La neige commençait à tomber avec douceur tandis que Anne et Diana étaient sur le chemin de retour.
Contrairement aux autres jours, Anne était silencieuse et perdue dans ses pensées jusqu'à ce que Diana révoqua le sujet du bal.
« Oh j'ai si hâte! Je ressens tellement de joie-non. Pas de la joie. La joie ne suffit pas pour décrire ce que je ressens, oh Anne, tu es douée avec les mots. Dis-moi, quel mot est le plus approprié pour la joie? »
Mais Diana n'eut de réponse ce qui attisa sa curiosité. Les yeux fatigués d'Anne regardaient droit devant, clairement submergée par toutes ses pensées, ce qui lui était inhabituel car ses pensées ne restaient jamais privées.
« Anne? » lui demanda Diana inquiète.
« Hmm? » Elle respirait faiblement, ses yeux rencontrant instantanément ceux de Diana.
« Tu sembles terriblement perturbée, tu es sure que ça va? » Diana plaça une main sur l'épaule de son amie.
« Je-» Anne hésita à mettre Diana au courant à propos de la journée étrange qu'elle venait de passer.
« Il y avait un mot sur ma table. »
Diana fronça les sourcils de confusion.
«Qu'est ce que tu veux dire, Anne?»
Anne soupira, chercha à l'intérieur de sa poche et tendit le mot à Diana.
Après l'avoir lu, Diana regarda son amie les yeux et la bouche grands ouverts et se mit a sourire.
« Oh, Anne! C'est si romantique! »
« Non, Diana, ça ne l'est pas! Ça m'a donné la frousse tout la journée! Je me pose tellement de questions! Qui, comment, quand, pourquoi? Pourquoi moi? À quel point cet admirateur secret est cruel! A me laisser dans le doute, pourquoi je-»
Tandis qu'Anne se plaignait, Diana pensa d'un air rêveur.
« Un admirateur secret? » dit-elle en regardant le ciel « oh ce que ces mots sont mignons, tu ne trouve pas? »
L'expression anxieuse d'Anne s'éclaira un peu. « Et bien, certes ». Elle essayait de lui faire comprendre à quel point la situation était terrible.
« C'est magnifique, n'est ce pas Anne? » La couche de neige craquait sous chacune de leur pas.
« Quoi donc ? »
« La sensation. » gloussa Diana. « Oh, dis moi! » Diana s'arrêta de marcher et se tenait maintenant face à son amie et prit ses mains. Elles se tenaient ainsi face à face dans la neige.
« L'as-tu ressenti toi aussi? » ses yeux étaient remplis de lumière et d'excitation.
« Ressenti quoi? » demanda Anne en riant. Elle n'avait jamais vu Diana dans un tel état. Si différente de son comportement habituel de jeune fille bien élevé.
« Les papillons! » murmura Diana.
« Qu'est ce que tu veux dire, Diana ? »
Diana prit son amie bras dessus bras dessous puis continua à marcher.
« Et bien, tu vois quand Charlie m'a proposé pour le bal tout à l'heure, j'ai ressenti des palpitations dans mon ventre. Et je le ressens seulement lorsque Charlie n'est pas loin. Et ensuite, je me suis souvenue de ce dont ma cousine m'avait parlé un jour! Tu ressens les papillons dans le ventre lorsque tu vois quelqu'un qui te plaît, ou dont tu te soucis. Ou lorsque quelqu'un t'aime. » Diana agita ses sourcils tandis que Anne roulait des yeux.
« Quand Charlie m'a demandé, j'ai réalisé que j'avais des papillons lorsqu'il était près de moi. Alors dit moi, l'as tu ressentis lorsque tu as lu ce papier ? »
Anne resta silencieuse et était frappée par toutes ses pensées envers Gilbert.
Elle se rappelle avoir ressenti ses palpitations jusque là inconnues, lorsque Gilbert les a rejoint sur le chemin de l'école ce matin, et le jour d'avant. Mais ça n'apparaissait que lorsque Gilbert était près d'elle.
Gilbert Blythe, le garçon qu'elle méprisait tant. Le garçon qui la faisait monter en furie par sa simple présence.
