La légende des deux royaumes...

By Miss-Laure

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" Lorsque la Lumière sombrera et que l'Obscurité périra Le doute et la peur apparaitront. En ces... More

Chapitre 1 - Partie 1
Chapitre 1 - Partie 2
Chapitre 2 - Partie 1
Chapitre 2 - Partie 2
Chapitre 3 - Partie 1
Chapitre 3 - Partie 2
Chapitre 3 - Partie 3
Chapitre 4 - Partie 1
Chapitre 4 - Partie 2
Chapitre 5 - Partie 1
Chapitre 5 - Partie 2
Chapitre 6 - Partie 1
Chapitre 6 - Partie 2
Chapitre 7 - Partie 1
Chapitre 7 - Partie 2
Chapitre 8 - Partie 1
Chapitre 8 - Partie 2
Chapitre 9 - Partie 1
Chapitre 9 - Partie 2
Chapitre 10 - Partie 1
Chapitre 10 - Partie 2
Chapitre 11 - Partie 1
Chapitre 11 - partie 2
Chapitre 12 - Partie 1
Chapitre 12 - Partie 2
Chapitre 13
Chapitre 14
Chapitre 15 - Partie 1
Chapitre 15 - Partie 2
Chapitre 16 - Partie 1
Chapitre 16 - Partie 2
Chapitre 17 - Partie 1
Chapitre 17 - Partie 2
Chapitre 18
Chapitre 19 - partie 1
Chapitre 19 - Partie 2
Chapitre 20 - Partie 1
Chapitre 20 - Partie 2
Chapitre 21
Chapitre 22
Chapitre 23
Épilogue de la 1ère partie
Blabla
Chapitre 1 - Partie 1
Chapitre 1 - Partie 2
Chapitre 2 - Partie 1
Chapitre 2 - Partie 2
Chapitre 3 - Partie 1
Chapitre 3 - Partie 2
Chapitre 4 - Partie 1
Chapitre 4 - Partie 2
Chapitre 5 - Partie 1
Chapitre 5 - Partie 2
Chapitre 6
Chapitre 7 - Partie 1
Chapitre 7 - Partie 2
Chapitre 8 - Partie 1
Chapitre 8 - Partie 2
Chapitre 9 - Partie 1
Chapitre 9 - Partie 2
Chapitre 10 - Partie 1
Chapitre 10 - Partie 2
Nouvelles
C'est parti !
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 14
Chapitre 15
Chapitre 17
Chapitre 18
Chapitre 19
Chapitre 20
Chapitre 21
Epilogue
Blabla de fin

Chapitre 16

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By Miss-Laure

Après avoir tenu une réunion de crise tout l'après-midi en compagnie de ses seigneurs et Gabriel, Finwë put enfin mettre en place un plan de guerre. Ensuite, il alla enfiler son armure. Gabriel avait déjà vêtu sa tenue de combat, une cuirasse en cuir, qui jadis elle avait été noire, mais qui désormais virait plutôt au gris à cause de la patine du temps et de l'usure. Même si elle n'avait pas vraiment d'allure, jamais il n'aurait accepté de porter autre chose.

L'armure de Finwë, non seulement plus complète, se trouvait en parfait état, plus entretenue, plus prestigieuse. Elle était brune, sans aucun blason, Finwë n'appartenant à personne d'autre qu'à lui-même. Le cuir, bien que luisant, restait souple. Il ne fallait pas oublier que le Roi était un homme de guerre repu de combats. Gabriel le gardait en tête plus que quiconque.

Une fois paré, Finwë récupéra son épée et la glissa dans son fourreau avant de rejoindre ses seigneurs. Ensemble, ils quittèrent le château pour se rendre au navire de Fenhrir, accompagnés par la garde royale. Un peu plus tôt dans l'après-midi, un message de Somgysaï leur était parvenu, indiquant qu'à la suite de l'échec de leur tentative de paix et aux vues d'éléments leur indiquant que l'armée des Plaines du Soleil marcherait bientôt sur leurs terres, le roi Fenhrir et la reine Lysianna sortaient de leur autarcie pour assiéger Finwë.

Ce dernier, déjà plus qu'agité par le départ de sa femme, preuve irréfutable de sa traîtrise, était devenu hors de lui après cela. Il s'était contenu mais une fureur froide grondait en lui, prête à exploser. Dès qu'il la croiserait sa femme. Il prendrait son temps, irait lentement, la ferait souffrir. Avec délice.

