Alors que je pose délicatement le téléphone de Sonny là où il était avant, celle-ci se retourne et j'arrive à distinguer dans la pénombre qu'elle ouvre les yeux.
« Tu dors pas ? me demande-t-elle d'une voix ensomeillée.
– Non, répliqué-je un peu trop sèchement que j'aurais voulu.
– Tu as fait un cauchemar ?
– On peut dire ça. Mais le problème c'est qu'il est réel.
– T'inquiètes pas, c'était rien. Viens là maintenant, murmure-t-elle en s'approchant de moi. Dors. »
Elle s'enroule autour de moi puis pose sa tête sur mon torse et s'endort en à peine quelques secondes.
* *
Le soleil daigne enfin se lever et quelques rayons viennent s'infiltrer à travers les rideaux pour donner un peu de lumière à la pièce. Les yeux grands ouverts, je fixe le plafond. Je n'ai pas dormi de la nuit. En même temps, c'est assez compréhensible. Ne pouvant rester une minute de plus dans ce lit, je pousse Sonny délicatement sur le côté et m'extirpe des couvertures. Sans faire de bruit, je sors de la chambre en prenant soin de refermer la porte derrière moi puis descend dans la cuisine.
« Bonjour Nathaniel.
– Bonjour Eloise.
– Tu te lève tôt aujourd'hui.
– Oui. Nuit difficile.
– Ça arrive. Je te prépare quoi ? »
Je m'assois sur une chaise du bar en face d'elle en lui demandant en café accompagné de pain au Nutella. Je la regarde faire puis la remercie quand elle me tend le déjeuner.
« Tu as fait un cauchemar ? Veut-elle savoir.
– Non. Insomnies. Mais rien de grave, rajouté-je dès qu'elle relève la tête.
– Ah. Si ça t'arrive souvent, n'hésite pas à me le dire, j'irai cherché des comprimés pour dormir.
– C'est gentils merci mais c'est inutile. »
Elle sourie puis s'affaire à préparer le déjeuner pour ceux qui dorment encore.
« Holà ! »
La voix soudaine d'Emmy me fait sursauter. Elle s'avance d'un pas rapide vers le bar et tout sourire, elle attrape une madeleine avant d'y croquer dedans.
« Tu à l'air de bonne humeur. C'est rare.
– Oui ! Mais c'est une journée qui s'annonce super bien !
– Ah. Et pourquoi ?
– Parce que... »
Sa phrase reste en suspens lorsque son téléphone se mets à sonner.
« C'est lui ! » s'écrit-elle en voyant le nom s'afficher sur l'écran.
Elle décroche et approche son téléphone à son oreille en sortant de la pièce. Une minute plus tard, Sonny apparaît à l'antre de la porte. Elle nous salue et vient s'installer sur un tabouret à côté de moi. Alors qu'elle se penche vers moi pour m'embrasser, je recule vivement.
« Qu'est-ce qu'il t'arrive ? demande-t-elle.
– Pas d'humeur », répondé-je sans grand enthousiasme.
Elle souffle un simple « oh » avant de s'emparer de son petit déjeuner que lui tend Éloïse.
Une fois terminé mon pain au Nutella, je recule mon tabouret qui crisse sous mon poids, pour me lever et sortir de la cuisine sous les yeux inquiet de Sonny. Peu importe ce qu'elle pense, je veux juste qu'on s'explique rapidement et le plus vite possible. Cette situation n'est plus possible. Lorsque je passe devant la porte de la chambre d'Emmy pour aller dans la mienne, j'entends son rire. Elle est sûrement encore au téléphone. Curieux, je fais un pas en arrière et tends l'oreille. Derrière la porte, je peux entendre sa voix toute joyeuse qui ne cesse de s'arrêter de parler.
« Nooooon ! C'est pas vrai ? ... Mais n'importe quoi ! T'es un fou. ... Je rêve ! ... Ouais bon d'accord, j'me grouille ! »
La discussion semble terminée alors je repars rapidement vers ma chambre. J'ai comme l'impression qu'elle va bien s'amuser avec son nouveau copain tandis que moi je vais devoir m'expliquer avec Sonny.
J'ai hâte d'y être... Ironie du sort.
Quand Sonny reviens dans la chambre, je suis assis sur mon lit, prêt à discuter. En me voyant, elle monte sur le lit à quatre pattes puis s'avance vers moi on se déhanchant.
« Tu m'attendais ? Demande-t-elle d'une voix mielleuse.
