<< Tae... >>
<< Hm ? >>
<< ça te dit toujours de sortir aujourd'hui ? >>
Tu tournes ta tête vers moi, tes mèches légères s'emmêlant sur le canapé et nos nez se touchant. Voilà déjà une semaine de passée dans une espèce de routine, déjà.
Je déteste ça, la routine, et elle s'est installée un peu vite à mon goût. D'un côté, je comprends que tu ais besoin de te sentir en sécurité, toujours en lieu connu, toujours avec les mêmes rituels, mais ça m'étouffe.
Je souris face à ton air de réflexion. Hier soir, avant qu'on s'endorme comme deux ados blottis dans le canapé, je t'ai avoué avoir envi de t'emmener quelque part.
<< alors ? >>
Je souffle doucement sur tes lèvres, nos yeux se rencontrant lentement. Tu hoches positivement ta tête, ton visage s'illuminent d'un sourire léger qui me gagne rapidement. Je t'embrasse furtivement avant de me lever du sofa, laissant la couverture tomber par terre.
<< dans ce cas, à 9h on est dans le métro ! Aller ! >>
Fais-je, enjoué en t'aidant à te lever. Nous nous câlinons naturellement quelques secondes, ton parfum m'apaisant, puis tu pars dans la douche alors que je prépare le petit déjeuner.
Lorsque nous nous retrouvons enfin dans le métro de Séoul, nous nous asseyons côte à côte sur un siège une personne, toi côté fenêtre et moi à demi assis un pied au sol pour te laisser de la place. Tu m'as prêté un grand manteau noir qui dessine parfaitement mes épaules et je me sens si bien dedans que je souris comme un con, une sorte de confiance calme m'habitant.
Tu tournes ton visage vers moi et nos yeux s'ancrent. Je peux lire tant d'amour dans le regard que tu poses sur moi que j'en pleurerais presque, attendri. On se sourit doucement, une petite bulle se formant au milieu de tous ses gens.
<< t'as une idée de où je t'emmène ? >>
Tu ne réponds pas, ton regard se dirigeant derrière moi. De suite, tu recules ton visage du mien et tu baisses la tête vers tes cuisses, l'air coupable. Je fronce les sourcils et me tourne, apercevant alors un mec en costard qui semble dégouté. Un homophobe je présume, mais qu'est-ce qu'il t'a fait pour te mettre mal à l'aise encore...
Je ne suis pas d'humeur à être sympa avec ces trous d'ul-c aujourd'hui. Je serais plutôt enclin à leur foutre une droite rapidement alors il va se calmer ce vautour à cravate. Je fronce les sourcils méchamment face à son regard insistant et son rictus de dégoût.
<< Taehyung, c'est rien mon cœur... >>
Fais-je en me tournant de nouveau vers toi. Tu hoches la tête positivement, mais je vois bien que ça ne va toujours pas. Je te prends le bras et le passe autour de mes épaules, posant ma main sur la tienne tout contre ma joue.
Tu me lances un regard incertain, je souris, mon sourire se fige tout le temps que tu me regardes, soit de très longues secondes, avec ces mêmes orbes pleines de doutes. Puis je sens enfin tes doigts se détendre sur ma peau, leur pulpe la caressant, et je souris grandement, un rictus tendre relevant un coin de tes lèvres.
Pas besoin de mots, la tendresse passe par les gestes, un sourire, un regard, des doigts qui s'enlacent, et nous descendons enfin du métro une heure plus tard. Nous nous tenons par la main quelques instants avant de nous lâcher, pas trop à l'aise au milieu des gens sur le trottoir.
Tu me suis dans les rues alors que je cache de plus en plus difficilement ce sourire qui grandit en moi à mesure que nous approchons. Puis lorsque nous apercevons enfin l'édifice coloré, je me tourne vers toi, riant doucement.
<< surprise. >>
<< oh... mais c'est Lotte world ! >>
T'exclames tu alors, sautant presque sur la pointe de tes pieds. Un sourire te gagne et je ne m'en lasserais jamais. Tes yeux qui pétillent dans les miens me créent un profond sentiment de bonheur.
<< on y va ? >>
Demandes-tu, incertain. Je ris furtivement avant de te reprendre la main, tout joyeux. Nous allons retourner en enfance et je ne sais pas si c'est toi ou moi le plus impatient.
<< bien sûr aller viens ! >>
<< oh oui Jungkook ! Merci... >>
<< ça me fait plaisir. >>
Nous passons dans la fil des réservations puis nous nous retrouvons enfin dans le parc, plein d'attractions s'étalant devant nous. Les univers de différents dessins animés se côtoient sur le plan du site que tu observes attentivement.
Je mets mes mains dans mes poches, regardant autour de moi. C'est la deuxième fois que je viens. J'étais venu une fois pour mes 13 ans, avec des amis et les parents d'un d'entre eux. Un sentiment nostalgique s'installe dans mon organisme. Je me penche aussi sur le plan, la partie colorée en bleu attirant mon attention.
<< C'est les attractions aquatiques celles-là ? >>
Tu hoches positivement la tête, puis tu montres la partie en jaune du bout du pouce, l'air concentré. Je trouve ça adorable de te voir aussi sérieux face à ce plan. Pourtant il n'y a pas lieu d'être attendri. L'amour rend étrange.
