Il continuait à avancer, ce qui signifiait aller vers Ferdinand et de Jésonnes, sans souiller par une seule goutte de sang ce qui était son propre château, qui accomplissait lui aussi sa marche au travers du temps avec le toit éventré et les tours tombées. Son regard partant des deux anneaux de sang frôla les deux vivants. Ils en oublièrent de se pousser, ce qui était loin d'arrêter la marche monarchique. Il passa au travers d'eux comme de l'air, ne laissant dans les deux chairs qu'un frisson d'hiver.
Ferdinand se demanda si utiliser son pouvoir pour attirer son attention serait une bonne idée, car après tout, lui aussi avait eu des pouvoirs de son vivant. Il retourna en face du spectre, et mit en face des iris écarlates sa main, sur laquelle les gouttes de pluie tombaient, ruisselaient, et retombaient en cristaux gelés. Il pointa l'index de son autre main vers les nuages, et de celui ci surgit ce qui semblât être une corde de lumière, montant au ciel en décrivant des boucles régulières à une vitesse fulgurante, jusqu'à exploser au dessus du château.
Avec de Jésonnes, Ferdinand regarda tout aussi attentivement le trait de lumière, car c'était la première fois qu'il le voyait vraiment. Est-ce que la forme du trait avait une quelconque signification?
Le roi s'était lui aussi fait spectateur.
-J'aimerais savoir d'où mon pouvoir vient... Votre Majesté. Car j'ai entendu dire que vous aussi vous en aviez, et mon compère souhaiterait également en apprendre plus.
-...Ce genre de pouvoirs ...Qui le sait? Est-ce une capacité naturelle cachée? Un cadeau de Dieu? Une malédiction? Il semblerait que partout dans le monde, et possiblement de tout temps, certains êtres, peu importe qui ils sont, obtiennent chacun: un étrange pouvoir unique à lui, la capacité d'émettre un rayon de lumière à la forme tout aussi unique, et enfin, des vision de notre monde déformé. J'appelle cet ensemble une «trinité». Quant à leur origine, la seule chose que je sais c'est que ceux qui ont pris une décision importante dans leur vie, peu après avoir obtenu leur trinité, gardent celle-ci à vie, contrairement aux autres qui la perdent au bout d'un certain temps. Ce qui me laisse personnellement penser qu'il s'agirait d'une sorte de cadeau que Dieu donnerait aux plus méritants...
En prononçant cette dernière phrase, le visage du roi semblait s'être légèrement éclairé.
De Jésonnes n'aimait vraiment pas son idée que les «trinités» ai une origine divine. Non seulement il serait obligé de mentir pour éviter d'avoir affaire à l'Église, mais cela supposait que Dieu était réel.
-Dites moi, Sire, vous semblez en savoir plus que moi au sujet de ces «trinités» que moi-même j'étudie, et j'apprécierais de connaître la source de votre savoir.
-Disons que j'ai eu les besoins et moyens de chercher et de trouver de nombreux «trinitaires» pour remplir certains de mes objectifs...
Il leva lentement son visage pour voir si l'émergence du soleil était imminente. «Je crains qu'il ne me reste plus beaucoup de temps... Alors deux dernières choses. La première est que je suis un trinitaire assez unique, car des années après avoir gagné ma trinité, j'ai obtenu un second pouvoir, à la puissance démoniaque, et capable de ravager des pays entiers. J'ignore si je suis le seul dans ce cas là, mais je l'espère de tout cœur, car vous imaginez bien que dans les mains d'un dément, c'est le monde qui tremblerait... Enfin, la dernière, qui tient plus du conseil maladroit, c'est de faire attention lorsque vous rentrerez en Elardie, car ces derniers temps, lorsque je regarde vers le nord-ouest...
Ferdinand et de Jésonnes n'auront jamais le fin mot de sa phrase, car au moment où plus aucun obstacle nuageux ne gênait la bonne transmission des rayons vers le sol, la figure royale fantomatique fût effacée du monde qui retrouva le Soleil. De Jésonnes leva la tête.
-Je pense que je devrais reprendre le nom qu'il à utilisé pour les pouvoirs, «trinité» ça sonne bien... Mais qui l'aurait cru qu'en s'aventurant dans ce château, on croiserait le fantôme de Loddën en personne! Maudit soit le Soleil qu'il l'ai fait disparaître! J'avais des tonnes de questions à lui demander, y compris sur le fait qu'il soit un fantôme!
-Il va sûrement revenir la nuit...
-Ton hypothèse n'est pas stupide, sachant qu'il à disparu au moment où le Soleil est revenu. Je vais revenir ici cette nuit, tu veux venir?
Ferdinand voulait s'améliorer mentalement et voir ce que le monde avait à offrir, mais il trouvait que s'aventurer dans la forêt noyée par les ténèbres nocturnes, dans le but de trouver un château abandonné abritant un fantôme livide qui avait les entrailles exposées n'était pas vraiment de la plus grande utilité...
-Non merci Sir. Ces derniers temps, j'essaie de me lever plus tôt, ce qui implique de se coucher plus tôt. Et puis, ce qu'il m'a appris était amplement suffisant, je n'ai pas besoin d'en apprendre plus...
Quand Julien les vit quitter le château, le soulagement emplit son cœur, qui avait atteint le paroxysme de l'inquiétude quand il eu vu explosion au dessus du château.
-Alors, qu'est-ce qu'il y avait à l'intérieur?
-On a trouvé une flaque d'eau au comportement très étrange, ainsi que le fantôme du roi Loddën, lui répondit de Jésonnes.
-Vraiment?! Pourtant vous avez l'air de vous porter parfaitement, et j'ai vu une explosion au dessus du château!