Comment avait-elle réussi à convaincre Lysianna et Finwë à sortir de leur forêt alors qu'elle ignorait tout de ses plans ? Il savait que le peuple de Somgysaï n'aurait rien tenté à moins de faire face à une menace réelle, mais elle n'avait jamais appris qu'il avait eu dans l'idée de brûler les bois.

Il se l'était bien assuré avant de l'envoyer là-bas pour prévenir son dernier obstacle qu'il allait bientôt gouverner un continent. Il n'avait pris aucun risque avec elle, du moins le pensait-il jusqu'à maintenant. Seule une poignée d'homme avait été au courant de ses plans.

Il n'y avait qu'une possibilité et elle ne lui plaisait pas. Il se tourna vers Gabriel mais ce dernier n'était plus là. Ainsi, il avait vu juste. Il ferma son esprit de tout. Les traitres paieraient. Il s'en assurerait.

Il envoya quelques gardes ordonner à Kaarl de multiplier les rondes en ville et de fouiller les demeures pour enfin trouver ces fichus rebelles. Il demanda également qu'on en finisse avec le prisonnier. Il avait fini de jouer. Les choses sérieuses commençaient.

Arrivé aux portes de la cité, il s'assura que personne n'était sorti depuis qu'il en avait donné l'ordre, dès la disparition de son épouse. Un garde approuva et Finwë en fut ravi. Elle se trouvait encore en ville, ce qui faciliterait la tâche pour la retrouver. Bien sûr, il ignorait qu'une autre porte existait non loin de là et que c'était par celle-ci qu'Inwë allait fuir. Puis, se sentant reprendre en main la situation, il se rendit auprès du couple royal de Somgysaï.

Une fois arrivé sur le port, les marins de Samios firent une haie de garde pour le laisser continuer à avancer, surveillant ses moindres mouvements, atténuant un peu sa satisfaction au passage. Fenhrir et Lysianna firent leur apparition. A la lumière du soleil couchant, Finwë devait bien reconnaître qu'ils irradiaient de sérénité. Il était sensible à l'image renvoyée, il avait appris à manipuler la sienne depuis bien longtemps afin d'obtenir ce qu'il désirait. Le couple en face de lui renvoyait le calme absolu et l'assurance de leur victoire à venir, ce qui eut le don de l'enrager prodigieusement.

Cependant, il avouait bien volontiers que Lysianna était la plus belle femme qu'il ait jamais rencontrée, une beauté éthérée. Dire que si elle ne l'avait pas éconduit autrefois, ils n'en seraient pas là aujourd'hui. Elle serait sa reine et leurs deux royaumes n'en formeraient plus qu'un. Maudite Fille du Soleil.

Il avait épousé sa consœur en échange, pour lui prouver qu'il n'était pas aussi indigne qu'elle l'avait laissé entendre. Peu importe qu'elle ait fait le déplacement, il l'anéantirait ici et brulerait sa forêt ensuite.

Ce fut finalement lui qui prit la parole en premier après qu'ils se soient tous salués.

— Vous auriez dû m'avertir par avance de votre venue, mon épouse et moi-même aurions eu le plaisir de vous accueillir dans notre château.

— Je n'en doute pas, répondit Lysianna poliment. D'ailleurs où est-elle ? J'aurai tant aimé la saluer.

Finwë lui renvoya un sourire factice et balaya ses paroles d'un revers de la main.

— Là-dessus, ma chère, je crains que vous n'en sachiez plus que moi.

Face à lui, un mur de bienveillance le fixa sans ciller.

— Pourquoi êtes-vous venus ici ? ne put s'empêcher de demander un des seigneurs.

Finwë tiqua, agacé.

— Veuillez le pardonner, il est inquiet. Ce qui peut aisément se comprendre lorsqu'une armée débarque sur vos terres en quelques heures.

— Notre messager a été plutôt clair, fit Fenhrir de sa voix chaude et grave.

— En effet. Bien que tant de malentendus me chagrinent.

— Ne voulez-vous pas brûler notre forêt arbre par arbre et couper notre retraite par la mer en nous attaquant avec vos vaisseaux ?