– Oui, répondé-je. Assis toi, dis-je en tapotant la place à côté de moi. On doit parler. »
Elle s'exécute sans dire un mot et me regarde en souriant.
« Tu veux qu'on parle de quoi ?
– Passe moi ton téléphone.
– Pourquoi faire ?
– Fais ce que je te dit pour une fois.
– Oh d'accord, souffle-t-elle en levant les yeux. T'es vraiment bizarre aujourd'hui. »
Elle attrape son téléphone et me le tend.
« Déverrouille le.
– Bon je peux savoir ce que tu me fais la ? Pourquoi tu veux que je le déverrouille ?
– Tu veux vraiment savoir ce qu'il se passe ?
– Euh... Oui ? »
Je lui arrache le téléphone des mains et quelques secondes après je me lève et le lui jette sur le lit.
« Là peut-être que tu va comprendre ! »
Elle le prends, ne comprenant pas ma réaction et quand elle voit toute la conversation avec Josh, son visage change du tac-au-tac. Elle relève les yeux en se levant et se précipite vers moi.
« Nathaniel, non. C'est pas ce que tu crois, c'est faux !
– Ah oui ? Tu crois vraiment que je vais te croire encore une fois ? »
Elle secoue la tête, les larmes au bord des yeux.
« Depuis tout ce temps tu me ments. Mais tu te rend compte à quel point ce mensonge est cruel ? Tu t'attendais à quoi ? Que j'apprenne jamais la vérité et qu'on vive le parfait amour comme un couple puis comme une famille ? Bah non Sonny ! Et là tu vois j'en ai marre. Marre de tous ces mensonges que tu invente tout le temps sous prétexte que tu m'aimes.
– Mais...
– C'est fini !
– Oui d'accord ! Promis je ments plus jamais ! Je dirai toujours la vérité quelle quelle soit !
– Non Sonny. T'as pas compris. C'est fini. Terminé. Plus rien. Next. »
Les larmes perlent le long de ses joues.
« Tu peux pas me faire ça...
– Oh que si. Avec tout ce que tu m'as fait, bien sûr que je peux me permettre de TE FOUTRE DEHORS ! Alors prends tes affaires, crié-je en ramassant ses affaires qui trainent. Prends les toutes et fou le camps de chez moi ! »
Je lui jette tous ses vêtements à la figure et la pousse en dehors de ma chambre avant de lui claquer la porte au nez. Elle tape à la porte en me suppliant d'ouvrir. Je ramasse quelques affaires encore à elle et réouvre la porte pour les balancer par terre.
« Dégage maintenant ! Je veux plus jamais te revoir ! JAMAIS ! »
Et je claque encore une fois la porte ce qui fait vibrer les murs de ma chambre. Sonny ne semble pas décider à partir et tape ses poings contre la porte.
« Nathaniel ! Ouvre cette porte !
– Bon, ça suffit ! »
En plus de ça, elle croit sérieusement que je vais obéir comme un gentils toutou ?
J'ouvre pour la énième fois la porte de ma chambre. Les yeux rouges de larmes, Sonny relève la tête vers moi et s'apprête à parler. Entre temps, la porte de la chambre d'Emmy s'ouvre, laissant apparaître sa tête brune.
« Il se passe quoi ici ? On se croirait à la ferme avec tout ce vacarme. »
Le regard de Sonny change du tout au tout. De la tristesse à la colère. Elle fronce les sourcils et se retourne brusquement. Elle s'avance rapidement vers Emmy avant de lui sauter dessus en l'insultant de tous les noms. J'accours vers elles pour les séparer au plus vite et c'est pas chose facile.
Quand j'y parviens, Sonny a le regard noir tandis qu'Emmy est toute décoiffé et sa robe noire est maintenant déchirée sur le côté gauche.
« Comment as tu osé faire ça ? Cri Emmy quand elle se rend compte de l'état de sa robe. C'est mon père qui me l'a offert et toi tu viens là et tu me la déchire !? hurle-t-elle en se dirigeant vers Sonny.
– Bon aller, c'est fini ! Emmy tu vas te calmer...
– Comment tu veux que je me calme Nathaniel ??
– Et toi Sonny tu vas dégager comme je te l'ai déjà demandé parce qu'à part foutre la merde ici tu sais rien faire. »
Je la pousse sans ménagement en dehors de la chambre et la tire jusqu'à la porte d'entrée avant de la chasser de la maison. Je lui referme la porte au nez et la ferme à clef pour ensuite remonter à l'étage. En arrivant dans la chambre d'Emmy, celle-ci est recroquevillée sur elle-même, serrant contre elle la robe déchirée. Vêtue uniquement d'un tee-shirt, elle pleure à chaudes larmes. Je m'approche doucement et m'assois sur le lit juste à côté d'elle.