<< je préfère qu'on fasse cet endroit là, parce que je sais pas nager et... J'ai un peu peur de l'eau. >>
Ton regard rencontre le mien et quelque chose se passe. D'un coup, j'ai des flash violents de ce moment où j'ai failli te tuer dans ce parc, dans cet étang glacé. Je ne sais pas quelle tête je fais mais ton visage devient rapidement interrogateur, peut-être un peu inquiet.
<< Jungkook ?... Ça va ? >>
Je sais pas nager et j'ai un peu peur de l'eau.
Cette phrase se répercute dans ma tête et ma respiration s'accélère. Est-ce que tu as vraiment failli mourir à ce moment ? Combien il aurait fallu de secondes de plus pour que ça arrive ? Toi, mort. C'est possible ça ?
<< qu'est-ce qui va pas...? >>
Demande ta voix fluette, tes yeux inquiets se posant dans les miens. J'essaie de plonger les miens dans les tiens, tu es là, oui bien vivant avec moi, je ne dois pas m'inquiéter. Ce qui est passé est passé, oui c'est ça.
Alors pourquoi je ne peux plus bouger, d'un coup ? Pourquoi il fait froid, d'un coup ? Soudainement, ton image se dissipe, les attractions sont remplacées par des arbres, le vent se lève, j'ai froid, mes vêtement sont trempés.
Des larmes dévalent mes joues alors que ma respiration est hachée, j'accentue mes pressions sur ton thorax mais plus une goutte d'eau ne sort d'entre tes lèvres bleues. J'aimerai que tes mains bougent, que tes yeux s'ouvrent sur mon visage, mais tu es gelé dans l'inertie.
<< T-taHyung... Mon Dieu TAEHYUNG ! >>
Je hurle désespérément sur ton visage qui reste figé. Je te secoue fort, si fort que ta tête se dandine et que ta bouche s'ouvre. Je passe ma main devant tes lèvres et ton nez mais je ne sens aucune respiration. Ce n'est pas possible. Il ne peut pas être trop tard. Il n'est jamais trop tard.... Pas vrai ?
Je vais vomir. Tu es si froid, on... On ne sent plus la chaleur du sang propre à tous les humains, celle qui rendait ta peau magnifique. J'attrape ton menton, mais de suite je le lâche, pétrifié face à la sensation cadavérique. Je ne bouge plus, le regard attiré par tes yeux.
Sous tes cils je peux voir une fine fente, tes paupières n'étant pas vraiment bien fermées. Tes yeux ont l'air si vides comme ça, ces yeux... Ces orbes si splendides, si pleines d'éclats de lumière. Les yeux de la personne que j'aime, et c'est toi. Réveille-toi je t'en supplie, je ne peux pas vivre sans toi.
<< Jungkook... >>
Je resserre mes bras dans un dos dont la chaleur me rassure. Je le serre fort, si fort que je crois entendre sa colonne claquer légèrement. Mes larmes glissent, elles coulent et se logent dans un cou dont le parfum chaud calme un peu ma respiration.
<< tout va bien tu sais... Qu'est-ce qui se passe, hm ? >>
Son torse est contre le mien, je rouvre doucement les yeux, reprenant conscience lentement du corps contre le mien. Des mèches clairs caressent ma joue, je soupire fort, je sens que je tremble contre ce corps immobile.
Il se redresse un peu de moi, juste assez pour que nos visages se fassent face. Je rencontre ces grands yeux noisettes qui me regardent avec un amour si puissant que des larmes coulent de nouveau des miennes, fixent dans les tiennes.
Je viens prendre ton visage en coupe, et tu pose ses mains sur les miennes qui tremblent beaucoup trop. On dirait un toxico putain, qu'est-ce qu'il s'est passé ? Ta bouche entre-ouverte me laisse comprendre que tu ne comprends pas ce qu'il se passe.
<< c'est rien... >>
Fais-je dans un souffle chaud presque inaudible. Je soupire sur ton visage, caressant tes joues. Un sourire prend place sur mes lippes tremblantes qui je finis par mordre pour tenter de chasser l'émotivité.
Tu es là. Avec moi. Vivant. Tes yeux sont vivants, ton expression, tes lèvres, tes mains, toi tout entier. Je respire un peu plus calmement, puis je te souris, et tu me souris en retour. Tu sembles hésiter puis ta voix douce s'élève.
<< tu n'as rien, pas vrai ? Ce n'est qu'un mauvais souvenir ? >>
<< ouais... Je t'aime si fort mon amour... >>
<< o-oui... En-enfin oui moi aussi. >>
Affirmes-tu, l'air chamboulé. Nous nous enlaçons encore puis lorsque je suis un peu près calme, je prends ta main dans la mienne, entrelaçant nos doigts.
<< la zone jaune donc, c'est par où ? >>
<< oh c'est... Par là je crois. Mais Jungkook ? >>
<< oui ? >>
<< tu es mon cœur à moi. >>
Et deux croissants de chair doux viennent caresser les miens un court moment. Instant pendant lequel cette phrase se répète dans ma tête et se diffuse dans mon corps comme le plus grand de tous les remèdes.
Tu es mon cœur à moi.
・
L'amour rend étrange.