Finwë resta impassible, ne montrant rien de ce qu'il ressentait à ce moment-là.

— Il n'y a donc pas le moindre malentendu, reprit Fenhrir n'obtenant pas de réponse. Ceci est une déclaration de guerre contre vous. Ni mon épouse ni moi-même ne laisserons piller nos terres sans rien faire. Je crains que vous nous ayez sous-estimés, Finwë.

— Oh non ! ricana-t-il. Ce n'est pas vous que j'ai sous-estimé.

Finwë leur tourna le dos, coupant court leur conversation et faillit heurter Gabriel qui se tenait quelques pas derrière lui. Il ne s'écarta pas de son chemin, se contentant de le fixer de son regard glacial qu'il réservait habituellement à ses ennemis.

— J'aurais pu croire ça de n'importe qui, sauf de toi, fit-il à voix basse.

— J'espère que ça te fait mal, déclara froidement Gabriel, le regard dur.

— Quand même pas, non, s'amusa le Roi alors que son second l'attrapait par l'armure et le plaqua contre lui menaçant. Fais attention à ce que tu fais, Gabriel...

— Tu as tué ma famille.

— Je t'ai offert plus que ta vie de paysan n'aurait jamais pu le faire.

— J'aimais ma vie.

— Tu valais mieux que ça.

— Tout comme je vaux mieux que toi, fit-il avec un air dégoûté en se détournant.

— Que t'a-t-elle offert ?

Gabriel, un sourire satisfait sur le visage, lui déclara :

— Plus qu'elle ne t'offrira jamais.

Finwë tiqua. Il eut du mal à se contenir.

— C'est ta dernière chance pour abandonner toute cette folie et marcher à mes côtés de nouveau.

A cet instant, une corne retentit au-delà des murs du château et Gabriel éclata d'un rire sauvage, désabusé.

— Ça, mon ami, c'est ce qui me confirme que je ne te suivrai pas. Te voilà enfermé hors de chez toi...

— Tu mens.

— Oh non, ça c'est ta primeur.

— Je vais vous saigner tous les deux et vous regretterez de m'avoir trahi. Crois-moi.

— Ne me provoque pas plus. Je suis à deux doigts de t'embrocher ici et maintenant.

Finwë recula d'un pas et les deux hommes se fixèrent d'un regard dur et chargé de haine. La trahison de Gabriel était douloureuse pour Finwë, plus qu'il l'aurait cru, mais cela nourrit sa haine et augmenta sa rage de vaincre. On l'avait déjà trahi de nombreuses fois et il s'en était sorti, cette fois ne serait pas différente.

— A bientôt alors, fit-il en s'éloignant.

Il fut suivi de sa garde et de ses seigneurs, perplexes de ce qu'il venait de se produire. Gabriel, quant à lui, parut rasséréné. Finwë ne méritait aucune de ses explications, il ne méritait rien à part la mort. La satisfaction de lire sur son visage l'effet de sa trahison lui avait suffi et de savoir que bientôt son ancien ami serait étendu à terre, mort, finit de l'apaiser. Il se tourna alors vers Fenhrir et Lysianna et les salua.

— Où est Inwë ?

— Partie mettre sa famille à l'abri, il me semble, expliqua Fenhrir.

— Je vais devoir y aller, quelques détails à régler, fit Lysianna en s'excusant à Gabriel.

Ce dernier hocha la tête et Fenhrir s'éloigna un moment avec son épouse. Ils discutèrent quelques instants ensembles et sans vouloir les observer, Gabriel ne put détacher son regard du tableau qui se jouait devant lui. Ils semblaient à la fois heureux et résignés, il y avait quelque chose de bouleversant à les voir si proches, si tendres l'un envers l'autre.

Lysianna passa la main sur la joue de son époux et ce dernier l'embrassa. Gabriel détourna les yeux et attendit que Fenhrir le rejoigne. Quand celui-ci fut de nouveau à ses côtés, il ne put s'empêcher de jeter un regard en arrière. Lysianna avait disparu.

***

Inwë redescendit rapidement et discrètement jusqu'au fond de la cité. Maintenant que sa fille et sa famille était en sécurité avec Geosef pour les guider n'importe où en cas de danger, elle se sentait plus rassurée. Elle croisa son frère qui surveillait toujours la porte avec une vingtaine de villageois. Elle le tint au courant du changement de cachette de sa famille et, enfin, sortit de la cité. Une fois dehors, elle se dirigea vers le port.

