente. La douche semble plus ancienne, avec une sorte de motif constitué de tous petits carreaux de pierres sur le sol et deux boutons en métal incrusté dans le mur, juste en dessous du pommeau.
Sur l'un d'eux, j'y déchiffre des stries allant de bleu à rouge. Sur l'autre, il n'y a que le dessus du pommeau avec plus ou moins de traits noirs qui en sortent. Je n'ai aucune idée de ce que ces symboles veulent dire.
Une partie de moi veut retourner dans le couloir, espérant y trouver Eloeiz ou Madigan afin de demander des explications, tandis que l'autre partie a envie de tester par elle-même, surtout que les deux jeunes femmes ne semblent pas parler la langue des signes.
Je scanne le reste de la pièce à la recherche d'une « serviette ». Si je me souviens bien, j'en aurai besoin pour me sécher une fois que je sortirai de la douche.
Je finis par la trouver pliée sur le sol, juste à côté de la douche. Elle est violette, douce et tout aussi tâchée que peuvent l'être les vêtements ou même les murs. Elle semble avoir vécu. Pourtant, il s'en dégage une odeur de propres, de fraîcheur.
J'enfonce mon visage dedans, respirant cette odeur qui fait surgir un sourire sur mes lèvres. C'est si agréable ! Prenant mon courage à deux mains, je vais poser la serviette non loin de mes vêtements, avant de retirer mon haut et le lâcher sur la serviette.
Un frisson me parcourt et je remercie le créateur de la pièce de ne pas avoir mis de miroir. Je ne suis pas sûre de vouloir voir mon reflet à cet instant. Je peux déjà observer la pâleur de ma peau, le dessin de mes côtes sur la partie haute de mon corps et le tracé de mes hanches autour de mon bassin.
Je passe une main dans mes cheveux et la retire aussitôt en sentant la sueur qui y est présente. Je m'avance sous le pommeau et observe les boutons, cherchant quoi faire. Lentement, je tourne le bouton du bas vers le bleu, le cœur battant.
L'eau est bleue, donc il faut aller vers le bleu, pas vrai ? Je tourne ensuite le bouton du haut vers le pommeau vers le dessin avec le plus de traits et je peux entendre mon cerveau et mes os hurler lorsque le déluge glacé s'abat sur mon corps.
Cette fois c'est sûr, je suis réveillée ! Je tourne de nouveau le bouton du haut et bondis ensuite hors de la douche, le souffle court et les cheveux goutant l'eau gelée sur le sol. Je prends le temps de me calmer, analysant ce qui vient de se produire.
Bleu égal froid, d'accord. Ma main droite vient lentement tourner le bouton du bas vers le rouge, allant jusqu'au deuxième trait rouge sur les cinq qui y sont dessinés. Puis, je rallume l'eau. Lorsque l'eau gelée me tombe au nouveau dessus, je contracte la mâchoire et patiente, soufflant avec soulagement lorsque je sens l'eau commencer à chauffer.
Au bout de plusieurs minutes, l'eau qui coule sur ma peau est d'une température supportable, bien qu'encore un peu froide. Mais je refuse de tourner de nouveau le bouton, de peur de me faire ébouillanter.
Mes yeux tombent alors sur un carré blanc posé entre le pommeau et les boutons, dans un creux du mur. Je l'attrape et le regarde tomber au sol dans un même mouvement, ouvrant la bouche sous la surprise.
Du savon ! Le mot fuse dans mon esprit et je me baisse pour le ramasser doucement, avant d'arrêter l'eau pour frotter ma peau avec le carré. Je le passe sur l'intégralité de mon corps, incluant mes mains et mon visage, avant de le reposer et rallumer l'eau pour enlever la couche de savon qui couvre désormais ma peau.
Finalement, je prends de nouveau le savon en main et frotte jusqu'à ce que j'en aie assez dans ma main pour me l'étaler sur les cheveux. Je répète l'opération pendant de longues minutes jusqu'à ce que mes cheveux soient intégralement recouverts de savon, allant même jusqu'à frotter mon crâne avec le cube.
Je le pose de nouveau dans sa cavité et rince mes cheveux, grimaçant lorsque le goût de l'eau savonnée entre dans ma bouche, puis ma gorge. Les yeux mi-clos, j'essaye de déterminer à quel moment arrêter le flux d'eau, ce que je finis par faire lorsque l'eau retrouve une couleur plus ou moins transparente.
En sortant de la douche, je m'enroule dans la serviette, étonnée par son confort et essore mes cheveux autant que possible. Je m'essuie et enfile mes vêtements, laissant mes cheveux mouillés continuer de goutter sur mes épaules avant de baisser les yeux, sourcils froncés.
Ce ne sont pas les vêtements que m'a donnés Madigan hier ! Le haut est noir, avec un débardeur et un pull léger par-dessus. Les manches sont ouvertes autour du poignet, comme s'il avait été déchiré.
Et il y a d'étranges figures orange et rondes imprimées dessus. Le bas est un simple short noir déchiré sous lequel a été ajouté un collant de la même couleur, assez épais. Je n'ai pas froid, c'est une bonne chose.
Relevant la tête après cette observation de mes nouveaux vêtements, qui sont étrangement à ma taille, d'ailleurs —il va falloir que j'ai une conversation avec Madigan à ce sujet — je me décide à quitter la salle d'eau et à ouvrir la porte et retrouver la noirceur du couloir.