-C'était moi qui utilisait mon trait de lumière, tu sais, celui avec lequel j'ai tué le tarasque. C'était pour montrer au fantôme que moi aussi j'avais des pouvoirs.
-Et comment était-il ce fantôme?
-C'était un roi entièrement blanc, à exception de ses yeux, et de la blessure qu'il arborait, qui étaient rouges. Au début, il nous ignorait, mais dés que Ferdinand lui montra son pouvoir, il à commencé à répondre à nos questions. Mais il ne put finir, car il disparut au Soleil.
- Et qu'est-ce que ce fantôme vous a dit?
-Pour résumer, il nous à dit que ceux qui ont ce genre de pouvoirs, tout comme Ferdinand, ont aussi des visions et peuvent émettre des traits de lumière, que tout cela s'appelait une trinité, et que ceux qui prennent une décision importante la garde à vie contrairement au autres. Et que ces pouvoirs pouvaient être dévastateurs. Je compte revenir ici cette nuit, pour voir si il sera là. Je suppose que vous ne veux pas venir. Ferdinand ne veut pas lui.
-Non merci Sire, très peu pour moi. Et si Ferdinand ne veut pas, je pense que l'on partira demain matin, vous nous donnerez notre paye, et on va passer cet après midi à visiter la ville, tu est d'accord, Ferdinand?
-Oui, et puis il ne pleut plus, profitons-en.
-Moi, je vais retourner à l'auberge faire la sieste pour ce soir.
Sur le parvis de l'immense cathédrale, Ferdinand passait le temps que Julien passait à l'intérieur en admirant les milles et un détails que les sculpteurs et architectes avait réussis à donner à la pierre brute et grossière. Il n'allait pas prier avec lui car il n'aimait pas demander des choses, et il ne savait pas vraiment quoi demander à Dieu si ce n'est «que le retour se déroule bien», ce qui avait déjà toutes les chances d'arriver, et de toute façon, Dieu savait sûrement déjà tout ça. Et quand bien même le retour serait désastreux, le voyage lui, fût plutôt une réussite. Évidemment il ne fût pas parfait, il aurait aimé visiter certains endroits un peu plus maintenant qu'il y repensait, mais suffisamment bon pour être une source de fierté qui rayonnerait sur plusieurs années, et il est plus que probable que cela lui permette de garder son pouvoir à vie. De toute façon, celui-ci sera sans doute le premier d'une longue série. Le monde était immense et bien rempli, il pourra à l'avenir faire des dizaines de voyages bien plus longs, merveilleux et épiques, en des lieux plus exotiques les uns que les autres.
Ce soir là, ils dînèrent à deux, car de Jésonnes était déjà parti.
-Demain, on sera enfin libéré de ce nobliau, et on aura l'argent pour repartir en carrosse. Ce n'est pas que je le déteste, mais voyager entre amis uniquement c'est autre chose, tu ne trouve pas?
-Oui, tu as raison, même si il m'a beaucoup aidé à comprendre mon pouvoir.
Le lendemain de Ferdinand débuta lorsque celui-ci fût réveillé par Julien, ce qui était peut être sa punition pour avoir manqué à sa résolution de se réveiller plus tôt.
-On s'est réveillés en retard Ferdinand, et de Jésonnes est parti, il ne nous a pas donné l'argent!
Ferdinand mit quelque secondes pour débarrasser son esprit des brumes du sommeil...
-...Tu veux dire qu'il a quitté la ville?
-Oui! J'ai demandé aux aubergistes, et ils l'ont vu prendre ses affaires et partir! Il ne nous à même pas donné l'argent qu'il nous promettait!
-Ah... Bah tant pis...
Ferdinand ne savait pas vraiment quoi dire ou faire d'utile en réaction. Mais de toute façon, ils n'étaient pas très loin de leur village, et son père aurait prit sa part de toute manière... Au moins, ils gagneraient l'élément poétique de la fin du voyage ressemblant à son début.
Et comme pensé par Ferdinand, le voyage se terminât de la même manière qu'il commença. Les journées étaient constituées de longues marches sous les vitraux végétaux qui décomposaient le Soleil en une multitude d'étoiles diurnes. Ils remercièrent grandement un transporteur de bétail, qui accepta gratuitement d'abréger le milieu du trajet.
Un matin, après que la pluie ai semé les graines d'eau aux seins des plantes, bien au dessus du vent qui allongeait l'écharpe verte de Ferdinand comme un glorieux drapeau, et faisait vibrer sa chemise sale ombragé par un chapeau qui avait bien du mal à ne pas partir à l'aventure. Une gigantesque arche ayant toutes les couleurs du monde joignait les deux bouts de l'horizon face au Soleil émergeant triomphalement. Nos deux compères virent sous l'arche une colline, simple bosse du monde imparfait. Mais cette simple colline pourrait les aider à élargir un peu plus leur champ de vision au-delà des nuages de jade vivants. Après une escalade légèrement redoutable, il se tenaient à l'endroit exact où leur long périple avait débuté en même temps que le printemps, où la nature se réveille plus exubérante que jamais. En bas, se trouvait Chéliancour, leur village.
Finalement, la meilleure destination imaginable, c'était peut être chez soi.
Pendant une fraction de seconde, la vision de Ferdinand se transforma, et le paysage perdit toute sa vie et sa couleur, et le monde se réduisait inexorablement en poussière, sous un ciel chaotique.
Cela fît prendre conscience à Ferdinand que toute cette beauté n'était que provisoire, qu'un jour tout cela finirait par disparaître, mais cela ne rendait cet instant que plus magnifique encore...