Devant elle s'étendait désormais les deux camps armés. Cependant, grâce à la prise de la cité, celui de Fenhrir s'étalait en toute tranquillité aux pieds de Süryell et le long des quais, sans risquer de se faire attaquer par-delà les murailles. De plus, sa flotte et celle de Samios encadraient celle des seigneurs des Plaines, empêchant le repli de leurs bateaux. Ainsi, en sous-nombres maritime, ils laisseraient leurs navires tranquilles.

On pouvait féliciter Fenhrir pour ses talents de chef militaire. Il avait adopté la Forêt des Songes et ses coutumes depuis si longtemps qu'on en venait presque à oublier qu'il avait été élevé dans les Montagnes, lieu qui créait les plus tenaces guerriers à cause de son climat extrême et d'une éducation rigoureuse et militaire. Ce qui n'empêchait pas que la majorité des habitants des Montagnes étaient droits, honnêtes et fiers. On ne traitait pas avec un montagnard. Au mieux, il traitait avec vous. La nature de Fenhrir s'était adoucie au contact de son épouse mais ne s'était pas effacée, elle se révélait en temps utile.

Le camp de Finwë, quant à lui, s'était factionné un peu plus loin. Comme ils ne se trouvaient pas dans une position stratégiquement profitable, leur surnombre numérique ne les avantageait pas vraiment.

Sous le clair de Lune, Inwë aperçut l'étendue des deux armées. Des centaines de tentes étaient montées, des feux de bois avaient été allumés et des lanternes accrochées. Elle pouvait voir les soldats se préparer à l'affrontement à venir, elle entendait des chants de guerre.

Inwë observait la vie même, l'agitation du désespoir face à une mort prochaine. Une guerre allait se déclencher, des hommes seraient tués pour elle, pour ses convictions, pour sa vengeance contre Finwë. Son cœur se serra. Cependant, avec Fenhrir, ils s'étaient mis d'accord afin de risquer le moins de vies possible. Et pour cela, il allait falloir faire face à Finwë au plus tôt pour ensuite asservir son conseil.

Mais avant cela, Inwë devait rencontrer Lysianna et comprendre ce qui l'avait motivée à envoyer sa fille sur le champ de bataille. A cette pensée, la Fille de la Lune pressa le pas. Arrivant à l'entrée du port, elle croisa Samios qui l'interpela.

— Tout se déroule bien pour vous ?

— Pour l'instant, oui. Et ici ?

— La prise du port s'est fait sans heurt et Fenhrir a pu accoster tranquillement.

— Comment s'est déroulée la rencontre avec Finwë ?

— J'ai pu l'observer de loin et il semblait vraiment mécontent, surtout lorsque Gabriel s'est détourné de lui.

— J'aurais tant aimé voir cela, fit Inwë.

Elle aurait donné cher pour voir sa tête. Après toutes ces années où elle avait dû le supporter, ç'aurait été la moindre des consolations. Mais tant pis, elle trouverait bien une autre occasion.

— Samios ? Puis-je vous demander un service ?

— Volontiers, ma reine.

— Pourriez-vous aller prendre soin de ma famille, dans mes appartements jusqu'à ce que j'envoie quelqu'un d'autre de confiance pour vous remplacer ? Je ne suis pas totalement rassurée.

— Ne vous inquiétez pas. Je transmets mes derniers ordres et j'irai avec plaisir.

— Merci. Faîtes attention à vous, il y a beaucoup de gardes sur la route, recommanda-t-elle en lui confiant la clé de la porte de ses jardins.

Samios acquiesça et commença à s'éloigner.

— Au fait, lança-t-il en se retournant. J'allais oublier de vous dire. Lysianna vous attend sur la rive, après les bateaux. Elle voulait vous voir seule et m'a demandé de transmettre le message lorsque je vous croiserai.

Inwë le remercia et il reprit sa route. Cette mise à l'écart n'était pas sans relation avec sa volonté de lui parler. Lysianna cachait quelque chose. Quelque chose qui la concernait. Quelque chose qui l'avait poussée à amener sa fille ici. La Fille du Soleil devait prévoir une discussion houleuse pour s'être isolée ainsi.