« Emmy, je suis désolé.
– Elle avait pas le droit. »
Sa voix meurt et ses pleurs reprennent. J'aime pas du tout quand elle est dans cet état. Surtout par ma faute. Si j'avais dégagé Sonny plus vite que ça, on en serait pas là.
Ignorant notre relation plus que compliquée avec Emmy, je me colle à elle et la prends dans mes bras.
* *
Une heure plus tard, je suis devant l'entrée de la patinoire. J'attrape la main d'Emmy et la tire à l'intérieur. Je lui ai proposé de venir ici pour se changer les idées. Et j'espère que ça marchera. Après avoir payé et enfilé nos patins, nous nous dirigeons sur la glace. Emmy a une facilité déconcertante à glisser sur la glace. Elle patine sans aucune difficulté alors que moi, c'est à peine si j'arrive a mettre un pieds devant l'autre sans tomber. M'accrochant à la rambarde, Emmy s'avance vers moi rapidement et me prends le bras.
« Allez, viens ! C'est comme les rollers.
– Ouais, c'est facile de dire ça quand t'as déjà fait du roller. Mais c'est pas mon cas ! »
Elle éclate de rire et sans un mot nous patinons côte à côte. Ce que j'aime son rire. Ça fait du bien de la voir comme ça alors que plusieurs minutes avant elle était en larmes.
La fin de la journée arrive vite et bientôt les hauts parleurs de la patinoire s'allument laissant entendre la voix de monsieur indiquant que la structure va bientôt fermer ses portes et que par conséquent, il faut se diriger vers les vestiaires.
Tandis que je m'avance vers la sortie, Emmy fait un tour de plus. Alors que j'essaie tant bien que mal d'avancer, Emmy arrive à toute vitesse vers moi et me pousse avec elle. Je tombe à la renverse sur le sol extrêmement froid, Emmy sur moi.
« T'es sérieuse là ? dis-je à Emmy.
– C'était trop drôle ! T'aurais vu ta tête ! »
Elle explose de rire et continu a critiquer ma tête. Elle se relève me laissant enfin respirer et je pose une main sur la glace pour moi aussi me redresser mais tout ce que j'arrive a faire c'est glisser encore et encore. Emmy se tortille de rire en me voyant galérer et vient me sauver juste après se fous rires.
« J'ai mal au ventre à cause de toi » se plaint-elle en rigolant.
Une fois en dehors de la patinoire, nous errons dans les rues qui mènent jusqu'à la plage. Alors que le vent nous fouette le visage, Emmy prends la parole :
« Au fait, il s'est passé quoi entre Sonny et toi ?
– Oh, trois fois rien, répondé-je d'une voix plus énervée que je ne l'aurais voulu.
– Sérieusement, vous vous êtes pas disputés pour « trois fois rien ». J'en doute vu comment tu criais.
– Ouais, c'est vrai, dis-je en m'arrêtant. Mais tu vois, je pensais tellement que tout ce qu'elle me disait était vrai que quand je me suis aperçu qu'elle me mentait depuis le début, j'ai éclaté. Je pensais qu'elle avait changé mais en fait non.
– Elle a dû te mentir sur pas mal de choses quand même pour que tu cris comme ça. »
J'acquiesce et me remet à marcher. Emmy me suit toujours aussi curieuse de savoir ce qui a pu me rendre énervé.
« Tu veux pas m'en parler alors ?
– Non, pas maintenant Emmy. »
Nous continuons notre marche en silence et bientôt nous arrivons sur la promenade maritime qui longe la plage. J'entraîne Emmy vers les escaliers et nous dévallons les marches pour enfin arriver sur le sable. Nous retirons nos chaussures et mes pieds s'enfoncent délicatement dans le sable doux. Alors que nous nous éloignons un peu plus à chaque pas de la ville, j'entends les bruits sourds des vagues claquer contre le sable dur. L'océan est silencieux et le ciel est noir. Arrivé au bord de l'eau, seule la lumière artificielle des lampadaires illumine les cheveux d'Emmy dansant au gré du vent. Celle-ci frémit et je m'approche d'elle pour lui donner un peu de chaleur. Elle enroule ses bras autour de ma taille et pose sa tête contre mon épaule
Nous restons là, à admirer l'immense océan au clair de lune.
Au final, cette journée qui s'annonçait bien pourri finit mieux que je ne l'aurais espérer grâce à Emmy.
Encore.
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