D'un autre côté, les héroïnes étaient toujours innocentes, timides, mais avec du caractère, non ? Alors peut-être que mon petit éclat allait lui prouver que j'étais différente ; et donc celle qu'il lui fallait...
Enfin, en théorie. Parce que sur le coup, on ne pouvait pas trop le qualifier de conquis.
Il ne s'était même pas retourné lorsque je lui avais crié dessus.
Je comprenais que cela fisse partie du personnage, mais quand même !
C'était beaucoup plus marrant lorsque c'était les autres les victimes de son arrogance.
- Bon, mademoiselle Spark, vous vous décidez à me laisser continuer oui ou non ? s'agaça madame Barnles, notre prof d'âge moyen qui ne se défaisait jamais de ses foulards aux couleurs vives.
Moins emballée qu'à mon arrivée, mais nullement découragée, je ramassai mes affaires et me dirigeai en territoire minée sous l'attention de mes camarades.
Je me devinais être l'attraction du jour, surtout lorsque je me plantai devant le bureau de Michael.
- Pourquoi tu te sens obligé d'être méchant et désagréable avec moi ? Je ne t'ai encore rien fait de mal, non ?
Je n'avais pas du tout réfléchi avant d'agir. Le fait était qu'il commençait à me gonfler.
Dire que ce n'était que le premier jour !
Son insolence n'était pas une nouveauté. Mais désormais, je l'avais vu être gentil avec quelqu'un d'autre. Il pouvait faire l'effort avec moi aussi, non ?
Quelques gloussements fusèrent suite à ma question. Pourtant, c'était le cadet de mes soucis. Je voulais une réponse, même si à mon avis, tout le monde s'attendait à ce que Michael se lève pour me shooter dedans comme dans un ballon.
Et pour être franche, je ne savais pas si je n'aurais pas préféré cela à sa réaction. Ou plutôt à son absence de réaction.
Il fixait ses phalanges tatouées comme si je n'existais pas.
OK. Là, j'allais vraiment me fâcher.
- Mademoiselle Spark ! me reprit la quadragénaire, avec une exaspération qu'elle peinait à contenir.
Je me jetai comme un sac sur le siège à côté de Michael avec un soupir à fendre l'âme.
C'était du n'importe quoi !
Pourtant, ce genre de phrases marchait toujours dans les histoires. D'ailleurs juste après, les bad boys s'adoucissaient et confessaient que non ils n'avaient rien de personnel contre l'héroïne et qu'ils les aimaient bien, plus d'autres conneries du genre...
Où diable avais-je foiré ?
- Tu n'as pas répondu, chuchotai-je. Tu n'as rien contre moi, hein ? Tu joues un rôle, pas vrai ?
Mon cœur résonna jusque dans mes oreilles lorsqu'il pivota enfin la tête dans ma direction.
Le temps d'un instant, ses magnifiques yeux bleus n'en eurent que pour moi - même si leur intensité manqua de me transformer en un tas de cendre.
Je déglutis deux fois en rassemblant tout mon courage pour soutenir son regard.
J'en profitai pour scanner son visage que je voyais pour la première fois d'aussi près. Et bon Dieu qu'il était beau !
Il n'y avait pas l'ombre d'une imperfection sur sa peau laiteuse. Et il devait certainement s'épiler pour avoir ses sourcils noirs et fournis aussi bien dessinés.
Les deux anneaux fins pendus à son nez droit frémissaient à chacune de ses respirations.
Sa bouche rose formait une ligne antipathique loin de la courbe chaleureuse qu'il avait adressée à Anna.
L'animosité suintait par tous les pores de son corps. Toutefois, cela ne me prépara pas à la quantité de venin que ses lèvres expulsèrent d'une seule phrase.
- Tu veux crever ou quoi ?
Quoi ? Non. Je voulais vivre avec lui pour toujours.
Son expression meurtrière me dissuada de prêter la voix à ma pensée. Je me mordis la lèvre supérieure, en accusant le coup.
C'était vraiment tout ce que mes efforts m'avaient rapporté ?
D'un seul coup, ma colère remplaça ma déception et ma peur. Je me penchai vers lui avec l'intention de lui dire ses quatre vérités.
- Tu sais quoi...
- Mademoiselle Spark ! s'écria madame Barnles, hors d'elle-même.
Je laissai tomber. Je savais que ce serait mon dernier avertissement avant les ennuies. Et quand on avait une maman comme la mienne, on évitait le plus possible les problèmes... même pour Michael.
Les dents serrées pour brider les paroles acides qui me suppliaient de les libérer ; je posai mon menton sur mes doigts joints sur mon bureau en imaginant des et des façons de tuer ce connard en noir à mes côtés.
Je l'aimais et alors ?
- À ta place, j'éviterais de recroiser mon chemin... Spark.
Il avait sûrement vomi dans sa bouche en prononçant le dernier mot.
Ça faisait mal.
Quoique sa menace avait plus été grogné qu'autre chose, madame Barnles ne pouvait pas feindre de ne pas l'avoir vu parler.
Comme ça, les avertissements n'étaient que pour moi !
Et tant qu'on était au rayon injustice, quelqu'un pouvait me désigner celui qui m'avait fait tomber amoureuse de ce connard ?
Mon ego aurait deux trois mots à lui hurler.
Pourquoi diable ma colère s'était-elle évanouie ?
Tout ce qu'une partie de mon cerveau avait copié fut que Michael Cast m'avait adressé la parole. Et je fus bien trop excitée de me redresser et lui répondre pour me battre pour mon honneur, ou éviter les ennuies.
- Sinon quoi ? le narguai-je en cachant ma bouche derrière mes mains jointes, Sinon tu me détruiras ? J'ai lu ça dans une histoire. Ah non ! corrigeai-je. Everly a lu ça et me l'a raconté. Tu sais, on peut évi...
- Non mais c'est quoi ton problème ? rugit-il.
Je me tétanisai sur mon siège lorsque tout le monde se mit à me fixer, Michael avec ses lance-flammes le premier.
Deux ans. Voilà le nombre d'années pendant lesquelles je l'avais désiré dans mon coin. J'avais attendu environ vingt-quatre interminables mois avant de faire le premier pas.
Et là, je regrettais sincèrement de l'avoir fait.
Je sentis une boule de déception et d'amertume mêlés se former dans ma gorge. Toutefois, je coinçai une mèche de cheveux derrière une oreille pour faire bonne figure.
- Je n'ai rien. Je crois plutôt que c'est toi qui as un prob...
Il se leva d'un tel bond que sa chaise se renversa. Un silence de mort s'abattit sur la salle, donc tout le monde put assister à mon humiliation lorsqu'il me cracha avec haine et fureur :
- Je te le répète pour une dernière fois, idiote ! Évite bien de croiser mon chemin ou tu le regretteras très très longtemps.
Puis il arracha son sac et quitta la salle d'un pas fulminant.