Inwë ne perdit pas plus de temps en conjectures et se rendit sur place. L'endroit était vraiment éloigné, si bien qu'elle mit un long moment avant d'y arriver. Heureusement, la Lune dans le ciel sans nuage éclairait parfaitement les environs. Cependant, elle songeait à faire demi-tour, lorsqu'elle aperçut enfin Lysianna non loin. Un cheval était accroché à la branche d'un des arbres et broutait l'herbe aux pieds du tronc.

Une torche aidait l'astre nocturne à éclairer Lysianna. Cette dernière semblait, comme toujours, majestueuse, mais quelque chose de profond dans son regard attira Inwë. Il s'agissait de tristesse et de résignation. Décidément, quelque chose n'allait pas.

— Je vous attendais. Maintenant le tableau est complet, fit Lysianna énigmatique.

Et elle sortit une dague de sa manche.

***

Sur le pont du bateau de Meij, sa sœur, Alhyx, enrageait et tournait en rond criant à qui voulait l'entendre sa colère. Son jumeau, Arhys, assis un peu plus loin, ne jugeait visiblement pas opportun d'intervenir. Meij, appuyé au mât du navire, regardait sa sœur aller et venir les bras croisés, attendant vainement qu'elle se calme. Tous les autres avaient déserté la place au bout de quelques minutes, lorsque la fière guerrière avait recommencé le même discours qu'un peu plus tôt.

Depuis, elle reprenait les mêmes paroles en boucle. Seul Elio était resté, observant la scène d'un peu plus loin.

— Je ne comprends pas ce qu'on fait ici, si on ne prend pas part au conflit, enragea Alhyx pour la énième fois.

— Nous attendons qu'il prenne fin, reprit patiemment Meij. Ensuite nous aviserons. Inwë et ses alliés m'ont l'air de gens bien et il serait intéressant de voir les possibilités que cela nous offrira s'ils gagnent le conflit.

— Alors pourquoi ne pas l'aider ?

— Parce que, et même si nous l'aidons, nous ne sommes pas certains de sa victoire. Si elle venait à échouer, alors nous serions dans de gros ennuis. Nous sommes là pour la paix et non pour la guerre. Arrête de faire comme si tu ne comprenais pas, sinon je vais finir par regretter de t'avoir emmenée.

Ces dernières paroles eurent le mérite de détourner Alhyx de son idée fixe.

— Et qu'est-ce que tu aurais fait ? Tu m'aurais laissée aux mains de ces bâtards qui me jugent sans cesse et quand tu serais rentré, tu m'aurais retrouvée mariée à un immonde vieux porc ?

— Ils n'auraient rien fait sans mon accord et tu le sais. Comme tu sais que je souhaite plus que tout que tu te trouves un époux convenable, même si bien souvent nous n'avons pas le choix.

— Si tu me fais ça. Je te jure que je te tue.

— Non, tu ne le feras pas, intervint pour la première fois Arhys. Alors ne jure pas n'importe quoi.

Alhyx lança à son jumeau un regard noir.

— Toi aussi tu me vois en douce épouse fidèle ?

Arhys ne prit même pas la peine de répondre tant il jugeait la question idiote. Il tourna la tête vers l'eau puis observa les reflets qui miroitaient. Alhyx parut comprendre qu'elle était allée trop loin et comme à chaque fois que son jumeau intervenait, elle se calma un peu. Meij sentit la tension qui s'échappa de ses épaules et il s'approcha d'elle.

— Je suis désolé de ce que père a fait de toi, dit-il en posant ses mains sur ses épaules. Ne te méprends pas, je suis heureux qu'il ne t'ait pas élevée comme les autres femmes de notre rang, mais il t'a poussée dans une solitude et une violence qui m'attristent. Il aimait te voir rebelle et battre n'importe quel garçon. Mais aujourd'hui il n'est plus là pour s'en amuser et tu te retrouves seule avec des envies de sang.

Il ne s'agissait pas d'un jugement, seulement d'exprimer ses regrets à sa sœur qu'il aimait de tout son cœur. Malheureusement, Alhyx n'était pas prête à entendre ce genre de message. Elle s'écarta de lui et se rendit à l'intérieur de la cale du navire.