Le garçon qu'elle à la fois détestait et admirait profondément.
Le seul qui, comme elle, ne peut être à cour d'imagination.
Mais ça ne se peut pas, pensa-t-elle.
C'est impossible.
Gilbert Blythe était le fléau de son existence. Vous savez, par rapport à ses cheveux roux.
Et rien ne pouvait la convaincre du contraire.
« Anne? »
Anne la regarda. « Et bien, je crois que j'ai déjà ressenti cela avant. » avoua-t-elle. Elle ne voulait mentir à sa chère Diana.
« Vraiment? Avec qui? » ses yeux étaient écarquillés.
« Gilbert Blythe. » répondit elle nonchalamment, tout en gardant son regard droit devant elle, les mains dans les poches.
Diana plaça sa main devant sa bouche de stupeur. « Anne! Pourquoi tu ne m'as jamais dit que tu aimais Gilbert Blythe! »
Anne roula ses yeux avec un sourire. « Pff, j'ai jamais dit ça. »
Anne replaça une mèche de cheveux derrière son oreille et continua de marcher auprès de son amie.
Diana gloussa dans un sourire. « Mais tu le ressens quand même. »
Anne lui sourit. Moi? Gilbert Blythe ? Aucune chance.
« Je suis sure que c'était à cause de ma montée en furie. »
****
Anne raccompagnât son amie chez elle, puis décida qu'il était assez tôt pour faire un detour dans les bois un petit moment. Elle pensait qu'elle pourrait jouer à Reine Elizabeth encore, mais cette fois-ci, dans une bataille intense contre l'ennemi.
Elle atteignit rapidement le lac gelé. Mais le temps qu'elle arrive, la neige avait déjà cessé de tomber. Elle posa ses livres d'école sur une bûche de bois et ramassa des fleurs avec ses petits doigts fins et froids après avoir retiré ses mittens.
« Le malheur pour moi est d'attendre l'hiver dans un sommeil, mon ami. Mais ne t'inquiète pas; les flocons de neige me tiendront compagnie, et la neige rend le monde beaucoup plus innocent. » Anne s'adressait aux fleurs dans ses mains.
« Je voudrais écrire de la poésie plus tard, tu sais? » sourit-elle. « Je pense que ce serait bien pour mon imagination, tu ne crois pas ?»
« Alors pourquoi ne pas devenir poète maintenant ? » Une voix familière fit sursauter notre chère Anne.
Elle se retourna immédiatement, faisant face au garçon derrière elle.
« Comme le disait Lord Chesterfiel, ne jamais remettre à demain ce que l'on peut faire aujourd'hui » cita Gilbert.
« Vas tu arrêter avec ça et te contenter d'un simple bonjour? » Anne se sentit vexée.
Gilbert laissa échapper un petit rire. « Bonjour, Anne. » il s'avança vers elle, les mains dans les poches. « Que fais tu dans les bois avec un temps pareil? »
« Et bien, je te retourne la question, Gilbert Blythe. »
Il sourit de plus belle. « Et bien, je faisais juste une petite promenade. J'adore l'hiver, voix-tu. Je trouve que c'est la plus belle saison de l'année. »
Anne passa de énervée à confuse. « Vraiment? » marmonna-t-elle. Elle diminua la distance qui les séparait en s'asseyant vers la bûche tout en essayant de comprendre le point de vue de Gilbert. « Comment ça ? ».
Le garçon avait gagné son intérêt, ce qui arrivait rarement, donc Gilbert était quelque peu surpris.
Bien sûr, il attendait ce moment depuis si longtemps, la chance d'avoir une vraie conversation avec Anne, et non pas juste des arguments .
Car la seul chose que Gilbert arrivait à tirer d'elle était sa colère. Mais là, il obtenu quelque chose qu'il avait toujours voulu chez elle, son attention.
Il saisit sa chance.
Il lui sourit. « Puis je m'asseoir? »
Anne tapota sur sa droite et se décala, permettant à Gilbert de la rejoindre.
« Et bien, si tu veux savoir, » Gilbert se rapprocha discrètement d'elle sans qu'elle ne s'en aperçoive. Elle était trop curieuse de savoir ce qu'il allait lui dire.