Eloeiz n'est pas là. Je tourne la tête de tous les côtés, espérant la voir surgir d'une minute à l'autre, sans succès. Il va donc falloir que je retourne dans la chambre par moi-même, toujours pieds nus. Avec un soupir, je claque la porte de la salle de bain derrière moi et m'aventure dans le couloir. Je marche vers la porte de ma chambre, cherchant le numéro « 13 ».
Je ne suis pas bien loin, je m'en souviens ! Je finis par le trouver non loin de la salle d'eau et toque. Je ne sais pas si j'ai été entendue. J'écoute les bruits venant de l'intérieur, majoritairement une dispute, d'après ce que je comprends.
Benny est celui qui parle le plus fort, même si je ne parviens pas à comprendre tout ce qu'il raconte, pas derrière la porte fermée. Je lève la main pour toquer de nouveau, un peu plus fort. J'entends des voix se taire, puis des bruits de pas, jusqu'à finalement voir le visage de Madigan apparaître. Elle me sourit, m'observe de haut en bas et fait une petite moue satisfaite.
— C'est mieux. Tu ressembles moins à un scout, s'amuse la jeune femme avant de remarquer que je n'ai pas compris sa blague au vu de mon visage impassible.
Je lui souris pour lui faire plaisir, ce à quoi elle répond par un mouvement d'épaule avant de se détourner pour faire face à Benny, qui a fini par se lever. Je passe la porte après la jeune femme, retrouvant le confort de la chambre que nous occupons.
Le jeune homme est toujours vêtu de son habit de nuit et ses yeux peinent à rester ouvert. Je crois même le voir perdre l'équilibre une demi-seconde lorsque Madigan lui fourre ses vêtements de la veille dans les bras.
Ma jambe s'avance vers lui avant que je ne me fige, réalisant qu'il me serait impossible de le rattraper en cas de chute, étant donné sa corpulence. Je risquerai simplement de tomber avec lui et de me faire mal.
Pour me donner une contenance, je cherche Eloeiz du regard, sans succès. Elle n'est plus dans la chambre ni dans le couloir. Alors je retourne m'asseoir sur mon lit, mes cheveux continuant de goutter et attrape mon petit morceau de pain pour le découper à mains nues et le manger par petits bouts. Il est tendre et encore tiède.
Je me demande qui prépare ces morceaux de pain et où ils trouvent les ressources pour en faire. Je continue de mâcher mon morceau de pain lorsque Benny quitte la chambre en direction de la salle de bain. Madigan soupire et se tourne vers moi.
Je pose le reste de mon pain sur la table de nuit et attrape le verre de jus étrange, que j'avale d'une traite. On ne sait jamais, c'est peut-être une partie de « La Cure » et puis je serais fixée sur le goût. C'est étrangement amer, mais avec une pointe de sucre.
Ce n'est pas nécessairement bon, mais c'est buvable. Je repose le verre vide sous le regard amusé de Madigan et reprends le pain restant pour continuer d'en faire des petites boulettes que j'avale à intervalle régulier.
Je sens une partie de mon lit s'affaisser sous le point de l'autre adolescente et je tourne la tête vers elle, arrêtant de manger. Ses yeux fixent le sol et ses sourcils sont froncés. Ses lèvres remuent seules, trahissant les pensées intenses qui tourmentent son cerveau.
D'après ce que je parviens à comprendre, c'est une liste de noms. Probablement les patients qui attendent ses soins alors qu'elle reste avec nous. Puis ses lèvres cessent tout mouvement et ses yeux se relèvent, allant de poser sur le lit défait de Benny, face à nous.
Ma main se fraye un chemin vers l'épaule de Madigan et elle sursaute, sa tête tournant si vite pour me regarder que je crois l'entendre craquer. Elle me sourit et soupire à nouveau.
— Comment te sens-tu ? Tu n'as pas eu de nausées, de mal de tête, de vertige ou quoi que ce soit d'étrange depuis hier ? me demande-t-elle.
Je secoue la tête négativement, puis lui adresse un petit sourire. Certes, j'ai eu mal au crâne ce matin, mais c'est passé pendant que je prenais ma douche, donc je ne suis pas inquiète. La jeune femme hoche la tête passivement, ses yeux s'éloignant des miens pour retrouver le vide tout en murmurant « c'est bien, c'est bien » sans s'arrêter.
Je baisse moi-même le regard vers mon short, ne sachant pas quoi dire de plus. J'aimerais lui demander pourquoi elle se disputait avec Benny, mais elle ne comprend pas la langue des signes et puis je pense qu'elle serait capable de me laisser seule dans cette pièce si j'osais aborder la question. Alors je préfère rester silencieuse.
Je poserai la question à Benny quand il reviendra, je sais qu'il me répondra sans problème. Je relève la tête en sentant Madigan se relever et s'écarter.
Mon cœur s'emballe en la voyant s'approcher de la porte et je me force à rester assise pour ne pas paraître totalement désespérée. Mais je n'ai pas envie d'être seule. Madigan s'arrête devant la porte et je l'entends soupirer avant qu'elle ne fasse demi-tour pour me regarder droit dans les yeux.
— Benny ne reviendra pas, déclare-t-elle.
Salut tout le monde !
Comment ça va ?
Rassurez-vous, Benny va BIEN !
Mais alors... Où est-il ? 👀
J'espère que vous avez passé un super week-end, que vous avez pu lire ou/et écrire et que vous n'avez pas fait que travailler (pas comme moi) 😂📖🧡
Qu'avez-vous pensé de ce chapitre ?
Felidae commence doucement à découvrir le monde autour d'elle 🧡. Et bientôt, on commencera la Cure à fond 👀🤗🙌💌 vous êtes prêts ?
Bonne semaine à tous 🧡🙌
Bon courage 💌📖