Elio, discrètement, la suivit. Il n'essaya pas de se cacher, chose impossible sur un bateau de cette taille, il y avait toujours quelqu'un pour vous surprendre. Toutefois, il se dirigea quand même vers la cabine d'Alhyx. En réalité, il s'agissait plutôt d'un placard qui pouvait à peine contenir une paillasse et une malle collée au sol. Alors que la porte se trouvait grande ouverte, la jeune femme glissait son cimeterre autour de sa taille déjà plastronnée.

— Que faîtes-vous ?

— Qu'est-ce que ça peut vous faire ?

— Rien. Je pense toutefois que vous êtes en train de commettre une erreur.

— Je vous ai rien demandé, maugréa-t-elle en haussant les épaules, toujours en s'activant.

— Je me doute que vous vous fichez de ce que je peux vous dire, mais je crois que vous ne pourrez aller contre l'avis de vos frères et risquer de les décevoir.

— Vous nous espionnez, maintenant ? cracha Alhyx en l'attrapant par le col.

— Non, vous vous êtes débrouillée seule pour que tout le monde entende en hurlant.

En vérité, Alhyx lui rappelait Inwë la première fois qu'il l'avait revue. Perdue, agressive et seule. Et comme pour son amie, il éprouva de la sympathie pour elle. Mais là où Inwë menaçait autrefois de s'écrouler au moindre heurt, Alhyx avait besoin qu'on lui tienne tête. En tout cas, le jeune homme le pressentait.

Il fixa donc son regard dans le sien et ne céda pas d'un pouce, même s'il ne se trouvait pas en situation de force. Finalement, Alhyx le relâcha avant de retourner à sa malle et d'enfiler une paire de gants.

— Ecoutez, je ne veux pas vous empêcher d'intervenir, j'ai bien compris que ce serait inutile. Mais peut-être que vous pourriez m'aider en toute discrétion.

Alhyx arrêta enfin de s'activer et se tourna vers lui avec un air dédaigneux, comme si elle lui demandait pourquoi elle voudrait lui prêter main forte. Cependant, il comme elle restait à l'écoute, il enchaîna rapidement.

— Êtes-vous certaine que vous ne renoncez pas ? tenta-t-il une dernière fois avant de continuer sous son regard contrarié. Un de mes amis est enfermé dans les geôles et à l'heure actuelle, s'il est encore en vie, il doit être très mal en point. Il se fait torturer depuis des jours. Seul, je ne pourrai rien faire pour l'aider et j'ai peur que si nous attendions encore, il ne meurt.

Alhyx le regardait, comme si elle hésitait à accepter une telle mission.

— Nous risquons de rencontrer des soldats lors de notre sortie en ville. Mais il faut que vous compreniez que si vous vous faites attraper en train d'en tuer, cela impliquera votre frère.

— Je ne me ferai pas attraper.

— Êtes-vous sûre des risques que vous prenez ? Parce que je ne pourrai être responsable de rien si vous êtes impliquée dans quoique ce soit.

— Vous me l'avez déjà demandé et ma réponse reste la même. Je ne me ferai pas prendre.

— Ça, c'est certain, fit une voix derrière eux.

Il s'agissait d'Arhys qui avait certainement tout entendu. Elio blêmit, il ne voulait pas qu'on croit qu'il allait au-delà des ordres de Meij, surtout qu'il s'était porté garant de leur sécurité. Pourtant il était en train de le faire, pour Erid. Certes, Alhyx irait se battre, il tentait simplement de la dévoyer à sa cause.

Erid était plus qu'un frère pour lui, presque un second père, un de ses amis les plus proches. Pour lui, il irait jusqu'à renier sa parole. Ce n'était pas sage, il en avait parfaitement conscience, cependant, à cet instant précis, il s'en moquait éperdument.

Il n'eut toutefois pas le temps de s'expliquer car, déjà, Alhyx prit la parole, sur la défensive.

— Si tu comptes me dissuader...

— Je n'y parviendrai pas. Je sais, finit son jumeau. Et cela tombe plutôt bien, je ne suis pas là pour cette raison. Tu vas y aller quoiqu'il arrive et il est hors de question que je te laisse y aller seule. C'est pourquoi je viens aussi.

Elio le regarda étonné. Arhys avait un sourire carnassier et en se tournant vers Alhyx, il vit le même s'épanouir sur ses lèvres, promettant des combats à venir. La guerrière était heureuse que son frère l'accompagne.