« J'aime l'hiver car c'est le temps où tout change. Les fleurs fanent, les arbres deviennent nus et tout est en retrait. Même le soleil semble se cacher. » il s'arrêta et regarda Anne. Ses yeux bleus brillaient, elle était absorbée par chaque mots de ses paroles. Un sourire se dessina sur les lèvres de Gilbert.
« Pendant l'hiver, tout semble froid et triste, mais je le vois autrement; car lorsque la noirceur arrive, cela fait encore plus ressortir les petites traces de lumières. Je vois l'hiver comme un temps d'espoir. Car lorsque la glace commence à fondre et que le soleil se montre, ça brille plus que jamais. Soudain, tout semble plus vivant qu'avant. »
Anne lui sourit.
« Comme mon père disait, les jours heureux le sont deux fois plus lorsque tu es libre de tout problème. »
Anne soupira et sourit d'émerveillement.
« C'est magnifique, Gilbert. » murmura-t-elle. « Je n'avais jamais pensé de cette façon la! J'ai toujours aimé l'hiver mais ça n'a jamais été ma saison préférée. Personnellement, je préfère le printemps. J'adore quand les fleurs commencent à fleurir et les arbres repoussent! » riait-elle.
« Et l'hiver fait ressortir la couleur de ses épouvantables cheveux roux ». Anne fronçait des sourcils tout en tenant ses nattes.
Gilbert ria. « Je les trouve géniales! »
« Tu les compare à des carottes. » lui lança-t-elle.
Il ria encore. « Je n'ai jamais dit que je n'aimais pas les carottes. »
Anne rougit et regarda par terre. « D'ailleurs, » reprit Gilbert en touchant un de ses tresses. « Je trouve que tu es comme le soleil en hiver. »
Un silence fit place après ça.
Anne ignorait si c'était un compliment ou pas, mais cette remarque fit monter de la chaleur au niveau de ses joues.
« Je trouve que le soleil est magnifique. » admît-il sans cesser de la regarder.
Le cœur d'Anne battait, son ventre était rempli de palpitations, une fois encore.
Et là, elle savait que ce n'était pas à cause de la colère.
Elle secoua sa tête et ferma les yeux pour oublier cette pensée. « Je-Je dois heu, » Anne se leva d'un coup. « Je ferais mieux d'y aller, Marilla et Matthew me cherchent surement. » Elle tenta de se calmer. Elle prit ses livres et Gilbert se leva. « Oh,» marmonna-t-il essayant de cacher sa déception. « Tu es sure de ne pouvoir rester encore un petit peu? » il demandait avec espoir.
Anne lui sourit d'un air désolé, essayant d'éviter son regard.
« Merci pour la pomme, aujourd'hui. Je suis désolée si j'ai été impoli envers toi tout à l'heure mais c'est jusque que Ruby-» Anne écarquilla soudainement des yeux car elle venait d'avoir une brillante idée.
« Ruby! » s'exclama-t-elle, laissant Gilbert dans la confusion. « Oh, Gilbert je t'en serais entièrement redevable pour le restant de mes jours, mais s'il te plaît, s'il te plaît ça signifierait tout pour Ruby si tu lui demandais pour le bal demain soir. » Anne le suppliait. Elle voulait regagner la confiance de Ruby. En plus, ce serait plus facile pour elle de ne plus avoir ces papillons dans le ventre si elle restait le plus loin possible de Gilbert. Ses sentiments pour lui la rendaient anxieuse au point de ne pas vouloir admettre qu'elle ne méprisait plus Gilbert. Et Anne détestait ce sentiment.
Gilbert fit fasse à elle, une certaine tristesse dans le regard. « Oh, um. Mais, Anne, j'ai deja-um- j'ai -» il perdit les mots.
Anne le regardait avec espoir, et se sentit cruelle lorsqu'elle réalisa qu'elle espérait secrètement au fond d'elle qu'il refuse.
Gilbert décida d'abandonner. « Cela te rendrait heureuse si je demandais à Ruby pour le bal? »
Anne lui sourit mais ressentait de la peine au fond d'elle.
« Ça signifierait tout. »