Elio se sentit minuscule et il comprit que tous les deux étaient bien plus semblables qu'il ne l'avait d'abord pensé. Il y avait en eux cette fougue animale, l'appel du sang qui fit frissonner le jeune prince de Somgysaï.

— Vous devriez vous masquer le visage, affirma Elio d'une voix inégale. Ce serait plus prudent.

Il se racla la gorge et reprit contenance. Arhys affirma ses dires et se dirigea dans sa cabine, juxtaposant celle de sa sœur. Elio vit la guerrière sortir un long voile de sa malle et en plusieurs gestes experts, elle l'enturbanna autour de sa tête, laissant un dernier pant libre pour pouvoir cacher son visage ensuite. Aucune mèche de ses cheveux ne dépassait. Le jeune homme ne connaissait pas ce système, mais il le trouvait ingénieux.

— Un des royaumes voisins, un vrai repère de criminels si on me demandait mon avis, se trouve en plein désert, expliqua-t-elle. Ils ont des techniques pour ne pas brûler en plein soleil et celle-ci est l'une d'entre elles. Très pratique et efficace.

Elle paraissait rassérénée. Comme si, enfin, la perspective de combattre la rendait plus ouverte. Elio comprit que, plus que celui de son frère aîné, l'avis de son jumeau était primordial pour la jeune femme. Elle semblait forte, mais si un jour elle perdait l'aval de son frère si précieux, il n'était pas certain qu'elle tienne le coup très longtemps.

Arhys sortit de sa cabine, le même tissu sur la tête, enroulé de la même façon. Il finissait d'accrocher son cimeterre à sa taille. Puis ils placèrent tous les deux le reste de leur voile devant leur visage et se dirigèrent vers la sortie du bateau.

Comme Elio l'avait si bien remarqué un peu plus tôt, on ne passait jamais inaperçu sur un navire. Mais aucun des trois ne vit que Meij les regardait s'éloigner avec un petit sourire qui se mua en regret.

Il détestait jouer le rabat-joie sans cesse, devoir être l'exemple de moralité pour tous alors que lui-même était pleins de doutes. Pourtant, là, dans son rôle de frère aîné qu'il prenait très au sérieux, il aurait aimé les accompagner pour les aider dans leur combat contre eux-mêmes. Les jumeaux avaient encore beaucoup à apprendre avant d'enfin s'apaiser.

Quelque chose en eux l'effrayait, il se demandait ce qu'il adviendrait d'eux s'il devait disparaitre avant l'heure. Trop de responsabilités, d'inquiétudes... finalement, il se serait bien battu aussi pour oublier quelques instants l'écrasant fardeau qu'était le sien.

Géron observait les camps au-delà du mur, il sentait l'agitation humaine, la sourde angoisse qui précédait une bataille. Il n'était pas un guerrier et voir du mouvement derrière les remparts le rassurait. Car de ce côté-ci, régnait un silence de mort. La peur rongeait les corps et les esprits. Tous sursautaient au moindre bruit.

Pourtant, ils étaient tous prêts à en découdre pour le changement à venir. La guerre n'était pas faite pour eux, mais l'espoir d'un avenir plus brillant les faisait tenir.

Géron aperçut trois personnes longer le mur extérieur et s'approcher d'eux. Il y avait deux silhouettes masquées qu'il ne reconnaissait pas, la troisième, en revanche, était Elio. Son cœur se desserra, l'angoisse sourde se relâcha et il respira à nouveau. Il descendit de son perchoir et ouvrit la porte rapidement avant de la refermer tout de suite après leur passage.

— J'ai besoin d'eux pour une affaire, fit Elio en désignant les jumeaux à Géron. Tout se passe bien ici ?

— C'est plutôt calme jusque-là. Nous...

Il commença sa phrase sans pouvoir la finir, un homme arriva en courant, les informant qu'une troupe de gardes arrivait vers eux, longeant les remparts.

Il n'avait pas fini de transmettre son message qu'une des deux personne masquée, la plus petite, avait dégainé son arme, prête à en découdre. La seconde s'adressa à l'homme d'une voix calme et posée, ce qui rassura imperceptiblement tout le monde qui s'était rassemblé autour d'eux.

— Combien sont-ils ?

— Une vingtaine environ, dit l'homme en tremblant de l'affrontement à venir.

Géron regarda autour de lui : ils étaient une quinzaine avec les nouveaux arrivant et la plupart d'entre eux étaient armés de couteaux, de haches et même de fourche pour l'un d'eux. Lui-même avait la chance d'avoir une épée parce que sa sœur lui en avait fourni une.

Elio sentit Alhyx soupirer, dépitée en regardant autour d'elle, mais quand elle lança un regard à son frère, ce dernier hocha la tête.

— Cachez-vous et attendez qu'ils soient regroupés pour attaquer. Nous allons leur servir d'appât. Exécution.

Les hommes semblèrent sortir de leur torpeur. Bien sûr, face à eux, l'homme était voilé. Bien sûr, ils ignoraient tout de lui. Mais il était si assuré, et semblait savoir de quoi il parlait qu'ils exécutèrent son ordre. Les rebelles partirent se cacher dans les ruelles, derrière des amas de planches, dans chaque recoin de leur cité qu'ils connaissent par cœur.

Arhys et Alhyx se dirigèrent jusqu'au croisement. Elio pouvait presque sentir l'énergie bouillonnante qui s'échappait des pores de la princesse guerrière.

— Vous aussi, allez vous cacher, prince, lui ordonna gentiment Arhys.

— Êtes-vous sûrs des risques que vous prenez ?

— Quels risques ? Il n'y a aucun risque !

— Calme-toi un peu, la modéra son frère.

Il n'eut le droit qu'à un regard glacial, mais la jeune femme se contrôla tout de même.

— Allez vous cacher, réitéra Arhys. Ne craignez rien pour nous.

Elio finit par se rendre dans le renflement d'une cour ou Géron se cachait également. Ce dernier lui posa une main sur l'épaule, comme pour se rassurer lui-même. Elio lui offrit un sourire confiant alors qu'il n'en menait pas large non plus, puis se tourna vers la rue. Il observa ces prince et princesse venus d'un autre continent, paraissant si fiers et confiants malgré leurs visages couverts.

Il avait eu le temps d'observer la fratrie et avait bien compris qu'Arhys semblait dompté parce que lui seul l'avait voulu, comprenant combien il était important d'être maître de soi-même. Pourtant, l'excitation qu'il avait ressenti en lui confirmait le fait qu'il ne relâchait que trop rarement sa bride et qu'il avait là une parfaite occasion de libérer sa nature sans risquer de malmener quiconque alors qu'il n'aurait pas dû.

Pour Alhyx en revanche, la situation présentait tout son contraire. Chaque jour, elle luttait contre un monde qui ne l'acceptait pas, contre elle-même qui ne se supportait pas, contre sa colère et sa haine qui gonflait un peu plus à chaque heure. Parce qu'on lui avait appris à être plus forte et plus solide qu'elle ne l'aurait jamais été et qu'elle n'avait que trop bien retenu la leçon. Elle ne maitrisait rien, ni dans sa vie, ni même dans son propre corps. On l'avait élevée en homme, elle ne comprenait pas ses ressentiments de femme et ne supportait pas qu'on la traite comme telle. Se battre, contrôler ses muscles, vaincre un ennemi étaient les seules choses sur terre qu'elle pouvait maîtriser. Si cela signifiait ôter des vies, elle s'en accommoderait. Au moins, durant un instant, elle ne ressentirait plus rien.

Elio qui n'était pas rassuré de devoir se battre – car contrairement à eux sa nature même était pacifique – fut rassuré d'avoir les jumeaux avec lui. Toutefois, une lourde appréhension le saisit quand il vit s'avancer les gardes. L'angoisse entortilla ses tripes. Il inspira et expira lentement, quand il se souvint des paroles d'Erid : seuls les fous n'éprouvaient pas la peur. Il regarda les jumeaux et songea qu'ils étaient fous à lier.

Ce qui n'était pas tout à fait vrai. Ils n'avaient peur que d'une chose, perdre l'autre et finir seul, sans plus aucune raison de vivre. Alors les jumeaux resserrèrent leur emprise sur leurs armes et se sourirent avant de se concentrer à nouveau sur leurs adversaires.

— Un jeu d'enfant ! lâcha Alhyx, provoquant un rire chez son frère.

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